À l’aéroport de Marseille, des salariés licenciés pour avoir distribué des sandwichs invendus périmés

Un des licenciés mis en cause affirme agir de la sorte depuis son arrivée il y a 30 ans. JEREMY PAOLONI / AFP

Plusieurs personnes ont été licenciées pour faute grave après avoir distribué des sandwichs invendus périmés à des sans-abri et à des membres du personnel.

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Sabri* travaille au sein de l’aéroport de Marseille-Provence depuis une trentaine d’années. Comme trois membres de sa hiérarchie, il a été licencié pour «faute grave» le mois dernier, au motif qu’il distribuait les sandwichs invendus et périmés, destinés à être jetés, de plusieurs magasins de l’aéroport. Comme l’a révélé La Provence, Sabri a d’abord reçu une lettre préalable à un entretien pouvant conduire au licenciement, avant d’être officiellement viré le 21 mars par la société SSP, sous-traitant de l’aéroport de Marseille dans la vente de nourriture et de boissons.

«J’étais employé polyvalent chez Starbucks, raconte-t-il. On faisait toujours comme ça, même avant que j’arrive. Au début, d’ailleurs, tout le monde le faisait. On récupérait les sandwichs invendus, qui devaient aller à la poubelle car ils étaient périmés d’un jour par exemple. On ne peut plus les vendre mais ils ne sont pas impropres à la consommation pour autant ! Au début, on les donnait aux membres du personnel. Puis, il y a eu de plus en plus de SDF à la gare, et on leur donnait.»

Au fil des années, Sabri reconnaît être «le seul» à avoir continué ainsi la distribution de nourriture aux sans-abri de l’aéroport, qu’il estime au nombre de 80. «Les jeunes s’en fichent, lance-t-il. Ils jettent ou préfèrent ramener chez eux.» Pour autant, Sabri affirme ne pas avoir agi de manière cachée. «À chaque fois que je les prenais, je prévenais ma hiérarchie pour qu’ils l’enregistrent», explique-t-il. Un sous-directeur, un chef de service et un manager ont également été licenciés. Sabri raconte également être régulièrement appelé le soir par l’enseigne Prêt-à-manger pour distribuer les invendus, «en priorité aux sans-abri, puis aux membres du personnel de la plateforme» au lieu de les jeter. «Ça me faisait trop de mal de jeter tout ça, affirme-t-il. Il y a parfois des quantités astronomiques !»

Lors de son entretien préalable en vue d’un licenciement, des images de vidéosurveillance montrant Sabri prendre les sandwichs lui sont projetées. « Mais ils croyaient qu’on faisait notre beurre, qu’on gagnait de l’argent en vendant les produits périmés !», s’étonne Sabri, qui dément tout commerce. «On me reproche d’avoir ainsi gagné près de 2000 euros par mois», rapporte l’employé. Selon Sabri, ce motif n’apparaît toutefois pas dans les motivations de son licenciement qui évoquent simplement un «non-respect de la procédure». «Il semblerait que le règlement interdise de faire de la sorte, soupire Sabri. Mais je vais contester mon licenciement devant les prud’hommes. Je suis innocent ! J’ai juste eu une réaction humaine. Je veux mettre en avant ces pratiques de gaspillage !»

Une question d’hygiène

Dans un communiqué, la CGT Air France a apporté son soutien à ses salariés. «Licencier des salariés pour un acte de solidarité envers des concitoyens en situation de grande précarité, souvent sans abri et sans emploi, est tout simplement scandaleux et inacceptable!» «Nous appelons l’ensemble de nos syndiqués, tous les salariés de l’aéroport, ainsi que les passagers à boycotter ces enseignes», lance la CGT. Un appel semble-t-il entendu par le premier secrétaire du Parti socialiste candidat à sa réélection, Olivier Faure. «Doublement inhumain, s’indigne-t-il sur X. Ces deux enseignes ne risquent pas de me revoir. Ces salariés doivent être réintégrés. En France, la fraternité n’est pas une faute, mais le respect de nos valeurs républicaines.»

«SSP, avec ses partenaires, s’est engagée depuis plusieurs années en faveur du don alimentaire et de la lutte contre le gaspillage, répond l’entreprise. Cet engagement repose sur des règles de transparence qui garantissent l’équité et le respect des normes d’hygiène. Il est de notre entière responsabilité de veiller à ce qu’en aucun cas, les dons alimentaires ne soient distribués de manière informelle, non encadrée et opaque. C’est dans cette exigence de responsabilité que nous avons souhaité mettre fin au plus vite à ces pratiques.»

«La direction d’Aéroport Marseille Provence est impliquée dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, affirme-t-on du côté de l’aéroport. Cette politique de développement durable fait d’ailleurs partie des critères de sélection de ses partenaires. Par ailleurs, en tant que gestionnaire de plateforme aéroportuaire, la direction de l’aéroport est soucieuse de l’application des règles de droit du travail pour ses collaborateurs comme pour les employés de ses partenaires et souhaite que toute la lumière soit faite sur les licenciements pointés du doigt dans l’article de La Provence relayé par d’autres médias.»

*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressé