Dermatose nodulaire : "La combinaison des vaccins et des abattages nous permettra d'éradiquer la maladie", affirme Marc Fesneau, président du groupe Modem

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Jeff Wittenberg : Est-ce que vous approuvez la méthode de celle qui vous a succédé, Annie Genevard, dans cette crise de la dermatose nodulaire ? C'est-à-dire, oui, il faut vacciner, mais il ne faut pas renoncer à la procédure actuelle, l'abattage des troupeaux quand il y a un cas.

Marc Fesneau : Mais malheureusement, c'est la combinaison des deux qui nous permettra d'éradiquer cette maladie. C'est une maladie qui peut tuer 5 à 10 % des animaux. Il y a 17 millions de bovins en France. Ça fait entre 800 000 et 1,7 million de bovins qui pourraient mourir si nous n'arrivons pas à endiguer cette maladie. C'est une maladie qui est transportée par des moucherons ou des moustiques, ce qu'on appelle une maladie vectorielle. Donc la vaccination est un élément, mais l'abattage, malheureusement, parfois s'impose. Alors c'est très difficile parce que l'abattage, ce n'est pas une question d'indemnisation, principalement, c'est une question de drame humain qui est vécu à chaque fois.

Qu'est-ce qu'il faut répondre à ces éleveurs qui sont désespérés, qui sont en colère, lorsqu'ils n'ont pas leurs troupeaux ?

On a eu ça sur la fièvre catarrhale il y a des dizaines d'années, qui avait décimé l'ensemble des troupeaux et au fond, avec cette mesure qui est sacrificielle pour ces éleveurs-là, on protège l'ensemble des autres éleveurs qui sont autour de soi.

Mais l'explication ne passe pas...

Je pense qu'on a un sujet permanent, désormais, sur ces mesures-là. Il faut accepter d'être challengés sur la mesure qu'on prend. C'est-à-dire que des gens puissent dire "Je ne suis pas d'accord, il faut que vous m'expliquiez. Il faut que vous me disiez, qu'est-ce que ça fait de mieux que si nous n'abattions pas ?" Nous tous, pas seulement la ministre, nous tous, élus responsables et scientifiques. Je pense aussi aux vétérinaires qui sont au front depuis des semaines.

La pédagogie a été insuffisante ?

Je ne sais pas. En tout cas, je pense qu'on est dans un moment où, à chaque fois, on a besoin d'expliquer, d'expliquer, d'expliquer et de ne pas penser que nous viendrions imposer la science ou imposer la décision. Mais il faut essayer de la faire partager. Si on le fait, c'est parce qu'on pense et on sait que c'est la meilleure voie pour éradiquer cette maladie. Pour les éleveurs, ce qu'il faut, c'est éradiquer la maladie.

Et il y a un autre motif de colère : la signature de ce traité Mercosur qui est prévue samedi 20 décembre. Alors, a priori, tout le monde pousse dans le même sens en France, puisque les autorités, Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron, disent qu'il ne faut pas signer samedi. Mais pour l'instant, le traité de libre-échange entre l'Union européenne et ses pays d'Amérique du Sud va être signé.

La vérité oblige à dire que si le président de la République n'avait pas pesé de tout son poids depuis des années, le traité Mercosur serait signé, non pas depuis samedi, il serait signé depuis trois ans. Et c'est la position française qui a essayé de se chercher des alliés, qui a permis d'éviter que ce soit signé.

On a reculé l'échéance, mais elle est toujours là.

Pourquoi ? Parce que la décision, c'est une décision à 27. Donc le sujet, ce n'est pas d'avoir raison tout seul, c'est d'avoir raison avec d'autres. Il faut embarquer, si vous me permettez cette expression, une autre majorité ou une minorité de blocage. Une partie des pays de l'Est, les Italiens, il fut un temps. On a besoin de conforter ça et de dire que le président de la République, les autorités françaises, le Premier ministre, la ministre de l'Agriculture ont dit depuis le début qu'il y a des choses qui ne sont pas acceptables dans cet accord. On a besoin d'avoir des clauses de sauvegarde. Et aujourd'hui, elles n'y sont pas, donc on s'y oppose. Ce que je comprends de la discussion, c'est qu'un certain nombre d'autres pays que la France sont en train de peser pour dire qu'en l'état, ça n'est pas signable, et donc, vous reportez la décision de signature.

Mais vous pensez, vous pronostiquez qu'il n'y aura pas de signature ?

Je ne suis pas pronostiqueur, en tout cas, je sais que la France pèse de tout son poids, et que le président de la République pèse de tout son poids. Après, ce sont des décisions à 27. Donc croire que 1 contre 26 ça marche, non, il faut trouver des alliés. C'est facile à dire sur un plateau, ce n’est pas facile à faire parfois dans les enceintes européennes.

Pensez-vous que le pays aura un budget avant la fin de l'année, puisque c'est l'objectif, et que pour l'instant, ça s'est bien passé, ça s'est bien terminé pour la Sécurité sociale. Mais le projet de loi de finances est au point mort.

Alors d'abord, pour essayer d'être précis, pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ce n'est pas terminé.

Il y aura un vote, mais qui devrait le confirmer.

Mais il faut qu'il le confirme. Il y a toujours un risque, parce que vous voyez bien les pressions qui sont faites, je pense, sur le côté gauche à un certain nombre de députés, de menaces, y compris sur les processus électoraux.

Il y a des députés socialistes qui pourraient renier leur vote de mercredi dernier ?

Ce n'est pas renier, je n'ai pas un jugement de valeur. Je vois bien les pressions qui s'exercent. D'abord, assurer ce vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c'est cet après-midi. Deuxième élément, projet de loi de finances. L'idée, c'est qu'on essaye de trouver par le même chemin et le même processus une voie de compromis. Il faut qu'on trouve une balance. Premier élément, moins de 5% de déficit pour nous. On ne peut pas aller au-delà parce que là on met en risque les Français par rapport à la dette et au déficit. Deuxième élément, il faut qu'on trouve un équilibre assez savant entre des dépenses et des recettes qui permettent d'avoir un déficit qui se réduit. Et c'est là-dessus qu'on a un travail à faire. Je pense que, je le dis à tous ceux qui, y compris, ne sont pas dans la majorité, il faut qu'on fasse un effort sur la réduction des dépenses. Croire que c'est la facilité qui nous fera sortir du gouffre, ce serait une erreur.

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