Le Figaro - Le premier ministre Sébastien Lecornu a présenté son projet de budget pour 2026. Marine Le Pen dit qu’il est «terriblement mauvais». Qu’en pensez-vous réellement ?
Jean-Philippe Tanguy - Tout ce budget ne peut inspirer qu’un rejet et donc une censure. C’est une véritable boucherie fiscale. Après une année 2025 durant laquelle, selon le Haut conseil aux finances publiques, 100% de la réduction des déficits publiques a été réalisée par des hausses d’impôts, le gouvernement choisit d’augmenter de 19 milliards les impôts, dont l’essentiel de l’effort sera porté sur les classes moyennes et les entrepreneurs.
Passer la publicitéIl y a aussi dans ce budget, des privations de droits importants : l’année blanche a été confirmée. Pire, le gouvernement prévoit une désindexation des pensions de retraite jusqu’en 2030, pour 19 milliards d’euros.
Au-delà de l’injustice fiscale, ce budget est un danger économique puisque notre économie est déjà très fragile. Les études d’impact montrent qu’il y a un sous-investissement, les impôts sont si élevés que les recettes fiscales n’arrivent à rentrer correctement.
Parallèlement, les dépenses hors inflation augmentent encore de 28 milliards d’euros. Cela confirme donc que l’État macronien est incapable de la moindre réforme structurelle. En sept ans, Macron n’aura pas été capable une seule fois de baisser les dépenses.
Et franchement, et en toute objectivité, je ne comprends pas comment les députés Les Républicains (LR) ou les amis d’Édouard Philippe à Horizons peuvent tolérer un tel budget.
Ce budget confirme-t-il votre décision de censurer le gouvernement ?
Passer la publicitéLa censure n’est plus seulement un impératif moral et démocratique, mais un impératif économique et budgétaire. Ce gouvernement est incompétent. Ceux qui ne le censureront pas précipiteront les finances de la France dans le mur.
Si en pleine crise des finances publiques, reconnues pas tous, le gouvernement est incapable de baisser d’un seul euro les dépenses nettes, mais continue de faire la poche des Français, je ne vois pas comment on peut qualifier cette gestion autrement qu’irresponsable.
Ils voudraient saboter les comptes et ruiner la France qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.
Vous semblez viser particulièrement les Républicains. Pourquoi ?
Les Républicains se sont prononcés avant la connaissance du budget. Je ne peux pas croire qu’ils puissent tolérer un tel dérapage des impôts et des dépenses publiques. Je viens de cette famille politique. Dieu sait que j’ai eu des désaccords avec eux, mais je sais que certains, à l’instar du rapporteur général du budget Philippe Juvin, veulent sincèrement restaurer les comptes de la nation.
Passer la publicitéIls ne peuvent pas regarder les contribuables dans les yeux, et dire que ce budget n’est pas injuste socialement et toxique économiquement. L’année dernière j’annonçais que Bercy ouvrait les portes du musée des horreurs fiscales, les députés LR veulent-ils en être les guides ? Ils savent qu’un autre chemin existe, celui de la réduction drastique des dépenses et des gaspillages à tous les étages.
Il est ahurissant, alors que tous les rapports du monde sont sur la table, que personne en dehors du Rassemblement national ne soit capable de proposer un plan de réduction massif de la dépense publique. Le poids des dépenses publiques et de l’endettement est tel, qu’il obère toutes capacités de l’économie française à relever la tête. Or, sans augmentation de la production et de la productivité, nous fonçons droit vers la faillite de l’état et des comptes sociaux.
Mais une suspension de la réforme des retraites, demandée par vous et le PS, ne va-t-elle pas alourdir le déficit ?
Cette promesse de suspension est une double arnaque. Premièrement, il n’y a que les socialistes pour croire et pire, vendre, une telle mesure au Français. Elle n’existe aujourd’hui même pas dans le budget. Et même si elle était adoptée par un amendement gouvernemental hypothétique, je sais de source sûre qu’elle pourrait être censurée au Conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif.
Si les socialistes veulent être pris pour des imbéciles, cela les regarde mais je n’accepte pas qu’ils mentent au Français.
Ensuite, il ne faut pas suspendre la réforme des retraites, il faut la changer. Le RN n’a jamais prétendu que le système était juste et durable. Oui, Marine Le Pen veut ramener l’âge de départ à la retraite à 62 ans mais c’est pour mieux financier notre modèle social en incitant les jeunes à entrer tôt dans le marché du travail, et à intégrer tous ceux qui sont exclus, comme les travailleurs handicapés ou les femmes en temps partiels subi, ce qui représente une perte de richesse considérable pour la nation.
J’ajoute, en tant qu’élu d’un territoire industriel, que les gens qui travaillent dur et depuis longtemps doivent être mieux protégés. Leur retirer deux ans de retraite ne fait que les exposer à des accidents, des maladies chroniques ou tout autre malheur, chèrement payé par la sécurité sociale.
Si jamais le gouvernement n’était pas censuré, comment voulez-vous peser dans les débats budgétaires ?
Nous déposerons tous les amendements nécessaires. Il est évident que pour éviter toutes les hausses d’impôts, il faut s’engager à baisser durablement les dépenses. Marine Le Pen est la seule à s’être engagée sur un plan de plus de 100 milliards d’économie nette sur 5 ans. Nos amendements seront à la hauteur de cette promesse.
Que cela plaise ou non à nos opposants, le RN a le courage de proposer des baisses de dépenses massives, pour la simple et bonne raison que nous avons le courage de briser tous les tabous : les coûts de l’immigration, de la bureaucratie française et européenne, des fraudes ou encore des politiques publiques inefficaces, comme la formation professionnelle.
Si le gouvernement n’est pas censuré, est-ce un échec de la stratégie du RN ?
Ce sera un échec pour les LR, car ils auront trahi les contribuables et les entrepreneurs. Et pour les socialistes, car ils auront trahi les salariés et les fonctionnaires.