Dans le bâtiment flambant neuf de la prison de Gradignan, la surpopulation carcérale déjà au rendez-vous

Le Figaro Bordeaux

Promesse non tenue. Depuis 20 ans, le personnel du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan (Gironde) attend la construction d’une nouvelle prison, présentée comme une solution pour lutter contre la surpopulation, en évitant l’installation de matelas au sol dans les cellules. Les bâtiments actuels, particulièrement vétustes, sont régulièrement pointés du doigt pour les «conditions de vie indignes» qu’ils imposent aux détenus. En 2021, le chantier a enfin commencé et un premier bâtiment flambant neuf est sorti de terre en mai 2024. Quelques mois plus tard, les avocats du barreau de Bordeaux viennent de constater par eux-mêmes ce que dénoncent déjà les surveillants : la capacité d’accueil de la structure est largement dépassée.

Selon le barreau de Bordeaux, le taux d’occupation du nouveau bâtiment - qui comporte 602 nouvelles cellules individuelles pouvant normalement accueillir jusqu’à deux détenus - est de 203%, ce qui se traduit par la présence de 51 matelas au sol dans cette structure, qui ne devait en accueillir aucun. Dans l’ancien bâtiment, le taux d’occupation est quant à lui de 232% (avec 83 matelas au sol) et de 190% dans le quartier des femmes. Ces cellules bondées participent à un climat délétère à la fois pour les détenus et pour les agents pénitentiaires, sujets à de nombreuses agressions violentes.

C’est la cinquième fois que l’ordre des avocats de Bordeaux visite la prison de Gradignan depuis le début de l’année, afin d’y observer les conditions de détention. «Nous avons eu le même espoir que le personnel pénitentiaire, on s’est dit que les matelas au sol allaient disparaître et ils avaient d’ailleurs beaucoup baissé», témoigne la bâtonnière de Bordeaux, Caroline Laveissière. «Malheureusement, leur nombre a augmenté de nouveau.» La construction de nouvelles prisons, bien que nécessaire, apparaît aux avocats comme une solution insuffisante pour faire face à cette situation devenue endémique.

Mesures préventives et peines alternatives

«Dans la conception que nous avons d’une politique pénale et du sens qu’il faut attacher à la peine et aux mesures préventives, il y a probablement des pistes de réflexion à améliorer, pour faire en sorte d’avoir des alternatives, notamment aux courtes peines», explique le vice-bâtonnier, Jérôme Delas. Selon l’avocat, «la multiplication des courtes peines favorise la surpopulation» et plusieurs dispositifs existants ne sont pas assez employés, comme l’assignation à résidence sous surveillance électronique. En outre, «toutes les mesures préventives ne méritent pas nécessairement de faire l’objet d’un placement en centre pénitentiaire», estime le vice-bâtonnier de Bordeaux.

La situation à la prison de Bordeaux-Gradignan est cependant loin d’être une exception dans le paysage carcéral français. Le gouvernement a prévu de créer 15.000 nouvelles places de prison d'ici à 2027, mais cette ambition, alors qu’elle n’est pas encore réalisée, est déjà considérée comme obsolète. Pour l’ordre des avocats de Bordeaux, une «sensibilisation de tous les maillons de la chaîne judiciaire» est nécessaire. Le barreau attire particulièrement l’attention des avocats bordelais «sur les peines alternatives, pour qu’elles soient plaidées, et donc espérer qu’elles soient retenues par les juridictions».

Ces mesures, bien qu’elles ne puissent pas résorber seules la surpopulation carcérale, pourraient a minima améliorer les conditions de vie des détenus et le travail des agents pénitentiaires, ceux-ci étant «les premiers exposés à de véritables risques dans le cadre de leur activité», souligne Maître Jérôme Delas. Il y a deux semaines, trois surveillants ont encore été agressés à Gradignan. Au-delà de la surpopulation, le nouveau bâtiment n’est d’ailleurs pas épargné par les problèmes de l’ancien, comme la livraison de drogues par drone, la circulation d’armes ou encore le jet de détritus par les fenêtres.