Louis Vuitton Monterey, un galet design tout droit échappé des années 1980

On en croise parfois, mais rarement, dans les catalogues des maisons de vente. Les premières montres signées Louis Vuitton sont aussi rares que belles. Et elles méritaient bien de rejoindre les collections actuelles de la Fabrique du Temps genevoise, avec leur design atypique, au fond si peu horloger. Normal, quand on sait qu’elles ont été dessinées par Gae Aulenti, grande dame de l’architecture et du design, disparue en 2012, qui collabora avec les plus grandes maisons italiennes… et transforma même la gare d’Orsay en musée pour François Mitterrand et sa compagne, Anne Pingeot. Entre sa couronne au midi rappelant les montres de poche transposées en montres-bracelets au lendemain de la Première guerre mondiale, ses aiguilles en forme de seringue et son cadran blanc à la minuterie multicolores, et la mention « Louis Vuitton Paris » à 6 heures, c’est encore aujourd’hui une création d’une modernité débordante.

Comme l’an passé, les LV1 de 1988 auront joué les accessoires de mode lors de la Fashion week féminine parisienne parmi les looks de la collection Printemps-Eté 2026 de Louis Vuitton, révélée dans les appartements d’été d’Anne d’Autriche. Ces pépites (presque) oubliées au boîtier en or jaune de 40 mm de diamètre de la marque étaient issues d’un stock de quelques dizaines de pièces retrouvées dans les archives de la maison outre-Atlantique. Portée autour du cou au sein d’une cloche en cuir monogrammée l’année dernière, elle aura été cette année métamorphosée en ceinture chaîne horlogère. Preuve que les montres ne sont pas forcément faites pour être portées au poignet !

Louis Vuitton Monterey Louis Vuitton

Une montre qui n’a pas pris une ride

Jadis réalisées avec l’aide d’IWC Schaffhausen, les montres de voyage LV I et LV II étaient équipées d’un mouvement à quartz. Ce n’est plus le cas pour leur réinteprétation contemporaine. La voilà désormais dotée d’un nouveau cœur mécanique, un mouvement automatique LFTMA01.02 élégamment travaillé, entre platine perlée circulaire, ponts sablés, bords microbillés et masse oscillante en or rose, même s’il est dissimulé sous un fond fermé. Ce calibre battant au rythme de 28 800 alternances par heure promet une réserve de marche de 45 heures. « Cela rejoint une chose que Michel Navas, l’un de nos maîtres horlogers, dit souvent : quand un horloger du futur va ouvrir cette montre, il faut qu’il soit tout aussi charmé par ce qu’il va voir à l’intérieur que par ce qu’il voit à l’extérieur, commente Mathieu Hegi, directeur artistique de La Fabrique du Temps Louis Vuitton. Cela rejoint cette notion de quiet luxury et de bienfacture. L’ensemble des éléments, la boîte, le mouvement, le cadran sont réalisés en interne, et c’est quelque chose dont nous sommes très fiers. »

Louis Vuitton LV1 et LV2 et Gae Aulenti Louis Vuitton
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Quand le modèle LV I de 1988 possédait un boîtier en or jaune de 40 mm, le modèle LV II plus petit, de 37 mm, possédait un boîtier en céramique noire ou verte innovante et résistante aux rayures. Mais pourquoi l’avoir appelée Monterey ? Cela correspond en fait à la mauvaise prononciation du mot « montre » à l’américaine ! Pourquoi réinterpréter cette pièce ? « C’était la toute première montre dessinée à l’époque pour Louis Vuitton, explique Mathieu Hegi. À l’arrivée de Jean Arnault, nous avons repensé toutes les collections horlogères avec cette notion d’élévation. Nous avons bien sûr commencé par la Tambour, mais nous avions cette montre exposée à l’entrée de la manufacture. Nous passions devant tous les jours. Très vite, nous nous sommes dit qu’en fait, cette montre-là est toujours aussi contemporaine. Je trouve qu’elle n’a pas pris une ride. Elle possède des codes atemporels. On retrouve l’inspiration montre de poche, avec sa couronne à midi, mais aussi ce côté très rond, très galet qui en fait un objet très tactile. Elle n’a pas mal vieilli, comme ce peut parfois être le cas pour certains modèles historiques. Elle n’est pas du tout datée. »

Louis Vuitton Monterey Louis Vuitton


Deux sœurs, mais différentes

« Malgré les similitudes, nous avons retravaillé la montre entièrement aux standards actuels de la Fabrique du Temps, notamment en y mettant nôtre premier mouvement manufacture automatique ainsi qu’un cadran email. Les pièces originales étaient en quartz », explique Jean Arnault, directeur du marketing et du développement de la division horlogère de Louis Vuitton. Côté design, pas question de modifier ce qui était déjà parfait en revisitant la création de la fin des années 1980. « Nous avons conservé la forme «galet» poli, l’attache unique du bracelet en cuir et la couronne iconique à 12 heures, autant de références à la Monterey de 1988 », explique Mathieu Hegi. Au passage, le diamètre du boîtier passe à 39 mm, tandis que la couronne finement crantée d’un motif Clous de Paris a été agrandie pour être plus facile à utiliser. Ce galet horloger est toujours aussi dépourvu de cornes que par le passé, le bracelet en cuir s’enfilant via le fond, dissimulant au passage tant les vis que le numéro de cette série limitée. « Ce bracelet est génial, avec cette lanière qui s’enfile à travers la montre. C’est quelque chose que nous souhaitions absolument reproduire sur le modèle Monterey. C’est visionnaire : tu ne mets pas ta montre au poignet, tu la poses sur ton poignet. »

Louis Vuitton Monterey Louis Vuitton


Graphiques et contemporaines, les aiguilles en forme de seringue sont parées de laque rouge, et accompagnées d’une trotteuse en acier bleu, aux côtés des deux signatures « FAB. EN SUISSE » et « LOUIS VUITTON PARIS ». « Contrairement au modèle d’origine qui avait un mouvement quartz, possède aujourd’hui un mouvement entièrement fabriqué par La Fabrique du Temps, détaille Mathieu Hegi. Nous avons tout redéveloppé en interne. Nous sommes vraiment repartis du modèle historique. Elles se ressemblent comme des sœurs, mais sont pourtant différentes. Nous sommes allés chercher l’essence, l’âme de cette première montre pour la remettre dans ce modèle avec un mouvement deux aiguilles et seconde centrale. Le modèle historique quartz avait de multiples fonctions et était très chargé. Nous l’avons un peu épuré. Je souhaitais que l’on ait une très belle lecture de l’heure. Habituellement quand je dessine une montre, je la construis autour du mouvement, là c’est plutôt la démarche inverse. On retrouve les codes essentiels : la minuterie en chemin de fer, les couleurs, le cadran blanc… Pour moi c’était aussi l’occasion de faire travailler tous les savoir-faire que l’on a en interne. D’où le choix de partir sur un très beau cadran en émail grand feu. Cela suppose des heures de patience pour réaliser toutes ces couches de blanc puis cette tampographie en émail par-dessus. Il a l’air simple, mais suppose une vingtaine de passages au four. » Ce processus minutieux qui nécessite environ 20 heures de travail pour appliquer plusieurs couches d’émail vitreux sur le métal. Ce processus est entrecoupé de cuissons délicates à des températures élevées comprises entre 800 et 900 °C, chaque cuisson présentant un risque de bris et de recommencement à zéro. La couleur blanche est également l’une des nuances les plus délicates à réaliser. Le cadran est ensuite poli avec du papier de verre pour créer une surface totalement lisse, permettant la vitrification de l’émail. Il est cuit progressivement à 720 °C, à 10 reprises jusqu’à obtenir une couche solide et translucide, ainsi qu’une finition d’une brillance inouïe, presque opaline. Cette Louis Vuitton Monterey millésime 2025, affichée à 56000 € n’est éditée qu’en 188 exemplaires. « Et ce afin de rendre hommage à l’architecte et son œuvre chez Louis Vuitton, précise Jean Arnault. Elle est destinée exclusivement à un public de connaisseurs et de collectionneurs de la maison qui ont pu découvrir la pièce ces derniers mois. »