Pourquoi la Chine restreint encore l’accès aux terres rares

Décidément, la Chine joue volontiers avec les terres rares, ces métaux critiques dont elle domine largement la production dans le monde et qu’elle a transformés en atout stratégique majeur. Pékin a annoncé jeudi des contrôles sur les exportations de cinq nouvelles terres rares ainsi que sur les technologies utilisées pour la production de terres rares. Ces mesures entreront en vigueur dès le 8 novembre, soit juste avant l’expiration d’une trêve commerciale de 90 jours avec Washington.

Représailles contre Washington

Des restrictions extraterritoriales seront aussi imposées à des entités exportant des articles produits à partir de terres rares chinoises, a précisé le ministère chinois du Commerce, reprenant ainsi un mode opératoire que les États-Unis ne se gênent pas pour appliquer quand cela les arrange. Pékin, qui déplore que des articles élaborés à partir de terres rares d’origine chinoise soient « utilisés dans domaines sensibles tels que le militaire », entend en particulier restreindre l’accès à ces matériaux dans les secteurs de la défense et des semi-conducteurs.

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Ces nouvelles restrictions, quelques semaines avant une rencontre des présidents américain Donald Trump et chinois Xi Jinping à Séoul, font office de représailles après la décision prise fin septembre par Washington de réduire certaines exportations, en particulier vers la Chine. À cette décision jugée « malveillante » par Pékin, s’est ajouté début octobre un appel du Congrès américain à étendre les restrictions non seulement aux composants avancés mais à l’ensemble des équipements de fabrication de puces afin d’empêcher la Chine de devenir autonome dans ce secteur.

Plus de 90 % des terres rares sont raffinées en Chine

Les dernières annonces de Pékin étendent les restrictions annoncées en avril sur sept terres rares, qui ont provoqué des pénuries dans le monde entier. La Chine est le premier producteur mondial de terres rares, ces matériaux essentiels pour le numérique, l’automobile, l’énergie ou l’armement. En 2024, l’US Geological Survey a évalué à 110 millions de tonnes les réserves mondiales, dont 44 millions en Chine. Surtout, grâce à une stratégie développée patiemment depuis plusieurs décennies, le géant asiatique domine largement, au-delà de l’extraction, le raffinage de ces métaux, opéré à plus de 90 % sur le sol chinois. De nombreux groupes étrangers ont pris, en effet, l’habitude d’expédier leurs terres rares en Chine pour les faire raffiner.

Des brevets pour contrôler le secteur

La dépendance mondiale à l’égard de la Chine est d’autant plus forte qu’entreprises et chercheurs chinois ont déposé quantité de brevets dans ce domaine. Cela complique considérablement la bataille que mènent désormais les Occidentaux pour tenter de produire eux-mêmes ces métaux et de moins dépendre de Pékin.

L’Union européenne, qui ne domine ni le secteur des puces, ni celui des terres rares, est une victime collatérale de l’affrontement sino-américain. Et elle s’est dite jeudi « préoccupée » par les nouvelles restrictions chinoises. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a fait état en juillet d’un accord avec Pékin sur un mécanisme d’exportations « amélioré ». Mais la chambre de commerce de l’Union européenne en Chine a estimé mi-septembre que de nombreuses entreprises avaient encore du mal à accéder aux terres rares produites en Chine.