Notre critique d’On vous croit, l’art de trouver la bonne parole

A-t-on envie de retrouver au cinéma des histoires qu’on lit ou qu’on écoute chaque jour à la rubrique faits divers ? Pourquoi choisir la fiction plutôt que le documentaire pour évoquer les violences familiales devant la justice ? Dans un monde dominé par des nouvelles angoissantes, ces questions seront légitimes avant de choisir d’entrer dans une salle obscure pour voir On vous croit, long-métrage de Charlotte Devillers et Arnaud Dufys. D’autant qu’en matière de justice, certains documentaires de Raymond Depardon ont marqué les esprits. Tout comme l’excellent Ni juge ni soumise  (2018). Mais devant un film d’une heure et dix-huit minutes, on peut enjamber ses réticences et pousser la porte.

Au quotidien, Charlotte Devillers est infirmière et travaille avec des victimes de violences sexuelles. Son premier film met côte à côte acteurs professionnels et non professionnels. Les avocats jouent le rôle qu’ils endossent quotidiennement dans l’enceinte d’un tribunal quand les parents ont eu à apprendre un texte très précis. Le résultat est une immersion dans le bureau d’une juge (Natali Broods) qui écoute tour à tour chacun des protagonistes.

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Des traumatismes en majuscules

L’enjeu est grand. Alice (Myriem Akheddiou) doit affronter le père de ses enfants (Laurent Capelluto) - il n’a pas de prénom - qui remet en cause leur garde. Étienne (Ulysse Goffin) et Lila (Adèle Pinckaers) ne veulent plus voir ce dernier et doivent expliquer les raisons de leur choix. Une scène à laquelle nous n’avons pas droit. Ils sont fatigués de devoir encore détailler leur refus de laisser leur père en dehors de leur vie. Mais la justice a son temps et ses méandres qui ne mesurent pas la profondeur des traumatismes. Ici, ils sont inscrits en majuscules, même si le mot viol n’est prononcé qu’au bout d’une heure.

Découpé en trois temps, ce film coup de poing offre une entrée et une fin de repas en petites portions. De courtes scènes qui suffisent à comprendre qu’Étienne, colérique et caché par la capuche de son sweat, a vécu des événements hors norme. Et que sa mère, qui fait face à toutes les difficultés, avance en titubant sur un fil. Le plat de résistance, lui, occupe la plus longue partie et vous colle à la peau. Cinquante-cinq minutes, c’est le temps que passent les réalisateurs dans le bureau de la juge. Une scène tournée en temps réel et en prise continue. Alice n’aura pas d’autre chance pour convaincre qu’elle doit conserver ses enfants auprès d’elle.

Lors de longs plans d’écoute en gros plan, chacun est filmé frontalement et occupe tout l’espace. La caméra n’est pas toujours braquée sur celui ou celle qui parle, mais capte parfois les émotions qui traversent les autres. On tremble avec Alice dont les gestes et la posture trahissent la nervosité. On s’énerve avec l’avocate du père dont les propos sous-entendent une part de manipulation de la mère. On s’agace avec celui des enfants qui ne semble pas assez investi. On vacille devant la déclaration du père, convaincant quand il explique qu’il n’est coupable de rien. Et on se rassure avec celle d’Alice dont le propos apparaît solide. L’ensemble est une lente montée vers le sommet de l’horreur.

Dans un espace blanc et aseptisé, impossible de sortir de ce huis clos. Tout sonne très authentique. Quand la lumière se rallume, on comprend alors que la fiction était la meilleure option pour traiter le sujet des violences sexuelles sur les enfants. Chaque détail a pu être ajusté sans exposer de véritables victimes. Comme la juge, on écoute attentivement. Mais on sort avec le soulagement de ne pas avoir à prendre de décision.