Le bateau de la marine italienne avec à son bord les premiers migrants interceptés dans les eaux italiennes et emmenés en Albanie est arrivé ce mercredi matin dans le port albanais de Shengjin, après plus de 36h de voyage en mer, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les 16 hommes, originaires d'Égypte et du Bangladesh, seront enregistrés dans des préfabriqués installés par l'Italie sur le port, avant d'être emmenés 20 kilomètres plus loin dans le camp de Gjader, où ils pourront déposer leurs demandes d'asile et attendre la réponse des autorités italiennes. Si cette dernière est refusée, des cellules ont été installées dans le camp, en attendant de les renvoyer dans leur pays d'origine.
Cette externalisation de la demande d'asile, une première en Europe, a été rendue possible par un accord controversé signé entre Rome et Tirana en novembre 2023. Il a depuis été conspué par de nombreuses ONG de défense des droits humains qui y voient une violation des règles internationales. D'une durée de cinq ans, son coût pour l'Italie est estimé à 160 millions d'euros par an. Il concerne uniquement les hommes adultes interceptés par la marine ou les garde-côtes italiens dans leur zone de recherche et de sauvetage dans les eaux internationales.
La procédure prévoit un premier contrôle sur un navire militaire, avant un transfert à Shengjin, pour une identification, puis vers l'ancienne base militaire à Gjader. Les centres devraient avoir une capacité d'accueil de 1000 places dans un premier temps, puis 3000 à terme, des chiffres qui pour certains ne justifient pas cet accord. «Au cours des trois derniers jours, plus de 1600 migrants ont débarqué en Italie. Un navire italien en transporte 16 en Albanie. Je ne pense pas nécessaire d'ajouter autre chose», a écrit ce mardi sur X Matteo Villa, chercheur à l'Institut pour les études de politique internationale (ISPI).
«Courageux» ou «Inhumain»
Saluant mardi un «accord courageux», Giorgia Meloni s'est aussi dite «fière que l'Italie soit devenue de ce point de vue un exemple à suivre», évoquant l'intérêt des gouvernements français, allemand, suédois ou britannique sur la politique italienne de gestion des flux migratoires. L'accord a été conspué par de nombreuses ONG de défense des droits humains qui y voient une violation des règles internationales.
«L’accord Italie-Albanie viole le droit maritime international et risque d'éroder encore davantage les droits fondamentaux des réfugiés», a écrit mardi l'ONG SOS Humanity, estimant que «l'Italie détient de facto des personnes en quête de protection sur le territoire albanais sans examen judiciaire, ce qui est profondément inhumain et viole leurs droits fondamentaux (...) Cet accord est une nouvelle stratégie d'un État membre de l'UE visant à externaliser la gestion des migrations et à se décharger ainsi de sa responsabilité en matière de droits humains des réfugiés».
En début de semaine, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a mentionné dans une lettre aux États membres de l'UE une proposition inflammable de transferts de migrants dans des centres d'accueil de pays tiers, des «hubs de retour», appelant à tirer les «leçons» de l'accord Italie-Albanie.