Coupe budgétaire au CNOSF : l’héritage des Jeux de Paris 2024 déjà menacé ?

Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) voit ainsi ses aides publiques chuter drastiquement : 7 millions d’euros en moins dans le cadre de la convention d’objectifs 2023-2025 avec le ministère des Sports, soit 75 % des 9,4 millions initialement prévus.

C’est un réveil difficile après la magie des Jeux et l’engouement historique. Une désillusion qui tombe au plus mauvais moment, alors que l’héritage, censé être un tremplin pour le sport pour tous, vacille. À l’horizon 2030, la France s’est engagée dans une nouvelle aventure olympique avec la candidature et l’obtention des Alpes pour accueillir les Jeux d’hiver, rendant cette décision budgétaire d’autant plus incompréhensible.

David Lappartient, Président sortant du CNOSF qui ne se représente pas, n’a pas caché son inquiétude dans une tribune publiée dans l’Équipe. En soutien et en mobilisation, une autre voix s’est aussitôt élevée, celle d’ Amélie Oudéa-Castéra, ancienne ministre des Sports et candidate à la Présidence du CNOSF qui tire la sonnette d’alarme :

«Attention à ne pas massacrer l’héritage des Jeux. Un euro investi dans le sport, c’est 13 euros économisés par la collectivité grâce aux bienfaits sanitaires, éducatifs et sociétaux du sport. Donc attention, par de mauvais calculs, à ne pas ruiner la nation sportive. Dans tous les sens du terme.»

Action de sport pour tous sur le terrain à Saint-Germain-en-Laye Mediaspolis

Les mots sont forts, à la hauteur de la déception du mouvement sportif. Car au-delà des chiffres, c’est toute une vision du sport comme levier d’inclusion, de santé publique et de cohésion sociale qui semble reléguée au second plan.

Les premiers sacrifiés : les territoires et les bénévoles

Derrière les grandes institutions, ce sont les clubs locaux, les associations sportives et les bénévoles qui subissent les effets directs de cette décision. Des quartiers urbains aux villages ruraux, le tissu associatif, moteur du sport amateur, et créateur de champions, risque de se fragiliser encore davantage.

Les jeunes avec Educap’City vivant la magie des JOP Paris 2024 Mediaspolis

La baisse des financements met en péril les projets d’éducation par le sport, l’accueil de nouveaux licenciés, la formation des encadrants et l’entretien des équipements sans oublier les projets forts autour de la lutte contre les inégalités et les violences sexuelles et sexistes.

Nos voisins européens mènent une politique sportive claire : du chiffre utile, des parcours inspirants et une unité non négociable. L’industrie du Sport en Italie qui s’apprête à accueillir les Jeux d’Hiver 2026 Milan Cortina représente 8 milliards d’euros alors qu’en Allemagne on arrive à 1,6 milliard d’euros. Pour nos voisins, c’est une vision qui ne change pas et qui renforce le rôle du sport dans tous les domaines : sociétal, business, santé l’intégrant pleinement dans les lois finances.

Étude Sport e Finanza reprise par l’Observatoire Sport Business Observatoire Sport Business

Côté France, on semble douter. Après l’euphorie et l’excitation, la désillusion et les (mauvaises) décisions. Alors que les Jeux de Paris 2024 avaient suscité un immense espoir avec 23 millions de téléspectateurs, zéro incident à déplorer et une pluie de médailles - redonnant au sport une place centrale dans le débat public, ce recul budgétaire est vécu par beaucoup comme une trahison.

Le sport, trop souvent perçu comme une variable d’ajustement, peine à être reconnu comme un acteur essentiel de la transformation sociétale sur le long terme. Et pourtant, il s’agit d’un vecteur et d’un secteur qui pèse sur la santé, sur l’emploi, sur le lien social et nous redonne de la fierté nationale dans des temps trop souvent troublés.

Étude du CDES de Limoges reprise par l’Observatoire Sport Business Paris Observatoire Sport Business

Et maintenant ?

Dans ce contexte, la mobilisation doit rester forte. Le défi des Alpes 2030 ne pourra être relevé sans un mouvement sportif soutenu, structuré et reconnu. Les décideurs politiques doivent être au rendez-vous de l’Histoire qu’ils ont eux-mêmes contribué à écrire : celle d’une France sportive, inclusive et fière de ses valeurs. Celle d’une France qui ne s’essouffle pas, ne recule pas et ne méprise pas. Plus qu’un appel à l’aide, c’est un appel à la cohérence. À l’intelligence.

On ne peut pas d’un côté promouvoir le sport comme grande cause nationale, avec l’année précédente les femmes au cœur de la société et l’année suivante la santé mentale et de l’autre réduire brutalement les moyens d’un sport dénominateur commun de ces justes combats dont chaque euro retiré sera un espoir et une victoire en moins sur le terrain.

À l’heure où l’héritage de Paris 2024 est à construire, il est encore temps d’inverser la tendance. Pour que le sport reste ce qu’il a toujours été : un pilier de la République, un moteur de progrès, et une promesse d’avenir pour toutes les générations.