Notre critique de Un poète : les déboires d’Oscar

Dans le panthéon personnel d’Oscar Restrepo, Charles Bukowski occupe la première place. L’auteur de L’amour est un chien de l’enfer et de Contes de la folie ordinaire est surtout connu en France pour son exfiltration du plateau d’Apostrophes dans les années 1980, rond comme une queue de pelle. Oscar Restrepo partage avec l’écrivain américain un goût immodéré pour l’alcool. Il lui arrive de passer la nuit sur un trottoir de Medellin, ivre mort. Oscar est surtout un poète. On écrit « surtout », mais on ne le voit jamais écrire. Sa gloire est derrière lui. Ou plutôt elle n’est jamais advenue. Ni raté ni maudit, poète tout simplement, profession anachronique, à la marge de la marge (l’écriture) - qui lit encore de nos jours de la poésie, en Colombie comme ailleurs ? Cela ne fait pas d’Oscar un père admirable aux yeux de son ex-femme ni de sa fille - l’adolescence est l’âge du conformisme par excellence.

Pour camper ce personnage hors norme, Simon Mesa Soto a choisi l’oncle d’un ami qui n’est pas acteur, Ubeimar Rios. Il a une tronche pas possible, un air chafouin, des yeux tristes derrière les verres de ses lunettes en cul de bouteille. Ubeimar Rios est instituteur dans la vraie vie. Oscar, lui, devient professeur. Il faut bien manger et montrer des signes de bonne volonté vis-à-vis de la société. C’est ainsi qu’il croit déceler chez une de ses élèves, Yurlady, un don pour la poésie. Il l’invite à lire ses textes dans son club de poètes - des hommes vieillissants et bedonnants. Il incite l’adolescente aux origines modestes à se présenter à un concours national de poésie. Yurlady n’a pas une telle ambition, elle écrit pour le plaisir.

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Une déchéance aussi drôle que pathétique

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Comme dans tous les films récents qui mettent en scène la relation élève-professeur (La Salle des profs, Un métier sérieux, Pas de vagues…), Oscar ne sera guère récompensé de ses efforts. Il faut dire que le poète n’est pas doué pour l’existence. On dirait que, à chaque fois qu’il y a une mauvaise décision à prendre, il la prend. Comme transporter dans sa voiture Yurlady, imbibée d’alcool, et de la déposer sur son palier. L’oncle de la jeune fille cherchera à lui soutirer de l’argent. Son frère voudra lui casser la gueule. Ses amis poètes lui tourneront le dos. Le proviseur de son lycée le lâchera. Cette déchéance, aussi drôle que pathétique, a beau se jouer sur un air de clarinette, on est loin de la sophistication d’un Woody Allen.

La tragicomédie de Simon Mesa Soto est à l’image de son antihéros. Brute, ingrate, dépenaillée. Le grain de la pellicule 16 mm est un peu sale, pas très net. La caméra à l’épaule semble presque tituber par moments. Un charme certain se dégage néanmoins des déboires d’Oscar. Un poète a reçu le prix du jury de la section Un certain regard, au Festival de Cannes. Preuve supplémentaire que tout cela ne rime pas complètement à rien.

La note du Figaro : 2,5/4.