Des «actions concrètes et progressives» : dans le Rhône sinistré, Michel Barnier présente le 3e plan national d'adaptation au changement climatique
Le Figaro Lyon
«S'adapter sans renoncer.» Tel est le mot d’ordre du 3e plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) présenté par Michel Barnier ce vendredi à Éveux. En visite dans le département du Rhône récemment sinistré par des pluies records, le premier ministre a choisi cette petite commune pour effectuer ses annonces, très attendues, car celle-ci se voit justement contrainte de réaliser des travaux d’aménagement autour du cours d'eau local (la Brévenne) afin de limiter le risque d'inondation.
Ce nouveau PNACC va être mis en concertation pendant deux mois. Il vise à s’adapter à un réchauffement de 2,7°C en 2050 et 4°C en 2100. «Nous nous appuyons sur ces hypothèses qui font consensus dans la communauté scientifique», appuie le cabinet du Premier ministre. Le document repose sur cinq axes - «protéger, assurer, adapter, protéger et mobiliser» - et se décline en 51 mesures. Citons entre autres : le renforcement du «fonds Barnier» en faveur de la prévention des risques à hauteur de 75 millions d’euros (300 millions en tout) ; la mise en œuvre d’une assurance à prix accessible partout sur le territoire ; la réalisation d’une cartographie nationale d'exposition aux risques naturels ; un travail sur le confort thermique des logements ; ou encore l'adaptation des transports au changement climatique.
«L'objectif est d'avoir des actions concrètes et progressives», détaille-t-on à Matignon. «Il faut prioriser, chercher des actions avec des co-bénéfices pour ne pas «mal s'adapter». Nos premières actions vont avoir un effet bénéfique sur la vie quotidienne des Français. C'est le cas de la désimperméabilisation des villes, qui va permettre de recharger les nappes, d’éviter les inondations mais aussi de lutter contre les îlots de chaleur.»
Vivre dans une France à +4°C
Les différents scénarios se basent sur les travaux du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Avec une hausse de plus de 3°C en 2050, l'État prévoit «un nombre de jours de vagues de chaleur en forte hausse sur tout le territoire» avec une évolution «exacerbée dans les régions actuellement les plus chaudes, notamment l'arc méditerranéen, le couloir rhodanien et la vallée de la Garonne». Concrètement les pluies seront moins fréquentes mais plus intenses. Conséquence directe, «les sécheresses agricoles et hydrologiques deviendront extrêmement préoccupantes», indique le ministère de l'écologie dans une note de 2023. La moitié des forêts seront soumises aux risques de feu dans l'Hexagone tandis que l'enneigement va baisser de 40% en montagne et les sécheresses être multipliées par trois.
À +4°C en 2100, l'ensemble de ces problématiques seront amplifiées, avec un nombre accru de journées caniculaires, des sécheresses quatre fois plus fréquentes, des précipitations extrêmes trois fois plus fréquentes, et une disparition totale des glaciers alpins. «En 2100, Marseille connaîtra le climat de Séville, et Lille celui de Bilbao», a précisé le Premier ministre.
Des catastrophes naturelles dont Michel Barnier est venu constater une première illustration à Givors ce vendredi dans un centre commercial Carrefour qui avait été noyé sous les eaux la semaine passée. «On doit se préparer à ce que des évènements improbables se produisent», a-t-il déclaré dans la galerie commerciale qui porte encore les stigmates des crues. Devant le maire de la commune, Mohamed Boudjellaba, il a insisté sur l'urgence d'avoir «des réponses fermes et sérieuses face à ces phénomènes». Le Premier ministre a ainsi promis la publication dès la semaine prochaine de la liste des communes qui seraient classées en état de catastrophe naturelle après cet épisode méditerranéen particulièrement dramatique.
Dette financière et dette climatique
Prévue initialement en avril dernier, la présentation de ce nouveau PNACC n’a cessé d’être décalé. La dissolution de l'assemblée nationale en juin dernier a encore accentué le retard important qui avait déjà été pris. Cette nouvelle mouture reprend pourtant la plupart des points de son prédécesseur avec quelques nuances seulement. Ce plan devrait notamment contenir des mesures contraignantes, à des degrés divers, sur les règles d'urbanisme, les opérateurs d'énergie ou de transport, comme le réclamaient notamment les associations écologistes.
La «dette écologique» est une «épée de Damoclès» qui «pèsera beaucoup plus gravement demain sur nos enfants et nos petits-enfants», avait déclaré Michel Barnier début octobre lors de son discours de politique générale. À Givors, il a réaffirmé l’importance de «réduire la dette financière du pays tout n’en augmentant pas la dette écologique». «Pour moi les deux vont de pair »,a-t-il insisté appelant à «faire plus» dans un contexte de hausse drastique de la température sur l'ensemble du globe. Et d’ajouter : «Je sais aussi qu’un euro investi dans l’adaptation au réchauffement climatique, c’est 7 à 8 euros de réparation des dégâts que l’on évite.»
La consultation doit se terminer le 27 décembre 2024. Un site internet va être mis en ligne ce vendredi pour permettre à l’ensemble des Français de faire des propositions. L’application des premières mesures est attendue pour début 2025.