Un nouvel exemple de l’offensive de l’administration Trump sur la culture. Six mois après la publication d’un décret exigeant du National Park Service (NPS) une lecture plus positive de l’histoire américaine, les établissements gérés par cette importante agence fédérale (sites naturels, monuments nationaux...) doivent se mettre au diapason. Trois domaines historiques, rapporte le New York Times, ont été sommés de modifier des informations ou documents présentés au public.
La rectification exigée la plus emblématique concerne le Fort Pulaski, un édifice témoin de la guerre de Sécession sis dans l’État de Géorgie. La direction a été sommée de décrocher une reproduction de The Scourged Back, une photographie datant de 1863 qui expose le dos meurtri d’un esclave victime de traitements cruels. Exposé dans sa version originale à la National Gallery of Art, à Washington, le cliché est l’un des symboles de la lutte pour l’abolition de l’esclavage.
Passer la publicitéUn symbole de l’abolition de l’esclavage
Ébruitée d’abord par le Washington Post, cette demande de retrait a embarrassé le département de l’Intérieur américain. « Il n’a pas été demandé aux sites du NPS de retirer la photo. Si des documents d’interprétation s’avèrent avoir été retirés ou modifiés prématurément ou par erreur, le Département examinera les circonstances et prendra les mesures correctives appropriées », a tenté de justifier une porte-parole du gouvernement fédéral.
Autre État, autre combat. En Virginie, au Manassas National Battlefield Park, c’est une initiative de l’administration précédente qui se trouve dans le viseur des trumpistes. Plus précisément, un écriteau critiquant la « Cause perdue », théorie d’historiens du XIXe siècle désireux d’offrir le beau rôle aux États sudistes durant la guerre de Sécession. Un texte - destiné à disparaître - y accuse cette théorie de « nier le rôle central de l’esclavage dans le conflit ».
Re-boulonner les statues
L’administration Biden s’était employée à contextualiser ou à accompagner d’un discours critique la version sudiste du récit de la guerre civile. Plusieurs bases militaires baptisées en l’honneur de généraux confédérés ont par exemple été rebaptisées. Donald Trump ne cache pas son désir de renverser la vapeur. Il s’est dit favorable à la remise en place des statues d’officier sudistes de la guerre de Sécession déboulonnées.
À Philadelphie, haut lieu de l’histoire américaine, l’administration veut « sauver » la mémoire de George Washington. Elle n’apprécie pas qu’une exposition sur le père de la nation rappelle qu’il a été propriétaire d’esclaves. Plusieurs panneaux relatent, à l’Independence National Historical Park, la vie de neuf esclaves du premier président, qui en a employé des dizaines, tout en exprimant des critiques à l’égard de ce système. Des modifications y seront effectuées, selon le New York Times. Sous le premier mandat de Donald Trump, la question avait déjà secoué les États-Unis au moment des affrontements de Charlottesville.
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À travers cette offensive sur les représentations culturelles, l’administration républicaine se livre à une relecture de l’histoire « où certains termes ou idées sont proscrits, parce que considérés comme dévalorisants », estimait fin août dans Le Figaro Jean Kempf, historien et spécialiste des États-Unis. Une forme, selon lui, de « cancel culture ».