Vote contre la libération de Boualem Sansal : Rima Hassan, la tartuffe des droits de l’homme
Noémie Halioua est journaliste. Elle a coécrit Le Nouvel Antisémitisme en France (éd. Albin Michel, 2018), écrit L’affaire Sarah Halimi (éd. du Cerf, 2018) et Les uns contre les autres - Sarcelles, du vivre-ensemble au vivre-séparé (éd. du Cerf). Son dernier essai : La terreur jusque sous nos draps (éd. Plon, 2024).
Chère Rima Hassan,
Vous avez voté contre une résolution demandant la libération de Boualem Sansal au Parlement européen. Vous devez le savoir, ce vote équivaut à une gifle lancée à un écrivain emprisonné arbitrairement par un régime liberticide depuis plus de deux mois. Cette gifle, sachez-le, c’est vous qu’elle marquera. Alors qu’un comité de soutien international dont je suis membre se bat de toutes ses forces pour obtenir sa libération, afin qu’il puisse retourner auprès de sa famille et se soigner de la maladie qui l’accable, vous vous opposez à sa libération.
En bref, avec quelques collègues de La France Insoumise, vous vous mobilisez concrètement pour qu’une conscience libre, reconnue pour son importance littéraire et sa défense de l’universalité, par ailleurs âgée et malade, continue de croupir en cellule. Son crime ? Dénoncer le totalitarisme islamiste et la dictature militaire, proclamer son amour de la France à l’heure où les relations diplomatiques se tendent entre Paris et Alger. Ainsi vous soutenez des bourreaux, dont vous reprenez avec application les éléments de langage, plutôt qu’une victime dont la santé est fragile et la vie en jeu ; vous vous rangez du côté d’un puissant régime corrompu plutôt que d’un esprit dissident qui n’a jamais fait de mal à une mouche.
La bonne nouvelle c’est que par cette action, vous enlevez définitivement votre masque. Il est désormais éclatant, pour tous ceux qui n’en étaient pas encore convaincus, que vous incarnez la soumission aux régimes autoritaires. Plus personne ne vous croira lorsque vous oserez vous réclamer des droits de l’homme, de l’humanisme, de la liberté, ou de quelques valeurs ayant trait à la démocratie.
Si votre idéal est l’extinction des voix contestataires par la menace et le harcèlement, alors, en effet, votre eldorado est tout trouvé dans un régime qui fait régner la terreur.
Noémie Halioua
Car il est évident qu’aucune personnalité sincèrement engagée en faveur de ces causes ne ferait le choix de s’attaquer à un écrivain emprisonné plutôt qu’à ses geôliers. Il faut ici saluer le flair de François-Xavier Bellamy, qui a su déceler votre dangerosité lorsque vous aviez tenté d’exercer la fonction de vice-présidente de la Commission des droits de l’homme au Parlement européen. L’eurodéputé avait alerté ses collègues qui avaient fini par vous barrer la route. Il l’avait d’ailleurs payé cher puisque vous et vos supporters vous étiez tant déchaînés sur lui qu’il avait été contraint de porter plainte pour menaces de mort. Ce n’était pas non plus la première fois que vous témoigniez de votre conception très singulière du débat et du respect de la parole contradictoire. Chacun se souvient que lorsque la chaîne LCI eut l’outrecuidance d’interviewer le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou – comme elle le fait avec des chefs d’État du monde entier – vous aviez appelé à «saboter» l’émission et les stagiaires à «couper les câbles», mettant en péril la sécurité de toute une rédaction pour vos petits caprices.
Tout bien réfléchi, il n’est pas si étonnant que vous considériez Alger comme «la Mecque des libertés» et que vous lui prêtiez allégeance en accablant Sansal : si votre idéal est l’extinction des voix contestataires par la menace et le harcèlement, et la réponse à la contradiction par l’intimidation, alors, en effet, votre eldorado est tout trouvé dans un régime qui fait régner la terreur. Mais, dans ce cas, peut-être est-ce le moment de faire ses valises ? À moins que vous n’ayez conscience de la chance que vous avez, Rima Hassan, d’être en France et pas en Algérie, c’est-à-dire d’être là où les opposants au pouvoir y compris les plus virulents ne sont pas embastillés arbitrairement.