L'administration Trump autorise l'exploitation de 24 millions d'hectares de forêts intactes aux Etats-Unis, les associations dénoncent "une attaque" contre l'environnement
Est-ce la fin des vastes forêts intactes aux Etats-Unis ? Lors d'un événement au Nouveau-Mexique, lundi 23 juin, la ministre de l'Agriculture américaine, Brooke Rollins, a annoncé qu'elle allait autoriser l'exploitation et le développement dans 23,9 millions d'hectares à travers le pays, annulant une politique de protection fédérale datant de 2001.
La mesure prochainement révoquée, connue sous le nom de 'Roadless Rule' ("règle des zones sans routes" en français), a été adoptée par le président démocrate Bill Clinton à la fin de son mandat. Elle interdit toute construction de routes, abattage d'arbres destiné à la production de bois, extraction minière ou encore forage dans les forêts encore intactes. Selon ce que rapporte lundi le ministère de l'Agriculture sur son site, 30% des forêts nationales sont concernées par cette règle. "Une fois de plus, le président Trump se débarrasse d'obstacles absurdes à une gestion de bon sens de nos ressources naturelles", affirme Brooke Rollins jugeant la réglementation actuelle "bien trop restrictive".
Des risques de feux de forêts
Le ministère de l'Agriculture a évoqué la hausse des risques d'incendies pour justifier la construction de routes à travers les forêts nationales. "Cette règle mal pensée empêche le Service des forêts [qui dépend du ministère] de couper les arbres pour prévenir les incendies, et quand ceux-ci commencent, elle limite l'accès de nos pompiers pour les maîtriser rapidement", a assuré Brooke Rollins lors d'une conférence de presse, comme le rapporte la radio publique américaine NPR.
Cependant, une analyse récente de l'ONG environnementale The Wilderness Society a révélé que les incendies de forêt sont plus susceptibles de démarrer dans des zones forestières traversées par des routes. Après avoir examiné les données sur les incendies de forêt de 1992 à 2024, ils concluent que "les incendies se sont déclarés avant tout dans les zones situées à moins de 50 mètres d'une route".
"Toute tentative d'abrogation est une attaque contre l'air et l'eau que nous respirons et buvons, (...) contre les refuges de la faune et de la flore et contre les zones tampons essentielles de localités menacées par des saisons d'incendies de plus en plus sévères", a réagi Josh Hicks, directeur des campagnes de protection à la Wilderness Society, cité par l'AFP.
Les associations environnementales sont vent debout contre cette décision. Dans un communiqué, Drew Caputo, avocat auprès de l'ONG Earthjustice, a accusé le gouvernement de privilégier les intérêts industriels au détriment de la protection des forêts nationales et des écosystèmes qui en dépendent. "Si l'administration Trump révoque la 'Roadless Rule', nous la poursuivrons en justice", a-t-il averti.
Une des plus grandes forêts au monde menacée
La décision a toutefois été saluée par nombre d'élus républicains. "La ‘Roadless Rule' a longtemps freiné une gestion forestière responsable, bloqué l'accès à des ressources essentielles et limité les opportunités économiques, notamment en Alaska, où 92% de la forêt nationale de Tongass était interdite [à l'exploitation]", a déclaré sur X Nick Begich, représentant de l'Alaska.
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Ce territoire de quelque 69 000 km2 est l'une des plus grandes forêts tempérées intactes au monde. Il est depuis longtemps au cœur des polémiques de la 'Roadless Rule'. Ses conifères vieux de plusieurs siècles abritent plus de 400 espèces répertoriées, dont l'aigle à tête blanche, emblème national des Etats Unis, ainsi que plusieurs espèces d'ours et de saumons. Elle joue aussi un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique, stockant 7% du carbone accumulé par toutes les forêts nationales américaines, selon Service des forêts des États-Unis.
En 2020, durant son premier mandat, Donald Trump avait levé les protections de la 'Roadless Rule' dans la forêt de Tongass, ouvrant près de quatre millions d'hectares à l'exploitation forestière, rappelle le New York Times. En 2023, Joe Biden avait restauré ces restrictions. Le Service des forêts des Etats-Unis a annoncé qu'il publierait sous peu un avis officiel confirmant cette révocation.