Mort de la comédienne Émilie Dequenne à 43 ans des suites d’un cancer rare
Elle s’en est allée comme elle était arrivée. Avec une force et une détermination hors du commun. La comédienne belge Émilie Dequenne a succombé, à 43 ans, à un corticosurrénalome, un cancer de la glande surrénale. En octobre 2023, l’actrice rend publique sa maladie. « Le cancer n’est pas une maladie honteuse. (…) On se sent déjà tellement seul. Si, en plus de ça, je dois me taire. (…) J’avais besoin (…) de faire savoir aux personnes malades qu’elles ne sont pas seules », déclare-t-elle sur France Inter pour expliquer ce choix.
Un temps en rémission, elle fait une apparition inattendue et remarquée sur les marches du Festival de Cannes en mai 2024 pour les 25 ans de Rosetta, Palme d’or en 1999, qui lui avait valu son premier prix d’interprétation à Cannes. Mais, quelques mois plus tard, elle annonce une rechute.
Elle se sait condamnée. « Au fond de moi, je sais pertinemment que je ne vivrai pas aussi longtemps que prévu », avait-elle lâché dans l’émission télévisée Sept à huit, sur TF1, en décembre dernier. Celle qui rêvait de vivre jusqu’à « au moins 80 ans » est donc morte le 16 mars à l’hôpital Gustave-Roussy de Villejuif (Val-de-Marne), où elle a été admise en soins palliatifs.
Elle multiplie les expériences, passant du blockbuster au cinéma d’auteur
Pour elle, tout est allé très vite. Elle est totalement inconnue quand Rosetta, le long métrage de Luc et Jean-Pierre Dardenne, est présenté en compétition à Cannes en 1999. Elle est éblouissante en ouvrière résolue à conserver coûte que coûte un emploi. Et pourtant son prix d’interprétation fait grincer quelques dents gâtées, empestant le mépris de classe. La jeune comédienne a alors 17 ans et un bel avenir devant elle.
Refusant de se laisser enfermer dans un univers, elle multiplie les expériences, passant du blockbuster au cinéma d’auteur, des premiers aux seconds rôles. Les films ne sont pas tous réussis, mais Émilie Dequenne joue toujours juste. Comtesse dans le Pacte des Loups (2001), film en costumes et à gros budget, inspiré de la légende de la bête du Gévaudan, elle est ensuite femme de ménage face à Jean-Pierre Bacri (Une femme de ménage, 2002).
Plutôt qu’occuper le haut de l’affiche, elle entend durer. Elle obtient beaucoup de ses plus beaux rôles chez ses compatriotes belges. Dans À perdre la raison (2012), Joachim Lafosse s’inspire d’une affaire d’infanticide pour lui faire incarner face à Tahar Rahim et Niels Arestrup la femme d’un couple hébergé chez un médecin.
Elle obtient le prix d’interprétation dans la section Un certain regard à Cannes. Pas son genre (2014), de Lucas Belvaux, la transforme en coiffeuse de province qui vit une romance avec un prof de philo parisien, un film qui interroge les possibilités d’amour transclasse. Avec le même réalisateur, elle revient en infirmière attirée par les sirènes de l’extrême droite qui avance ses pions pour séduire les classes populaires dans Chez nous (2017).
Pour ces trois rôles, elle obtient le Magritte (César belge) de l’interprétation féminine. Elle irradie dans Close, grand prix du Festival de Cannes 2022, en mère dévastée par la perte de son enfant. La France n’est pas en reste, lui décernant un César du meilleur second rôle pour les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait (2020), d’Emmanuel Mouret. Sa manière d’affronter la maladie, de partager ses craintes mais aussi ses joies a augmenté le capital sympathie de cette comédienne qui aimait les plaisirs simples et désirait croquer la vie.
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