Ukraine : réunion de crise des Européens, entre unité affichée et divisions sur l'envoi de troupes
Inquiets des discussions entre Donald Trump et Vladimir Poutine sur l'Ukraine, les dirigeants de pays-clés européens se sont réunis en urgence lundi 17 février à Paris pour afficher un front uni, mais ont aussi étalé leurs divisions sur l'envoi de troupes de maintien de la paix.
L'Europe et les États-Unis doivent "agir toujours ensemble" pour la sécurité collective, a déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz après avoir quitté le palais présidentiel de l'Élysée après deux heures d'une rencontre qui se poursuivait sans lui en début de soirée.
Le président américain a semé le désarroi chez ses alliés européens en parlant la semaine dernière avec son homologue russe, faisant planer la menace de voir le Vieux Continent rester spectateur d'une négociation en tête-à-tête pour mettre fin à trois ans de guerre en Ukraine.
D'autant que l'émissaire américain Keith Kellogg a clairement laissé entendre que Washington ne voulait pas des Européens à la table des négociations.
"Sursaut dans notre défense"
"La sécurité de l'Europe est à un tournant", a prévenu sur X la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avant la rencontre. "Nous avons besoin d'un état d'esprit d'urgence" et d'"un sursaut dans notre défense."
"Nous ne serons pas en mesure d'aider efficacement l'Ukraine si nous ne prenons pas immédiatement des mesures concrètes concernant nos propres capacités de défense", a renchéri lundi Donald Tusk avant la réunion de Paris.
Au sortir de celle-ci, Olaf Scholz a aussi plaidé pour un "financement" accru de cet effort, en dérogeant aux règles budgétaires sacro-saintes en Allemagne.
Mais au-delà de cette entente pour doper l'effort de défense continental, les Européens se sont écharpés publiquement sur un autre débat, celui de l'envoi de militaires en Ukraine pour assurer une éventuelle future trêve, pourtant au cœur des "garanties de sécurité" qu'ils sont appelés à fournir à Kiev dans des négociations avec Moscou.
Le Premier ministre britannique, qui ira la semaine prochaine voir Donald Trump à Washington et aimerait jouer un rôle de facilitateur entre les États-Unis et les Européens, s'est dit prêt dimanche à dépêcher "si nécessaire" des troupes en Ukraine pour "contribuer aux garanties de sécurité". La Suède a également affirmé lundi ne "pas exclure" un tel déploiement en cas de "paix juste et durable".
Ce débat est "hautement inapproprié" et "prématuré", a en revanche protesté le chancelier allemand, "un peu irrité" de le voir surgir maintenant. Donald Tusk, un fort soutien de Kiev, a aussi fait savoir que la Pologne ne déploierait pas de militaires.
Pourparlers à Riyad
Plus largement, la Hongrie de Viktor Orban, proche à la fois de Moscou et du président américain mais non invitée à Paris, a fustigé "des dirigeants européens frustrés, pro-guerre et anti-Trump" qui "se réunissent pour empêcher un accord de paix en Ukraine".
La rencontre de l'Élysée se tenait au lendemain d'une conférence sur la sécurité à Munich, en Allemagne, où le discours hostile du vice-président américain J.D. Vance à l'encontre des alliés des États-Unis a sidéré les Européens.
Et elle inaugure un ballet diplomatique qui se poursuivra avec des pourparlers inédits américano-russes prévus pour mardi en Arabie saoudite, où est arrivé le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio. Ceux-ci concerneront en particulier de "possibles négociations sur l'Ukraine", selon le Kremlin, même si la diplomatie américaine en a minimisé la portée en assurant qu'il ne s'agirait pas du début d'une "négociation".

Le chef de l'État ukrainien Volodymyr Zelensky se rendra en tout cas également en Arabie saoudite mercredi, après avoir prévenu que son pays "ne reconnaîtrait" aucun accord conclu sans lui sur son propre avenir. Il a encore exhorté les Européens à éviter un accord forgé par les Américains "dans le dos" de Kiev et de l'Europe.
Mais le rendez-vous que tous attendent désormais, et beaucoup redoutent, est celui entre le président américain et son homologue russe. Il devrait avoir lieu "très bientôt", a fait savoir le locataire de la Maison Blanche.
Et il pourrait être exclusif : pour le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, l'Europe n'a pas sa place dans les futures négociations car elle veut "continuer la guerre".
Avec AFP
