Wimbledon 2025 : de la dépression à une finale en Grand Chelem, la fin d'une longue traversée du désert d'Amanda Anisimova

Tel un phœnix, elle renaît de ses cendres. Amanda Anisimova s'est qualifiée en finale de Wimbledon jeudi 10 juillet, sa première en carrière en Grand Chelem, aux dépens de la numéro 1 mondiale Aryna Sabalenka. Une arrivée fracassante que personne n'attendait à Londres. Car l'Américaine de 23 ans, qui va défier, samedi 12 juillet, Iga Swiatek, avait déjà frôlé les sommets avant d'entamer une longue descente en enfer.

Finaliste de Roland-Garros juniors en 2016 à 14 ans, numéro 2 mondiale de la catégorie en juin de la même année, puis vainqueure de l'US Open chez les jeunes en 2017, Amanda Anisimova avait tout pour briller. Sa transition chez les seniors était même bien enclenchée, avec notamment une demi-finale porte d'Auteuil en 2019 à seulement 17 ans. Les éloges se multipliaient d'ailleurs autour d'elle. "Cette fille sera forte. Elle a l’élégance et l’assurance – l’attitude – pour être une grande joueuse", disait d’elle la vainqueure de 18 titres du Grand Chelem, la Tchèque Martina Navratilova lors de sa demie à Paris. "C'est une superstar en puissance, c'est clair, confirmait à son tour l'Américaine Lindsay Davenport, trois Majeurs à son palmarès. Elle a du talent, elle sait ce qu'elle veut, elle travaille dur. À mon avis, on va la voir pendant très longtemps..."

Un drame familial vient interrompre son ascension

Mais sa trajectoire, bien que déjà toute tracée, subît un coup d'arrêt. En août 2019, quelques mois après sa demi-finale à Paris, le père d'Amanda Anisimova, qui était aussi son entraîneur et son mentor, décède subitement d'une crise cardiaque à 56 ans. Alors 24e mondiale et plus jeune des trois adolescentes du Top 50 (avec la Canadienne Bianca Andreescu et l'Ukrainienne Dayana Yastremska), son univers s'effondre. Elle met un terme à sa saison à la fin du mois de septembre qui marque le début de sa traversée du désert. Plus de résultats. En 2020, elle participe à seulement 10 tournois (pour 11 victoires et neuf défaites). L'année suivante, elle ne gagne qu'un ou deux matchs sur chacun des 17 tournois auxquels elle participe.

Elle n'est alors que l'ombre d'elle-même, et plonge dans la dépression. Son épuisement mental la pousse à mettre en pause sa carrière en mai 2023, après sa défaite au premier tour à Madrid. Cette année-là, elle ne participe qu'à sept tournois, pour trois victoires. "Depuis l'été 2022, j'ai vraiment des problèmes de santé mentale et d'épuisement professionnel. C'est devenu insupportable de participer à des tournois de tennis. À ce stade, ma priorité est mon bien-être mental et de faire une pause pendant un certain temps. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour surmonter cette épreuve", écrit-elle, le 5 mai 2023, sur son compte Instagram pour expliquer son choix.

Pendant cette pause, qui durera près de huit mois, elle s'accorde du temps pour elle, avec ses proches, voyage et se met notamment à la peinture. Elle vend même ses toiles afin de récolter des fonds pour des œuvres caritatives. "Parfois, on s'imagine remonter le temps et on se dit qu'on aurait pu faire les choses différemment, mais la décision de faire une pause avec le tennis, je la reprendrais 10 fois sur 10", confiait-elle à L'Équipe Magazine en début d'année.

"J'ai envoyé un message très fort"

Le pari se révèle gagnant. Revenue sur les courts en janvier 2024, elle retrouve ses repères et atteint sa première finale depuis 2018, à Toronto, avant de reprendre véritablement le fil de sa carrière en 2025 avec trois finales : à Doha (WTA 1000) où elle remporte le titre, au Queen's (WTA 500) et à Wimbledon, assurément la plus belle de toute. "Cela signifie beaucoup pour moi [cette finale à Wimbledon]. Cela montre que c'est possible. Je pense que j'ai envoyé un message très fort car quand j'ai choisi de prendre une pause, plein de gens m'ont dit que je ne reviendrais jamais au sommet si je m'éloignais aussi longtemps du tennis", a rappelé, en conférence de presse à Londres, la joueuse qui jouait les qualifications de Wimbledon un an auparavant et qui végétait encore dans le top 200.

"C'était difficile à digérer parce que je voulais revenir, accomplir de grandes choses et gagner un jour un Grand Chelem. Réussir à prouver qu'on peut revenir au plus haut niveau en pensant d'abord à soi, c'est incroyablement fort pour moi."

Amanda Anisimova, finaliste à Wimbledon

en conférence de presse

Avec 12 victoires depuis le début de la saison sur herbe, Amanda Anisimova confirme ainsi sa bonne forme du moment, elle qui a atteint son meilleur classement (12e). "Amanda était certes programmée pour tout ça, mais parfois, dans la vie, les choses font que ça prend plus de temps, glissait Romain Deridder, son ancien entraîneur entre 2021 et 2022 à L'Equipe, après la demi-finale. Là, ça fait plaisir de la voir épanouie et heureuse sur le court. Mentalement, elle sait ce qu'elle veut. Quand elle a cette stabilité émotionnelle et cette consistance dans le travail, rien ne peut l'arrêter", explique celui qui la définit comme "l'une des meilleures [joueuses] du monde, de très très loin" au niveau tennistique.

Pour cette finale inédite face à la Polonaise Iga Swiatek, qui verra une nouvelle lauréate soulever le Venus Rosewater Dish comme tous les ans depuis 2017, Amanda Anisimova se sent "prête. Avant chaque match, je me dis que je dois profiter de chaque moment, rester dans l'instant présent, sans me concentrer sur le résultat. Donc je vais continuer à me le répéter. (...) J'espère que je pourrai proposer un tennis de qualité et faire de ce match une bataille", a-t-elle déclaré en conférence de presse jeudi.

Même si son adversaire, 4e mondiale, n'a jamais perdu en finale de Grand Chelem, Amanda Anisimova, qui a battu avec la manière la numéro une mondiale et est assurée de faire son entrée dans le top 10 (7e a minima), s’est bien accordé le droit de rêver encore un peu loin.