Tout savoir sur la palme d’or, symbole immuable du Festival de Cannes

Son éventail de feuilles dorées fait rêver acteurs et cinéastes depuis 1954. L’iconique palme d’or, adoptée il y a 70 ans à l’initiative de Robert Favre Le Bret, alors délégué général du Festival de Cannes, sera attribuée le 24 mai à l’un des 22 films retenus en compétition sur la Croisette. Qui d’Alpha, Eddington, ou encore The Phoenician Scheme succédera à Anora  de Sean Baker, lauréat de la prestigieuse récompense l’an passé ? Les pronostics sont lancés à quelques heures de la cérémonie d’ouverture.

L’histoire de la palme d’or débute en 1954, soit quelque 70 années avant la 78e édition qui sera lancée ce soir. On peut se demander quel prix recevaient les lauréats entre la première et la huitième édition. La première édition effective du Festival de Cannes se tenant en 1946, une année après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fallait bien délivrer une récompense aux vainqueurs. Le Jury décernait alors ce qui, pendant huit ans, s’intitulait le « Grand Prix du Festival International du Film ». Le trophée arborant une étoile en son sommet était alors donné aux réalisateurs couronnés.

La palme d’or apparaît en 1954

C’est seulement en 1954 qu’apparaissent les premières traces de la célèbre palme d’or. L’idée vient de Robert Favre Le Bret, ancien journaliste français travaillant à Paris Match puis délégué général du festival entre 1952 et 1972. Il s’inspire alors des armoiries de la ville de Cannes : un blason bleu sur lequel figurent une palme d’argent posée en barre et deux fleurs de lys dorées. Comme un symbole, l’historien cinéphile propose de réutiliser la palme. L’idée fait consensus. Le Conseil d’administration du Festival de Cannes envoie des invitations à plusieurs joailliers. Le dessin de la créatrice de bijoux Lucienne Lazon sera retenu. Un trophée inspiré de sa formidable inspiration naîtra. On y aperçoit pour la première fois le fameux cœur sur l’extrémité inférieure de la tige coupée en biseau. C’est la genèse d’un emblème.

Les dix années qui suivent la création de la palme d’or récompensent sur la Croisette de nombreux films cultes. Le premier récipiendaire de ce trophée rebaptisé et relooké se nomme Delbert Mann, réalisateur et producteur de cinéma né en 1920. Il l’obtient en 1955 pour son film Marty que l’on retrouvera l’année suivante sacré à quatre reprises lors de la cérémonie des Oscars. En 1956, le trophée revient à Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle pour Le Monde du silence, l’un des deux seuls documentaires lauréats de la palme d’or dans l’histoire du festival avec Fahrenheit 9/11 de Michael Moore en 2004. S’ensuit La Loi du seigneur de William Wyler (1957) avec Anthony Perkins qui prêtera ses traits à Norman Bates dans Psychose d’Alfred Hitchcock trois ans plus tard. Puis, Quand passent les cigognes du réalisateur Mikhaïl Kalatozov (1958), unique film russe à avoir reçu la palme d’or, ou encore Orfeu Negro de Marcel Camus en 1959.

Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle reçoivent la deuxième palme d’or de l’histoire en 1956. AFP

Retour au Grand Prix en 1964

Mais cette fameuse palme, par un curieux paradoxe, sera remisée aux oubliettes, obéissant peut-être à une volonté de changement. Cinq ans plus tard, en 1964, le Conseil d’administration du festival décide de revenir temporairement au Grand Prix. La palme disparaît alors pendant une douzaine d’années du paysage cannois. Avant de revenir en 1976, et de s’imposer comme la récompense mythique et durable du plus grand événement cinématographique du globe. Elle sera désormais attribuée à la fin de la compétition au réalisateur du meilleur long-métrage. Pour son «come-back », la palme est livrée au vainqueur dans un écrin de maroquin rouge pleine peau, capitonné de daim blanc.

Car la palme d’or est aussi une histoire de style. Ce qui fait son prestige, c’est son apparence. Un design plein d’élégance, de brillance et de sobriété. Au tournant des années 1980, le socle du trophée se réinvente. Il passe d’une forme arrondie à une forme pyramidale en 1984 et devient, en 1992, un cristal taillé par les mains de Thierry de Bourqueney. Cinq ans plus tard, à l’occasion du cinquantième anniversaire du festival de Cannes, la palme se transforme encore. Elle devient « la Palme des Palmes », un prix attribué au réalisateur Ingmar Bergman pour En présence d’un clown.

Le socle de la palme d’or était en forme pyramidale en 1984. AFP

La conception de la palme d’or

1998 marque un autre tournant, celui de l’arrivée de la palme d’or telle qu’on la connaît aujourd’hui. Theo Angelopoulos en sera le premier lauréat pour son film L’Éternité. Une pointe de modernité, donc, imaginée sous la présidence de Pierre Viot par Caroline Scheufele, coprésidente de l’horloger-joaillier suisse Chopard, établissement qui conçoit chaque année le trophée. Cette volonté s’inscrivait alors dans une recherche de volume et de luxe. La joaillière a donc rehaussé les nervures de la tige et des feuilles. La conception du produit final est devenue plus fine. La tige de 18 centimètres et les 19 folioles sont sculptées une à une dans un bloc de cire bleue de bijoutier. Le tout est ensuite disposé à l’intérieur d’un puits qui le noie de plâtre liquide. Le plâtre durcit et la cire fond après leur passage dans un four à 760 degrés. Un or 18 carats, composé à 75 % d’or et 25 % d’argent, est coulé dans l’empreinte. Depuis 2024, le Festival de Cannes soutient que cet or est certifié « équitable ».

La palme est faite d’or 18 carats. FABRICE COFFRINI/AFP

Après les étapes de modélisation et plusieurs bains de nettoyage, la palme est polie au chalumeau, puis, à l’aide de meules et d’abrasifs, un joaillier fait apparaître la brillance et obtient l’éclat d’un bijou en or. La confection de la palme terminée, il reste encore à constituer son socle. De nouveau, des matériaux d’exception sont utilisés. Un sculpteur vient scier, tailler et polir un cristal de roche de 3 kg, différent pour chaque édition, en forme de coussin. La palme y est ensuite fixée et le trophée apposé dans un écrin de maroquin bleu roi. La récompense est gardée dans un endroit secret avant d’être remise au lauréat.

Depuis 2000, deux versions miniatures de la palme sont décernées au Prix d’interprétation féminine et au Prix d’interprétation masculine. AFP

Une édition spéciale pour la 70e édition du festival

Au passage à l’an 2000, le festival révolutionne la palme. Il décide de la décliner en deux versions miniatures : l’une pour le Prix d’interprétation féminine, l’autre pour le Prix d’interprétation masculine. Les premiers à les recevoir sont les acteurs Björk et Tony Leung Chiu-wai. 17 ans plus tard, Cannes célèbre son 70e anniversaire. Pour marquer l’occasion, la palme s’offre un nouveau design, à l’effet givré, encore plus luxueux que l’original. Pas moins de 167 diamants certifiés y sont incrustés. L’heureux vainqueur de ce trophée, unique, se nomme Ruben Ostlund pour son film The Square.

En 2017, 167 diamants certifiés ont été incrustés sur la palme d’or pour célébrer la 70e édition du Festival de Cannes. FABRICE COFFRINI/AFP

Au cours de son histoire, la palme d’or a été décernée à 53 films et réalisateurs. Seulement trois femmes l’auront reçu : la néo-zélandaise Jane Campion, pour La Leçon de piano en 1993, la réalisatrice française Julia Ducournau, pour son deuxième long métrage Titane en 2021, et une autre française, Justine Triet, pour Anatomie d’une chute en 2023. Neuf réalisateurs pourront se vanter de l’avoir gagnée à deux reprises : Francis Ford Coppola (1974 et 1979), Shoei Imamura (1983 et 1997), Bille August (1988 et 1992), Emir Kusturica (1985 et 1995), Jean-Pierre et Luc Dardenne (1999 et 2005), Michael Haneke (2009 et 2012), Ken Loach (2006 et 2016) et Ruben Östlund (2017 et 2022).

La réalisatrice française Justine Triet reçoit la palme d’or pour son film Anatomie d’une chute en 2023. VALERY HACHE/AFP