REPORTAGE. "C'est aussi de la résistance" : malgré la guerre en Ukraine, à l'Opéra de Kharkiv, les spectacles continuent pour "sauver l'âme des spectateurs"

L'art comme thérapie face à la guerre. Manteau de fourrure blanche et porte-cigarettes, Julia Antonova interprète une Venus qui ressemble étrangement à Marilyn Monroe. La soliste explique que son mari est secouriste mais qu'elle aussi défend son pays à sa manière. "Mon mari sauve les gens physiquement. Moi, je sauve l'âme des spectateurs", déclare-t-elle.

Dans ce bunker de 400 places, toujours à guichets fermés, une grande fête à lieu sur la scène qui semble conjurer le sort. "C'est aussi de la résistance, explique Julia Antonova. C'est en quelque sorte notre position de combat, de défendre les gens contre cette atmosphère négative, parce que c'est impossible de vivre dans ce stress permanent."

"Ce n'est pas seulement un médicament"

Le directeur Ihor Tuluzov raconte que souvent, lors des alertes, des passants viennent se réfugier dans le bunker. "On n'arrête pas le spectacle parce que la sécurité est maximale, raconte le directeur. Ils ont en plus le plaisir de l'opéra, pour eux, c'est un bonus", sourit-il.

Depuis le début du conflit avec la Russie, Ihor Tuluzov, le directeur de l'opéra de Kharkiv ne programme plus d'opéras russes. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Depuis le début du conflit avec la Russie, Ihor Tuluzov, le directeur de l'opéra de Kharkiv ne programme plus d'opéras russes. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

À l'affiche, c'est Énéide, de l'Ukrainien Mykola Lyssenko. Il n'y a plus aucun compositeur russe au programme ou presque. "Stravinsky, Prokofiev, on continue à les jouer, parce qu'ils ont des racines ukrainiennes, indique Ihor Tuluzov. Mais Tchaikovsky, Moussorgsky, en ce moment, on n'en veut pas."

Sept employés du théâtre sont au front, un autre est mort. L'art agit comme thérapie. "Ce n'est pas seulement un médicament, poursuit le directeur de l'opéra. C'est une sorte d'arme avec laquelle nous combattons contre cette terrible invasion." La réplique grandeur nature d'une mitrailleuse trône d'ailleurs dans le bureau du directeur.