Doctolib condamné à une amende de 4,6 millions d’euros pour abus de position dominante
L’autorité de la concurrence reproche à la société d’avoir abusé de sa position dominante dans le secteur de la prise de rendez-vous médicaux en ligne.
Passer la publicité Passer la publicitéCoup dur pour Doctolib qui fêtait depuis quelques semaines sa nouvelle rentabilité. L’Autorité de la concurrence vient de condamner le champion français de la prise de rendez-vous médical en ligne pour abus de position dominante en France. Elle lui inflige 4,6 millions d’euros. Les premiers bénéfices de Doctolib serviront à payer cette amende, qui représente près de 10% de son chiffre d’affaires français. L’entreprise a fait appel de cette condamnation. À l’origine de cette sanction se trouve une plainte déposée il y a huit ans par un concurrent direct, l’acteur français des logiciels médicaux Cegedim.
Aux yeux de l’Autorité de la concurrence, Doctolib est sans conteste dans une position dominante sur le marché français des services de prises de rendez-vous en ligne ainsi que sur celui des solutions de téléconsultations, depuis 2017. «Avec 70% à 90% de parts de marché, Doctolib a une part de marché beaucoup plus élevée que ces principaux concurrents, souligne l’Autorité. Solocal avait deux à trois fois moins de parts de marché, Mondocteur deux fois moins. Les autres oscillent entre 0,1% et 1% de part de marché. La notoriété de Doctolib est de surcroît incomparable à celle des autres opérateurs. Sur son marché, cette marque est aussi connue qu’Amazon, Netflix ou Google».
Passer la publicitéLa position dominante n’est pas répréhensible en soi. Mais après plusieurs années d’enquête, l’Autorité de la concurrence estime que Doctolib en a abusé.
Elle reproche d’abord à la licorne d’avoir imposé à ses clients praticiens médicaux une clause d’exclusivité, les empêchant de souscrire au logiciel d’un concurrent. Cette clause, assure Doctolib, a été supprimée des contrats il y a deux ans. Surtout, l’Autorité de la concurrence estime que Doctolib a utilisé l’appât de la téléconsultation pour renforcer son assise sur le marché de la prise de rendez-vous en ligne. Elle lui reproche ainsi d’avoir obligé les praticiens désireux de proposer à leurs patients un service de téléconsultation via Doctolib à souscrire à son logiciel (agenda, prise de rendez-vous, transmission de données etc). L’entreprise aurait par ailleurs dû proposer sur son site les services d’autres acteurs de la téléconsultation. Doctolib a fait valoir qu’il n’est pas un moteur de recherche universel. « Seules 0,4% des requêtes concernent la téléconsultation, explique la société. Les patients cherchent avant tout un praticien qu’ils connaissent ».
Un marché qui «n’existe pas»
Face à l’Autorité de la Concurrence, Doctolib a tenté de faire valoir qu’il n’était pas en position dominante car le marché de la téléconsultation ou de la prise de rendez-vous «n’existe pas». « Ces fonctionnalités ne peuvent pas être isolées de l’ensemble de la suite que nous avons développée. S’agissant de la téléconsultation, il est par exemple nécessaire de disposer du reste de notre logiciel pour télétransmettre les données à l’Assurance-maladie ou encore communiquer avec le patient », souligne la start-up. Un argument qui n’a finalement pas convaincu l’Autorité.
À la suite des perquisitions menées ces dernières années, l’Autorité de la concurrence a ajouté un dernier grief à son jugement : l’acquisition de la start-up Mondocteur en 2018. Elle lui reproche d’avoir alors fait disparaître son principal concurrent en procédant à son acquisition, «afin de verrouiller le marché national des services de prises de rendez-vous médicaux en ligne». En conséquence de la disparition de Mondocteur, Doctolib a par exemple pu augmenter ses prix. Pour l’Autorité de la concurrence, sanctionner une acquisition d’entreprise de cette taille au titre de l’abus de position dominante est une première.
La licorne souligne que ce dernier grief renvoie « un signal très préoccupant à l’écosystème des start-up en France. Il sous-entend qu’aucune acquisition ne peut jamais être considérée comme définitive. Au regard de la concurrence internationale, il est inquiétant que l’on sape la capacité des start-ups à grandir ».