Révolution en vue dans la tarification de l’électricité

C’est un véritable coup de pied dans la fourmilière. L’Autorité de la concurrence recommande au gouvernement de «préparer la suppression des tarifs réglementés de vente de l’électricité ». Aujourd’hui, 59% des particuliers et 35% des petits professionnels y ont recours. L’Autorité leur reproche notamment leur manque de lisibilité, d’être un «obstacle au libre-jeu de la concurrence et aux bénéfices potentiels de cette dernière – en termes de prix, d’innovation ou encore d’investissement». Ils ont d’ailleurs déjà été supprimés dans le gaz

Les consommateurs, particuliers et petites entreprises, les ont pourtant plébiscités quand en 2022, en pleine crise énergétique, les prix de l’électricité sur les marchés de gros ont flambé, entraînant avec eux la tarification des abonnements «au prix de marché». Échaudés par des factures qui se sont envolées, plus d’un million de consommateurs ont alors troqué leurs contrats pour des abonnements au TRV, donnant un brusque coup de frein à la transformation du marché. Une situation paradoxale alors que tous les particuliers bénéficiaient de la protection du bouclier tarifaire. Depuis, les prix de gros ont recommencé à baisser et les clients reviennent vers les offres de marché. Au 30 juin 2024 , 169.000 clients supplémentaires ont souscrit une offre de marché par rapport au 30 mars 2024, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE). «Bien que ce chiffre soit inférieur au niveau observé d’avant crise et au trimestre précédent (+244 000 sites), il confirme la reprise des offres de marché depuis la fin de la crise des prix de l’énergie», souligne la CRE. 

Un amortisseur à la hausse.... et à la baisse

Aujourd’hui, de par la façon dont ils sont calculés, les TRVe sont sensiblement plus élevés que les prix calqués sur ceux du marché. Les tarifs réglementés sont établis en prenant en compte les deux précédentes années, ce qui permet d’amortir les évolutions, aussi bien à la hausse qu’à la baisse. En 2022 et 2023, le gouvernement avait en outre choisi, comme il en a la possibilité, de limiter la hausse des TRV. Au 1er février 2023, l’augmentation avait été limitée à 15%, alors qu’elle aurait dû être de 99% selon les calculs de la CRE. Au 1er février 2025, ils devraient baisser d’environ 9%, reflétant la baisse des prix de gros, mais aussi la hausse des taxes. Dans le même temps, les prix de marché devraient eux augmenter, à cause des taxes. Un double mouvement pas très lisible pour le consommateur ! 

De quoi motiver les conclusions du rapport de l’Autorité de la concurrence : «À l’aune de la disparition programmée, le 31 décembre 2025, de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), l’Autorité recommande au gouvernement de revoir en profondeur l’organisation des marchés de l’électricité en France et de préparer la suppression des TRV». Pour l’Autorité, ils «n’ont pas empêché les interventions ad hoc des pouvoirs publics dans le niveau des prix de détail (...), ils brouillent le signal prix qui devrait inciter les consommateurs à une plus grande sobriété énergétique et pèsent fortement sur le jeu concurrentiel»

« Les TRV renforcent le rôle déjà très important d’EDF sur les marchés de l’électricité et son image auprès des consommateurs

Autorité de la concurrence

L’Autorité reproche aux TRV de limiter la concurrence sur les marchés de détails, d’envoyer «un signal directeur» par rapport auquel l’ensemble des fournisseurs positionnement leurs offres de marché. De nombreux contrats les mentionnent en effet, de façon plus au moins directe, par exemple pour vanter «un prix garanti toujours moins cher que le TRV », promettre «-25% sur le prix HT du kWh par rapport au TRV»... Pour le gendarme de la concurrence, les TRV «renforcent le rôle déjà très important d’EDF sur les marchés de l’électricité et son image auprès des consommateurs». Ni EDF ni les consommateurs ne sont épargnés : le succès des TRV «semble tenir au passé monopolistique du marché et à la relative passivité des consommateurs».

Un indice de référence pour remplacer les TRV

Face à cette litanie de défaut, l’Autorité recommande donc de préparer leur suppression, mais «sans renoncer aux objectifs de politique publique qui leur sont attribués». Les TRV sont notamment un outil de protection des consommateurs, mais aussi de cohésion sociale et territoriale. Aussi, d’autres dispositifs pourraient être mis en place comme «la désignation d’un ou plusieurs fournisseurs de dernier recours». Pas question non plus de laisser les consommateurs sans repère dans un secteur aussi critique que celui de l’électricité. Le gendarme de la concurrence recommande la mise en place d’un indice de référence calculé par la CRE - selon la même méthode que celle utilisée aujourd’hui pour les TRV. Des offres pourraient être indexées sur cet indice, de façon à rassurer les consommateurs attachés au système actuel. 

D’autres dispositifs plus techniques pourraient aussi être mis en place, notamment dans les zones dites non interconnectées (ZNI, essentiellement les îles) et dans les zones desservies par les entreprises locales de distribution d’électricité (ELD). Ces dernières représentent environ 5% du territoire et concernent des villes comme Strasbourg ou Grenoble.