Les grandes estrades, les scènes temporaires, les barrières par centaines encombrent déjà la place de la Concorde qui se prépare à accueillir les épreuves de skateboard, de BMX ou encore de basket à trois. Exceptionnellement cette année, en raison des Jeux Olympiques, le défilé militaire du 14-Juillet ne se tiendra pas sur les Champs-Élysées comme à son habitude.
Dans une version réduite, 4000 militaires paraderont avenue Foch, de la porte Dauphine à l’arc de Triomphe, environ 25% de moins que les années précédentes. Il y aura moins de soldats, moins d'avions et surtout aucun véhicule motorisé.
Pour autant, ce n’est pas la première année que le célèbre défilé du jour de la fête nationale ne se déroule pas sur la plus belle avenue du monde. Ce n’est en effet qu’à partir de la présidence de François Mitterrand que les chefs d’État ont systématisé le lieu pour effectuer la parade militaire.
La fête nationale du 14-Juillet trouve ses origines dans la fête de la Fédération de 1790. Cette année, les fédérations des gardes nationaux des provinces du royaume défilent sur le Champ-de-Mars pour célébrer le premier anniversaire de la prise de la Bastille comme symbole de l’union du peuple français. Le roi prête serment à la nation devant plusieurs centaines de milliers de parisiens.
Si après la Révolution, la fête perd de son importance, elle revient à l’honneur à la fin du XIXe siècle, sous le régime de la IIIème République, lorsque le 6 juillet 1880, une loi est adoptée pour instaurer la fête nationale le 14 juillet. Depuis, les cérémonies militaires qui ont succédé presque annuellement se sont rarement tenues sur les Champs-Élysées.
La «revue» de l’hippodrome de Longchamp
Dès 1880, un premier défilé a lieu à l’hippodrome de Longchamp en présence du président de la République Jules Grévy qui remet aux régiments leurs nouveaux drapeaux et étendards. «Si rien n'a coûté au Pays pour relever son armée [après la défaite face aux Prussiens en 1870 ndlr], rien n'a coûté à l'armée pour seconder les efforts du Pays, et par l'application au travail, par l'étude, par l'instruction, par la discipline, elle est devenue pour la France une garantie du respect qui lui est dû et de la paix qu'elle veut conserver. Je vous en félicite et je vous en remercie», déclame-t-il.
L’événement réunit plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. La Marseillaise, choisie comme hymne national l’année précédente, est chantée. Baptisé «la revue de Longchamp», l’événement est organisé chaque année dans cette forme jusqu’en 1914.
Le «défilé de la Victoire» à partir de 1919
Après la Première guerre mondiale, les maréchaux Joffre, Foch et Pétain, grands vainqueurs du sanglant conflit, défilent à cheval sur les Champs-Élysées le 14-Juillet, accompagnés de troupes ayant combattu les Allemands. Avant eux, en première position, défilent les grands blessés, les «gueules cassés», mis à l’honneur dans cette célébration de la victoire. «D'abord viennent les mutilés, marchant et trébuchant dans leur gloire», rapporte un article du Figaro publié le lendemain. Puis viennent les maréchaux, suivis des armées alliées.
«Les Américains éclatant de force alerte, de robuste jeunesse», les Belges, «qui ont fait de leur pays qui était le pays du bien vivre, le pays du bien mourir» et enfin les Anglais, «cette infanterie si souple, si élégante, si musclée qu'un cavalier ne saurait n'en pas être jaloux». Défilent aussi les Indiens, les Italiens, les Japonais, les Portugais et toutes les autres nations qui ont aidé les Alliés à venir à bout de l’Allemagne.
«Puis un grand espace vide, un grand silence, un grand recueillement, l'attente de quelque chose d'infiniment grand et d'infiniment beau et que voici : l'armée française». Les poilus défilent sous les acclamations. Ce grand défilé, qui ne se contente pas de descendre les Champs-Élysées mais bien de traverser toute la ville de la Porte Maillot jusqu’à la place de la République, a été voulu par le père de la Victoire en personne, Georges Clemenceau. «La Victoire est entrée le 14 juillet 1919 dans Paris», écrit un article paru dans Le Figaro le lendemain.
Inconstance dans l’entre-deux-guerres
En 1921, le défilé du 14-Juillet a lieu à l’hippodrome de Vincennes avec une revue des troupes, effectuée par le maréchal Pétain. La parade n’est que peu répétée dans les années suivantes, et la revue des troupes est même supprimée certaines fois. Une revue de l’armée est organisée au début des années 1930, cette fois-ci entre les Invalides et la place de la Concorde, traversant donc le majestueux pont Alexandre III.
Dans un contexte international particulièrement tendu dans les années qui suivent et juste avant le déclenchement de la Seconde guerre mondiale, le président Albert Lebrun rétablit le défilé sur les Champs-Élysées. En 1938 et en 1939, les alliés britanniques participent même aux côtés des troupes françaises.
Démonstration de force en 1939
Quelques semaines avant le déclenchement du Second conflit mondial du XXème siècle, un grand défilé se tient sur les Champs-Élysées, véritable démonstration de force franco-anglaise, à la mesure de l’inquiétude et de la résignation du moment. Pour la première fois, peut-être, comme le rapporte Le Figaro, le 14 juillet a été le thème de tous les journaux outre-Manche. Le Times écrit ainsi: «Si la force cherche à dominer l'Europe, France et Angleterre seront prêtes à défendre par la force leur idéal de liberté».
«Cette année, la revue du 14 juillet fut celle de la plus grande France. Tour à tour, on vit passer, avec leurs chéchias, leurs burnous, leurs casques coloniaux, leur nouvel uniforme couleur de lion, à pied, à cheval, des tirailleurs tunisiens, marocains, algériens, des Sénégalais, des Malgaches, des Indochinois... Et comment oublier jamais cette majesté de la légion étrangère, s'avançant, toute auréolée de sa légende, dans un hymne», écrit encore Le Figaro.
Le président Albert Lebrun délivre, à l’occasion de ce défilé, un émouvant discours : «Puisse cette grande évocation nous donner la ferme volonté de défendre la patrie de toutes nos forces, de maintenir et de transmettre à nos enfants la liberté et l'égalité, de demeurer enfin étroitement et fraternellement unis dans la grande communauté libre, généreuse et forte... Unissons-nous en ce jour pour souhaiter un heureux avenir à tous les hommes de bonne volonté».
1945, l’armée française à la Bastille
Après la guerre, et alors qu’aucune parade n’a eu lieu sous l’occupation si ce n’est par les troupes des Français libres à Londres, un nouveau défilé de la victoire se tient à Paris. Si les militaires descendent les Champs-Élysées, la tribune des officiels se situe place de la Bastille. La parade militaire retrouve ensuite dans les années qui suivent les Champs-Élysées.
Changement de parcours jusqu’en 1980
Mais vers la fin des Trente Glorieuses, le défilé du 14-Juillet n’est plus fixé à un endroit en particulier. Il change même régulièrement dans la capitale, surtout sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. En 1974, le défilé emprunte un parcours de la place de Bastille à la place de la République. En 1976, il se tient sur le cours de Vincennes, en 1976, sur les Champs-Élysées et en 1977 devant l’École militaire dans le 7ème arrondissement.
Ce n’est qu’à partir de 1980 que le défilé du 14-Juillet retrouve l’avenue des Champs-Élysées. La parade est revenue chaque année depuis sur la célèbre avenue. En 2020, seule exception, le défilé ne s’y est pas tenu car il a été annulé en raison de la pandémie de Covid.