Guerre en Ukraine : au coeur de la guerre des drones dans le Donbass
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Il fait nuit noire. Comme chaque soir, les hommes de la défense aérienne ukrainienne se préparent. En silence, concentrés, avec leurs fusils mitrailleurs, ils doivent intercepter les drones kamikazes envoyés par la Russie. Leur mission : protéger le ciel du Donbass. Mykola, commandant de la 68e brigade de missiles antiaériens, est en charge des opérations. Sur sa tablette, il vient tout juste de recevoir une première alerte.
"C'est une attaque combinée, la nuit va être intense", prévoit-il. Les soldats scrutent le ciel avec le viseur de leur fusil. Nous entendons un bourdonnement de plus en plus puissant : un premier drone nous survole. "Il vient vers nous. Les gars, il arrive droit sur nous, mettez-vous en place, position de feu", ordonne Mykola.
Le drone russe vole très haut, à plus de 1 500 mètres de hauteur. Mais les soldats ukrainiens réussissent finalement à le toucher et à le faire exploser en plein vol : "Il vient d'être abattu là-bas, à 5 km de nous", indique Mykola. Un soulagement de courte durée, car deux autres drones arrivent vers nous. Impossible pour les soldats de les stopper. Les deux drones, chargés d'explosifs, s'écrasent dans le village voisin, sous les yeux de Mykola et de ses hommes.
"C'est dur à vivre, car notre travail, c'est d'éviter ce type de catastrophe. C'est de protéger les habitants en empêchant la Russie de frapper. Mais malheureusement, nos moyens sont limités et nous ne réussissons pas à tous les abattre", admet-il.
Des médicaments envoyés par drone
Dans le Donbass, les drones sont partout. Ils ont changé le cours de la guerre. Alors, pour limiter les risques, désormais, les militaires ne se déplacent qu'à la tombée de la nuit. Ce soir-là, nous avons rendez-vous avec une brigade qui s'apprête à partir en mission. L'équipe va ravitailler les hommes qui se trouvent en première ligne. Dans les cartons se trouvent de l'eau, des munitions et de la nourriture.
Une fois le coffre chargé, direction une tranchée cachée dans les bois. Nous ne pouvons pas aller plus loin en voiture. À partir d'ici, ce sont les drones qui prennent le relais. La livraison du matériel se fera par les airs grâce à un appareil conçu par les Ukrainiens, capable de transporter 20 kilos de marchandises.
"On doit envoyer des médicaments pour des soldats blessés à 10 kilomètres de range". L'objectif, c'est de ravitailler les hommes de l'infanterie qui se trouvent sur leur position depuis plusieurs semaines et qui, à cause de la menace, notamment des drones kamikazes, ne peuvent pas être relevés.
Une fois le décollage réussi, le drone est téléguidé par un opérateur caché dans la tranchée. Il a 10 km à parcourir."Notre but, c'est de sauver les vies de nos chauffeurs, car en voiture, ce n'est plus possible. À chaque fois, c'est une catastrophe. C'est dur en ce moment", admet le chef d'équipe.
Une progression périlleuse
Lorsque la position est en vue, le colis est largué depuis les airs. Moins dangereuse qu'en voiture, ces livraisons aériennes restent malgré tout périlleuses. Alors que les soldats s'apprêtent à faire décoller un deuxième drone, nous sommes repérés. Nous devons descendre dans la tranchée pour nous mettre à l'abri. La mission est annulée. De jour comme de nuit, les drones permettent aussi aux Ukrainiens de repérer les mouvements de troupes russes. Surveiller le front sans relâche, c'est la mission de Danilo, 24 ans. Le jeune soldat est nerveux. L'un de ses hommes vient d'être blessé par un drone kamikaze.
Le commandant s'inquiète, car dans cette partie du Donbass, la Russie progresse grâce à une nouvelle stratégie que Danilo nous montre sur son écran. On y voit deux soldats russes qui tentent de s'infiltrer entre les lignes de défense ukrainienne. "Il y a de plus en plus de petits groupes de saboteurs qui essaient d'avancer et de s'infiltrer entre nos positions. C'est dur de tous les détecter. Le problème, c'est que si on ne les stoppe pas, ça peut se transformer en incursion massive et là, nous sommes obligés de reculer", explique-t-il.
Résultat : le mois dernier, les Russes ont avancé de 10 km dans le Donbass. Il est 5 heures du matin, nous devons partir avant le lever du soleil. Les soldats que nous avons rencontrés, eux, resteront plusieurs semaines sur le front avant d'être enfin relevés.