États-Unis : ce qu'il faut savoir sur la vague de licenciements au ministère de l'Éducation
L'offensive générale contre l'État fédéral se poursuit aux États-Unis. Après l’Usaid, la Nasa ou encore l’agence de protection de l’environnement, le ministère américain de l'Éducation fait à son tour les frais de la nouvelle politique de l'administration Trump. Le département de l'Éducation a annoncé, mardi 11 mars, qu'il comptait licencier près de la moitié de son personnel.
"Le ministère a entamé aujourd'hui une réduction de ses effectifs touchant près de 50 % de son personnel", a indiqué ce dernier dans un communiqué, précisant que les employés concernés seront placés en congé administratif à compter du 21 mars.
Ces licenciements "reflètent l'engagement du ministère de l'Éducation en faveur de l'efficacité, de la responsabilité, et de la garantie que les ressources sont déployées là où elles comptent le plus : auprès des élèves, des parents et des enseignants", a affirmé la ministre, Linda McMahon, dans le communiqué.
Ces licenciements signifient que le ministère, qui a commencé l'année avec 4 133 employés, devra désormais composer avec la moitié de ses effectifs. Outre les 1 315 travailleurs licenciés mardi, 572 employés ont accepté des indemnités de départ proposées ces dernières semaines et 63 personnes en période d'essai ont été licenciées le mois dernier.
Après cette annonce, plusieurs dizaines d'employés de l'agence se sont rassemblés devant le siège du département à Washington pour manifester leur opposition. Dans un communiqué, Sheria Smith, présidente d'une section locale de la Fédération américaine des employés gouvernementaux, a déploré "une campagne de désinformation rampante visant à tromper les Américains sur les services, les ressources, les subventions et les programmes que le ministère de l'Éducation fournit à tous les Américains".
Quel est le rôle du ministère de l'Éducation aux États-Unis ?
Le système éducatif américain est largement décentralisé et le département de l'Éducation n'intervient pas dans le fonctionnement des écoles ou dans la rédaction des programmes scolaires. Ces prérogatives dépendent des États et des districts locaux.
L’autorité fédérale gère essentiellement l’attribution de fonds. Le ministère s'occupe notamment des programmes dédiés aux prêts étudiants ou encore aux subventions Pell accordées aux élèves les plus précaires. Il participe également au financement des aides aux étudiants handicapés. Enfin, le ministère veille à l'application de la législation sur les droits civils, qui vise à prévenir les discriminations fondées sur la race ou le sexe dans les établissements financés par le gouvernement fédéral.
Pour l'année 2024, l'enveloppe du ministère s'élevait à 238 milliards de dollars, soit 4 % du budget fédéral total, loin derrière les dépenses de santé (25 %) et la sécurité sociale (22 %).
Quelles conséquences auront ces licenciements ?
Si l'administration Trump plaide pour une meilleure utilisation de l'argent du contribuable américain, les défenseurs de l'école publique s'inquiètent des implications d'une telle mesure. Dans un communiqué, Becky Pringle, la présidente de la National Education Association, le plus grand syndicat d'enseignants du pays, assure que ces mesures vont faire augmenter le coût de l'enseignement supérieur aux États-Unis.
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"Les vraies victimes seront nos élèves les plus vulnérables. Le démantèlement du ministère de l'Éducation fera monter en flèche la taille des classes, réduira les programmes de formation professionnelle, rendra l'enseignement supérieur plus coûteux et hors de portée des familles de la classe moyenne, supprimera les services d'éducation spécialisée pour les élèves handicapés et réduira les protections des droits civiques des élèves", affirme la dirigeante syndicale.
"Il y a des raisons de s'inquiéter de la manière dont le système fonctionnera : est-ce qu'il y aura assez de monde ?", s'interroge auprès de CNN Neal McCluskey, directeur du Centre pour la liberté de l'enseignement à l'Institut Cato. "Nous allons vite savoir s'ils peuvent ou non faire le travail avec moins de personnel."
Pourquoi Trump s'attaque au ministère de l'Éducation ?
Depuis sa création en 1979 sous la présidence de Jimmy Carter, le ministère de l'Éducation est contesté par le camp républicain. Opposé au rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine, les conservateurs plaident pour une indépendance totale des États fédérés, lesquels ont déjà l'essentiel des compétences en la matière.
Le débat s'est récemment crispé sous l'impulsion du "Parental rights movement", mouvement pour les droits parentaux. Ce mouvement conservateur, qui s'est développé à la suite des fermetures d'écoles pendant la pandémie de Covid-19, a lancé une croisade contre une supposée idéologie de gauche défendue par le gouvernement. Dans leur viseur : l'enseignement de la question raciale, de l'identité de genre ou de l'orientation sexuelle.
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Lors de la dernière campagne présidentielle, Donald Trump a totalement adopté les positions de ces activistes conservateurs promettant d'éradiquer l'idéologie "woke" venue de Washington et de combattre "l'endoctrinement de gauche" dans les écoles publiques américaines. Donald Trump a également annoncé la suppression des bureaux de la diversité et de l'inclusion dans les établissements scolaires ou encore l'exclusion des athlètes transgenres des sports féminins.
Ce ministère peut-il être démantelé ?
Théoriquement, oui. Mais pour rayer définitivement le ministère de l'Éducation du paysage fédéral, l'administration Trump devra faire passer une loi au Sénat nécessitant une "supermajorité", soit 60 sénateurs sur 100. Or, les républicains ne disposent actuellement que de 53 sièges. Difficile d'imaginer que l'administration Trump trouve des soutiens dans le camp démocrate. D'autant que de récents sondages montrent que les deux tiers des Américains s'opposent à la fermeture du département.
Malgré ces obstacles, le président américain a chargé Linda McMahon de démanteler son propre ministère, rapportent plusieurs médias américains, s'appuyant sur un brouillon de décret. Selon le projet de texte, la ministre sera chargée de "prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter la fermeture du ministère de l'Éducation" dans "la limite de ce qui est approprié et permis par la loi".
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Après cette vague massive de licenciements, l'administration Trump s'apprête à faire du ministère de l'Éducation une coquille vide. Selon le président américain, une partie du travail de l'agence sur les prêts étudiants pourrait être transférée au département du Trésor. Selon une source proche du dossier interrogée par le New York Times, des fonctionnaires du département de l'Éducation se sont rendus au département du Trésor le 10 mars pour se préparer à ce passage de relais. Lors de son audition de confirmation le mois dernier, Linda McMahon avait déjà évoqué le transfert de l'application des droits civils au ministère de la justice et des services aux étudiants handicapés au ministère de la santé et des services sociaux.
Avec AFP