Jennifer Lopez surprend Sundance avec un Kiss of the Spider Woman aux accents d’Emilia Pérez

C’était la projection la plus courue de cette édition de Sundance et celle qui a suscité la plus longue salve d’applaudissements. Samedi soir, la superstar Jennifer Lopez présentait à la Mecque du cinéma d’auteur américain la détonante comédie musicale Kiss Of The Spider Woman. Attendue au tournant et au bord des larmes, la comédienne et chanteuse, qui défiait le code vestimentaire hivernal réglementaire de Sundance - parka et col roulé - pour une robe à sequins digne des Oscars, ne cachait pas son émotion. «J’ai attendu ce moment toute ma vie» a-t-elle lancé. « La raison pour laquelle je voulais devenir acteur, c’est parce que ma mère me faisait asseoir devant la télé et me passait West Side Story une fois par an. J’étais fasciné. Grâce à Bill Condon, je réalise mon rêve».

Réinterprétation du roman de Manuel Puig Le Baiser de la femme araignée, déjà porté au cinéma en 1985 par un William Hurt oscarisé et devenu un classique de Broadway, Kiss of the Spider Woman se déroule en 1983 dans l’Argentine de la junte. Prisonnier politique Valentin Arregui (Diego Luna) voit sa captivité perturbée par l’arrivée d’un nouveau codétenu Luis Molina, un étalagiste homosexuel arrêté pour outrage aux bonnes mœurs. Luis s’est vu promettre une remise en liberté s’il arrive à soutirer des aveux à Valentin sur la dissidence. 

Prisonnier politique Valentin Arregui voit sa captivité perturbée par l’arrivée d’un nouveau codétenu Luis Molina. Sundance

Un Oscar pour Jennifer Lopez ?

Entre le passionné de cinéma et le marxiste un brin macho, le courant passe difficilement. Mais c’est sans compter les talents de conteur de Luis, qui invente pour son compagnon d’infortune des faux films mettant en vedette son actrice favorite Ingrid Luna, campée par Jennifer Lopez. Ces scénarios imaginaires ne tardent pas non plus à mettre en scène Valentin et Luis.

Salsa, mambo Jennifer Lopez danse et chante avec une assurance qu’elle n’avait pas pu dévoiler jusque-là. Sundance

Mélange de genres disparates mettant en scène des héros queer, Kiss of the Spider Woman, qui suscite l’intérêt d’au moins deux distributeurs Mubi et Searchlight, fait beaucoup penser à Emilia Perez de Jacques Audiard (très décrié par une partie de la communauté cinéphile américaine et latine). Kiss of the Spider Woman entremêle le huis clos carcéral à une douzaine d’impressionnants numéros de comédie musicale technicolor rendant hommage aux classiques des années 1950. Salsa, mambo Jennifer Lopez danse et chante avec une assurance qu’elle n’avait pas pu dévoiler jusque-là. Tantôt blonde à la Marylin Monroe, tantôt femme fatale brune à la Ava Garner qui emprisonne les hommes dans sa toile. Cette performance fait déjà dire à certain que l’interprète de Jenny From The Block pourrait décrocher une nomination aux Oscars 2026 !

Donald Trump dans le viseur de Bill Condon

Tourné en partie en Uruguay, Kiss of the Spider Woman, fait parler ses héros en anglais (et non en espagnol). Bill Condon met au premier plan l’amitié amoureuse naissante entre Valentin et Luis, incarné par l’étonnant nouveau venu Tonatiuh. «Avec ce film, j’ai voulu combler les différences qui nous séparent», a expliqué Bill Condon avant de citer un extrait du discours inaugural de Donald Trump décrétant que seuls «deux sexes, masculin et féminin» seront désormais reconnus par l’état civil. «Vous verrez, mon film a un point de vue opposé», a souligné le cinéaste de Dreamgirls, qui avait été découvert à Sundance en 1998 avec Ni dieux, ni démons. «Ce que rappelle Kiss of the Spider Woman, c’est que la seule manière de se retrouver est à travers l’amour et la générosité».

Bill Condon a soumis Kiss of the Spider Woman aux organisateurs de Sundance le lendemain de la victoire de Donald Trump à la présidentielle de novembre. Après un bref moment d’hésitation, il a finalement été décidé de projeter ce film comme prévu au sein du festival, plus que jamais bastion de la diversité et de l’inclusion. «Depuis des années, les personnes transsexuelles sont les victimes d’une guerre culturelle. Peu importe ce qui se passait, cela ne disparaît pas », a déploré Bill Condon. « Et encore une fois, la promesse de ce film est que nous pouvons aller au-delà de ses préjugés et se voir comme des individus».