Hausse des droits de douane : l'Irlande dans le viseur des politiques commerciales de Donald Trump
Donald Trump a annoncé mardi 11 mars 2025 la hausse de 25 à 50% des droits de douane sur l'acier et l'aluminium importés depuis le Canada vers les États-Unis. Cette décision a des répercussions à l'échelle mondiale, et notamment en Europe, où les menaces douanières du président américain suscitent de vives inquiétudes. Si plusieurs pays européens craignent ces nouvelles mesures, l'Irlande semble être l'un des plus inquiets.
Les États-Unis ciblent principalement les pays avec lesquels ils enregistrent les déficits commerciaux les plus lourds. L'Irlande se trouve donc dans la ligne de mire de Washington. En 2024, la valeur des exportations irlandaises vers les États-Unis a explosé, augmentant de 34% pour atteindre près de 73 milliards d'euros. Dans le même temps, les importations américaines vers l'Irlande s'élevaient à 22 milliards d'euros. Cette forte augmentation des exportations est en grande partie due à l'industrie pharmaceutique, qui représente une large part de ces échanges, avec 44 milliards d'euros de produits pharmaceutiques vendus aux États-Unis. Les géants américains tels que Pfizer, Johnson & Johnson et Lilly ont choisi l'Irlande en raison de sa fiscalité avantageuse.
Un non-sens économique ?
Mais taxer ces exportations pourrait finalement être contre-productif, comme le souligne Emma Howard, économiste à l'Université technologique de Dublin. Selon elle, "une grande partie des exportations irlandaises vers les États-Unis ne sont pas des produits finis, mais des composants essentiels à la fabrication de médicaments, qui seront finalisés sur le sol américain. Ces tarifs douaniers ne feraient donc qu'alourdir les coûts des intrants sur le sol américain... Ce qui se répercutera, inévitablement, sur les consommateurs américains."
Le but de Donald Trump semble être de relocaliser ces géants pharmaceutiques aux États-Unis, mais selon Evin Allen, professeur à l'École de Pharmacie de UCC à Cork, le risque d'une telle relocalisation est faible. "Le temps pour développer un produit pharmaceutique est très différent de celui des technologies : nous avons un nouvel iPhone chaque année ou tous les deux ans ! Mais les produits pharmaceutiques, eux, peuvent prendre 12 à 15 ans pour passer de la découverte d'une molécule à la mise sur le marché. En outre, la construction des usines prend quatre à cinq ans", explique Evin Allen. Il ajoute que le délai pour rapatrier la fabrication de ces produits aux États-Unis dépasserait probablement la durée d'un mandat présidentiel de quatre ans.
Une diversification des menaces douanières
Les entreprises pharmaceutiques ont investi pendant des décennies en Irlande, comme le rappelle Emma Howard, notamment dans leurs infrastructures. "Les multinationales pharmaceutiques ont besoin d'usines extrêmement sophistiquées et un déménagement à court ou moyen terme serait irréaliste", affirme-t-elle. "De plus, une grande partie de leurs exportations depuis l'Irlande ne va pas vers les États-Unis, mais vers l'Union européenne ! L'Irlande reste le seul pays anglophone du marché unique, un atout stratégique majeur. Il est crucial de continuer à renforcer notre attractivité."
Donald Trump ne semble pas vouloir se limiter à l'industrie pharmaceutique. L'agroalimentaire irlandais, notamment des produits emblématiques comme le beurre Kerrygold, le whisky Jameson ou encore la liqueur Baileys, pourrait également se retrouver dans le viseur des tarifs douaniers. Ces produits, qui connaissent un grand succès aux États-Unis, sont devenus une partie essentielle de l'économie irlandaise, et leur inclusion dans la politique tarifaire de Donald Trump pourrait représenter une pression supplémentaire sur le pays.