Inde : après avoir accusé un temple de centaines de viols et de meurtres, un homme soupçonné d’avoir tout inventé
Que s’est-il véritablement passé dans le temple indien de Manjunatha Swamy, à Dharmasthala, dans le sud de l’Inde ? Un mois après avoir affirmé sous serment avoir été obligé d’enterrer des corps de femmes pendant une vingtaine d’années dans ce lieu sacré, un individu a été arrêté samedi pour «parjure», d’après plusieurs médias indiens, repris notamment par la BBC.
Cet homme s’était présenté à la police au début du mois de juillet pour porter plainte, avant de comparaître devant un juge pour raconter ces faits. Ni son identité, ni son âge, n’avait été révélée par les autorités, et il n’apparaissait en public que dans une tenue noire, le visage totalement recouvert sous une cagoule. Toutefois, son nom a fini par sortir dans plusieurs médias indiens : il s’appellerait ainsi C. N. Chinnaiah. Une enquête spéciale (SIT) a été ouverte après son témoignage, aboutissant à son arrestation. Après plusieurs jours d’investigations, les enquêteurs estiment de plus en plus probable qu’il ait tout inventé, rapportent différents médias locaux, dont Swarajya.
L’administration du temple mise en cause par l’homme
Dans sa plainte, consultée par la BBC, l’individu affirmait avoir travaillé dans ce temple hindou entre 1995 et 2014, sois près de 20 ans, en tant qu’agent d’entretien. Il aurait été contraint, selon ses dires, d’enterrer le corps de centaines de femmes, et parfois même des mineures, qui auraient été violées et tuées. Il expliquait s’être caché pendant près de 10 ans, mais que «sa conscience» l’avait poussé à parler.
Sans nommer personne, l’homme expliquait que les responsables sont «l’administration du temple et son personnel», qui aurait réalisé ces abominables crimes. Pour preuve, lors de son audience, il avait sorti un crâne de son sac : il aurait appartenu à l’une des nombreuses victimes qu’il avait enterrées.
Mais cette affirmation a été mise en doute par les enquêteurs. «Le crâne et les restes squelettiques qu’il a montrés n’ont pas été rapportés de l’endroit où il prétendait avoir enterré les corps», affirme le responsable de l’enquête dans des propos repris par le média Hindustan Time . Plusieurs jours plus tard, de nouveaux éléments viennent contredire la version avancée par l’individu. «Les experts médico-légaux ont confirmé que le crâne n’était pas une preuve authentique de l’existence d’une fosse commune. Il a été obtenu d’un centre de recherche, conservé avec du vernis et n’avait rien à voir avec les revendications faites devant le tribunal», a déclaré un officier supérieur du SIT.
Alors que l’individu avait indiqué une dizaine de lieux avec des corps cachés, des restes humains, des crânes ou encore des fragments d’os n’ont été retrouvés que dans deux de ces endroits. Désormais, les enquêteurs essayent de comprendre ce qui a poussé cet homme à mentir.
Des menaces à l’origine de cette affaire ?
Placé en détention pour au moins 10 jours, l’individu a exprimé son souhait de rester en prison, visiblement pour «se protéger». Les enquêteurs auraient décrit l’homme comme «visiblement secoué» lors de l’examen médical. Il aurait affirmé avoir été menacé par la personne qui lui a confié le crâne.
Passer la publicitéMentionnée dans le cadre de l’enquête par l’individu, la famille Heggade, administratrice du temple, avait salué l’enquête menée pour établir la vérité sur les événements décrits à Dharmasthala et s’était défendue de toute responsabilité dans cette sombre affaire. Dans une interview accordée à l’agence de presse indienne PTI, Padma Vibhushan, administrateur en chef du temple et député de la haute chambre du Parlement indien, avait qualifié les accusations de l’ancien agent d’entretien d’«impossibles» et avait promis que «la vérité devrait sortir» grâce aux investigations.
Cette affaire a également pris un tournant politique, l’opposition reprochant au gouvernement de se servir de cette enquête pour mener une «campagne de diffamation» contre le site religieux hindou. Le ministre indien de l’Intérieur, G Parameshwaraa a indiqué qu’aucune politique de calomnie ou au contraire de protection n’était prévue, et a promis que «justice sera rendue». Il a également affirmé que si les allégations étaient jugées définitivement fausses, une action en justice serait envisagée contre le lanceur d’alerte.