C’est à Schiaparelli que revient l’honneur d’ouvrir la semaine de la haute couture parisienne. Ce lundi, la maison fait son retour au Petit Palais dont la lumière et les volumes siéent tellement au lyrisme de Daniel Roseberry, le Texan qui a réveillé cette belle endormie depuis cinq ans. Icare est le nom de ce printemps-été 2025 parce que « la haute couture est par définition une quête de la perfection (…) une lutte donquichottesque, une ascension pour atteindre un niveau d’exécution et de vision toujours plus élevé ». Jamais une collection de Roseberry n’a atteint, il est vrai, une telle excellence dans la construction comme dans les ornements.
Inspiré par une boîte de rubans de chapelier datant des années 1920-1930 trouvée chez un antiquaire, le couturier en a retravaillé les couleurs de velours jaune beurre frais, pêche, abricot, safran et un bleu Art nouveau. On lit l’influence de la Belle Époque dans les bustiers-paniers, les formes sinueuses, les corps gainés donnant l’illusion de taille extra-fine à la Polaire (la vedette des caf’conc’ de la fin du XIXe siècle), dans les broderies de fleurs en émail sur la dentelle, dans cette veste festonnée de cordons passementerie s’évasant en jupe de tulle. « La plupart des techniques de broderie que nous avons employées datent du début du XXe siècle. Le point de satin, les perles japonaises, c’est un tour d’horizon de références historiques », ajoute-t-il.
Paradoxalement, il parvient à donner une fluidité, une simplicité à l’allure qui ancre cette opulence de boudoir et cette perfection du détail dans le présent. On pense (non pas dans le résultat mais dans l’esprit) au défilé de John Galliano pour Margiela Artisanal il y a un an, qui a rappelé à toute l’industrie la façon dont la revisitation de l’histoire restait un moteur pour la création et un vecteur d’émotion puissant. L’actuelle exposition du Louvre, mettant en regard haute couture (dont plusieurs pièces de Schiaparelli par Roseberry) et objets d’art du haut Moyen Âge au second Empire, pose ce même postulat. Après une décennie aussi virtuelle que politisée, la mode se dirige-t-elle vers une nouvelle vogue historiciste rappelant le milieu des années 1990, des cocottes de Westwood au dix-huitiémisme de Karl Lagerfeld chez Chanel ? « À chaque fois que nous créons une pièce, je me demande si elle sera un jour montrée dans un musée, comme ce qu’a créé Elsa Schiaparelli en son temps. » Par le passé, le designer a défrayé la chronique, parfois à son corps défendant, avec des partis pris de collections particulièrement impactants. « J’aimerais que demain on parle dans les médias de notre travail et non pas d’un bébé-robot (défilé couture de janvier 2024), de fausses têtes d’animaux (en janvier 2023) ou des célébrités du premier rang qui sont volontairement peu aujourd’hui. » Mission accomplie.