JO Paris 2024 : l’ultime défi du marathonien Eliud Kipchoge
En se lançant dans l'athlétisme au début des années 2000, le jeune Eliud Kipchoge voulait «simplement prendre l'avion et aller en Europe». Vingt-deux ans plus tard, c'est une légende vivante du marathon qui arrive à Paris pour des Jeux aux airs d'ultime défi.
À 39 ans, le Kényan veut écrire l'histoire le 11 août en devenant «le premier humain à gagner trois fois de suite» le marathon olympique, dépassant l'Éthiopien Abebe Bikila (1960, 1964) et l'Allemand Waldemar Cierpinski (1976, 1980).
C'est à Paris que le 31 août 2003, l'athlète alors âgé de 18 ans avait fait une entrée tonitruante dans l'arène internationale, devenant champion du monde du 5.000 m devant les deux grands favoris Hicham El Guerrouj et Kenenisa Bekele. Ce premier grand titre sera son unique sur la piste.
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C'est sur la route, où il s'est lancé après avoir échoué à se qualifier aux Jeux de Londres en 2012, qu'il atteindra la gloire. Avec sa foulée ample et métronomique, il bat deux fois le record du monde du marathon (2018, 2022). Il est aujourd'hui le seul homme à avoir couvert les 42,195 km en moins de deux heures, lors d'une course non homologuée organisée par son sponsor en 2019.
Il a remporté 16 des 20 marathons officiels qu'il a courus depuis 2013 avec, outre ses deux titres olympiques (2016, 2021), onze victoires sur les «Majeurs» (cinq à Berlin, quatre à Londres, une à Tokyo et Chicago).
«Déterminé»
Benjamin d'une fratrie de quatre, élevé par sa mère institutrice de maternelle (son père est décédé quand il était bébé) dans le village de Kapsisiywa, sur les contreforts de la vallée du Rift, le jeune Eliud aimait courir. «Courir, c'est normal dans notre communauté, on court jusqu'à l'école, jusqu'au centre commercial...», raconte-t-il.
Il a tenté sa chance dans l'athlétisme, «mais ce n'était pas dans le but de devenir un grand coureur», poursuit-il : «Je voulais simplement prendre l'avion et aller en Europe. Je ne savais pas qu'être un athlète pouvait nourrir ma famille, mes frères et soeurs».
Adolescent, il croisait souvent à l'entraînement un voisin qu'il avait vu à la télévision : le vice-champion du monde (1991, 1993) et vice-champion olympique (1992) du 3.000 m steeple Patrick Sang. En 2001, il l'aborde, lui demande un programme d'entraînement. Patrick Sang lui en griffonne un sur le bras.
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«Il est revenu régulièrement pour en avoir d'autres», raconte l'ancien coureur, de 20 ans son aîné : «À l’époque, je ne pouvais pas dire que ce gars avait quelque chose de particulier. Mais rétrospectivement (...) je peux dire que c'est quelqu'un qui savait où il voulait aller. Il était vraiment déterminé.» Les deux hommes ne se quitteront plus, développant une relation quasi-filiale.
Les cauchemars de Tokyo
Le marathonien Kipchoge a peu connu l'échec. Ses récentes contre-performances à Boston l'an dernier (6e) et à Tokyo (10e) en mars ont d'autant plus interpellé.
«À Tokyo, j'ai passé trois jours sans dormir», a-t-il expliqué en mai à la BBC, évoquant des menaces de mort sur les réseaux sociaux. Des théories complotistes l'ont accusé d'être impliqué dans la mort de Kelvin Kiptum, le nouveau prodige du marathon décédé en février dans un accident de voiture près du camp de Kaptagat.
«J'ai reçu beaucoup de mauvaises choses: qu'on brûlerait le camp, qu'on brûlerait mes investissements en ville, qu'on brûlerait ma maison, qu'on brûlerait ma famille», a-t-il raconté, peinant à retenir ses larmes. Il dit avoir perdu «environ 90 %» de ses amis.
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Profondément touché par cette épreuve, celui qui a l'habitude de répéter que «le marathon, c'est la vie, avec des hauts et des bas, parfois tu es fatigué, tu touches le fond, tu repars» se trouve aujourd'hui face à son ambition.
«C'est son rêve d'entrer dans l'histoire», explique Patrick Sang. Même si, selon lui, l'histoire est déjà écrite : «Regardez depuis combien d'années il est au sommet, plus de 20 ans. Ça c'est déjà l'histoire.»