400 migrants occupent toujours la Gaîté Lyrique, « une catastrophe sanitaire »
Combien de temps va durer l’occupation de la Gaîté Lyrique ? « Je ne pensais pas rester ici aussi longtemps », se désole Ousmane (prénom modifié), venu de Guinée. Comme les quelque 400 autres jeunes migrants qui occupent la Gaîté Lyrique, lieu culturel à l'arrêt depuis décembre, il n'a toujours pas eu de proposition d'hébergement ni par la ville, ni par l'Etat.
Des dizaines de couvertures s'accumulent sur les rambardes du premier étage de la salle de spectacle parisienne. C'est là qu'environ 400 jeunes migrants dorment à même le sol chaque soir. Ils étaient 200 au début de l'occupation, le 10 décembre dernier. Aujourd'hui, certains « tournent jusqu'à une heure du matin pour trouver une place », explique Ousmane qui affirme avoir 16 ans. A son arrivée en France, il a dormi plusieurs mois dehors dans une tente au pont Marie, dans le IVe arrondissement.
« Le pays des droits de l’Homme n’a pas tenu ses promesses. »
Ousmane, un migrant occupant la Gaîté Lyrique.
Pour lui, « le pays des droits de l'Homme n'a pas tenu ses promesses ». Après des semaines à se renvoyer la balle, des « discussions » sont engagées entre la ville et l'Etat, « qui doivent permettre de trouver enfin une sortie de cette occupation », a déclaré lundi à l'AFP Léa Filoche, adjointe aux Solidarités à la maire PS Anne Hidalgo. Selon elle, la préfecture de région dit avoir des places d'hébergement, mais la ville n'a « aucune » visibilité sur ces solutions.
Contactée par l'AFP, la préfecture de région n'a pas souhaité commenter. Les jeunes exilés, rassemblés dans le « Collectif des jeunes du parc de Belleville », demandent « un toit sur la tête et la reconnaissance de leur minorité » que France terre d'asile, en charge de l'évaluation de minorité à Paris, ne leur a pas accordé, explique Amadou (prénom modifié), originaire du Sénégal. Ils revendiquent aussi « un droit à la santé, à l'école et un besoin d'être intégré », ajoute-t-il.
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Les occupants ont déposé un recours devant le tribunal des enfants. Mais le temps de la procédure - qui peut durer plusieurs moi -, ces jeunes migrants se trouvent dans un vide juridique. S'ils sont reconnus mineurs, ils seront pris en charge par les services départementaux de l'Aide sociale à l'enfance. La Gaîté Lyrique qui a annulé sa programmation culturelle depuis le 17 décembre, se dit compréhensive et dénonce « à la fois l'occupation et l'inaction des autorités ».
« Les solutions existent, il faut que les autorités travaillent ensemble » car « il n'est pas acceptable de remettre des gens à la rue en plein hiver », s'indigne Juliette Donadieu, directrice générale du lieu culturel du IIIe arrondissement de Paris. Elle déplore de « très lourdes pertes d'exploitation » et est « inquiète » pour la « pérennité de l'entreprise », qui emploie une soixantaine de personnes.
Seulement quatre toilettes et aucune douche
La ville de Paris, propriétaire du lieu, est « très consciente de la situation dramatique » de ces jeunes, venus majoritairement d'Afrique subsaharienne, assure Léa Filoche. Mais « je ne sais pas où les mettre, les lieux occupables sont déjà occupés », déplore-t-elle, soulignant qu'elle n'a « pas la main sur l'hébergement d'urgence, qui est une compétence de l'Etat ».
La salle de spectacle ne dispose d'aucune douche et les centaines d'occupants se partagent quatre toilettes, « un espace complètement inadapté », déplore la directrice des lieux qui craint « une catastrophe sanitaire ». Au rez-de-chaussée de la partie occupée de la salle de spectacle, une quinzaine de jeunes discutent autour des quelques tables hautes. Ils écoutent de la musique, chargent leur téléphone, le tout dans la bonne humeur malgré « la fatigue et le stress », que décrit Mohamed (prénom modifié).
1 600 euros de repas chaque soir
Une cagnotte en ligne permet au collectif de « payer chaque soir en moyenne 1 600 euros de repas ». Les petits-déjeuners proviennent, eux, de dons, explique Félix, militant de 24 ans, qui n'a pas souhaité donner son patronyme. Léa Filoche indique avoir initié la première étape d'une « procédure d'expulsion », sans objectif de « remettre les jeunes à la rue » mais plutôt pour « protéger légalement les équipes municipales et celles de la Gaîté Lyrique », en cas d'accident dans les locaux.
Cette procédure avait été également mise en place lors de l'occupation par des mineurs isolés d'un des lieux de la Ville de Paris, la Maison des Métallos, dans le XIe arrondissement, entre avril et juillet 2024. Les jeunes avaient été relogés dans des gymnases.