Le projet EMME, pour «Electro Mobility Materials Europe», fait toujours jaser au nord de Bordeaux, dans la commune de Parempuyre. L’entreprise prévoit d’installer une méga usine au cœur d’un parc de 6000 hectares, au bord de la Garonne, avec pour objectif de convertir du nickel et du cobalt à destination de batteries de voitures électriques. Un chantier estimé à plus de 500 millions d’euros, qui avait été mis en avant par Emmanuel Macron lors du sommet Choose France, il y a bientôt un an, en mai 2024. «Le projet s’inscrit dans la transformation de la filière automobile et de la filière des batteries. Ces composants sont aujourd’hui fabriqués essentiellement en Asie. Il faut compléter l’approvisionnement avec une indépendance et une souveraineté française. C’est la même démarche que pour les masques par exemple, on doit être capable de fabriquer en Europe», explique Sylvie Dubois-Decool, directrice générale de EMME.
À partir de 2028, l’usine pourrait traiter 20.000 tonnes de nickel et 3000 tonnes de cobalt par an, pour sortir 89.000 tonnes de sulfate de nickel et 9000 tonnes de sulfate de cobalt. L’implantation au bord de l’estuaire de la Gironde permettrait la livraison des matières premières par bateau, et les produits transformés seraient stockés sur place dans des containers, avant d’être renvoyé par bateau également.
Les habitants opposés au projet
L’usine sera classée Seveso seuil haut, le niveau le plus élevé en termes de dangerosité, car les produits transformés sur place sont particulièrement toxiques au contact de l’eau. Certains habitants de Parempuyre, des communes alentour, et les associations locales pointent du doigt les différents risques environnementaux, notamment le risque d’inondation. «Le principal problème, c’est que le projet prévoit de s’installer sur une zone agricole, qui plus est une zone inondable, à proximité immédiate de la Garonne. Cette usine va complètement artificialiser le site, la mettre en surélévation et va même créer une digue artificielle. Les zones aux abords de la Garonne sont non constructibles et le sont pour de bonnes raisons. C’est un projet qui n’est pas du tout adapté à la zone sur laquelle il est prévu», selon Florence Bougault, membre de la Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso). «Le risque de contamination des sols et des eaux par l’usine est extrêmement élevé avec des conséquences potentiellement graves et persistantes pour la santé humaine et la biodiversité», ajoute Fred Beaujean, porte-parole du collectif Alerte Seveso Bordeaux Métropole. Il regrette également un manque de communication, dès le départ du projet, lancé en 2023. « Les communes ont été informées très tard. On nous a expliqué que d’une façon ou d’une autre, que l’on soit d’accord ou pas, le projet verrait le jour», indique-t-il.
Face à ses contestations, le groupe porteur du projet se défend. « Nous aurons forcément des volumes importants à transporter, donc le choix d’être en bord de Garonne est essentiel. Nous souhaitons faire un projet industriel qui ait le minimum d’impact sur l’environnement et sur les populations. Nous sommes conscients qu’il y a quelques personnes qui ne sont pas d’accord pour que l’usine s’implante ici. Notre première réponse est le dialogue et l’explication, pour que les habitants s’approprient le projet. Ça prend du temps, mais la concertation permet de présenter et d’expliquer le projet dans son intégralité», précise Sylvie Dubois-Decool.
Un nouveau cycle de concertation a démarré le 24 mars dernier avec les différents acteurs locaux, sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Des conférences, des débats et des ateliers thématiques sont organisés jusqu’au 15 mai. Les garants de la CNDP auront ensuite un mois pour rédiger leurs conclusions. Pour l’heure, le démarrage du chantier de construction est prévu entre 2026 et 2027.