«L’écologie, tu parles...» : la voie de covoiturage du périphérique agace les automobilistes franciliens

«La Mairie de Paris fait tout ce qu’elle peut pour emmerder le monde», lance amèrement Pierre, automobiliste de 72 ans, lorsqu’on lui demande ce qu’il pense de la nouvelle voie de covoiturage qui entre en vigueur ce lundi 3 mars (en semaine de 7h à 10h30 et de 16h à 20h) sur le périphérique parisien.

Pourtant jusqu’ici, les décisions de la mairie, il les comprenait. «La limitation à 50 km/h (vitesse maximale sur le périphérique ndlr) était une très bonne mesure, car elle permettait de fluidifier le trafic, mais là, c’est mathématique lorsque vous passez de trois voies à deux, il va y avoir des embouteillages à la pelle», prédit Pierre.

Pour d’autres, la défiance est ancienne... Les 50 km/h étaient déjà «une catastrophe», entend-on à plusieurs reprises dans cette station essence de Bagnolet, à la simple évocation de la future réglementation sur le périphérique. «L’écologie, l’écologie... tu parles, on est tout le temps en sous régime sur le périph’, ça envoie énormément de gaz», s’agace par exemple Brahim. «J’utilise deux à trois fois ma voiture par jour, je n’ai pas le choix, c’est n’importe quoi de mettre des nouvelles règles comme cela», ajoute l’automobiliste.

Cette obligation de prendre la voiture seule «pour aller au travail» revient également dans la bouche d’Alyssia. «Je veux bien faire du covoiturage mais pour aller au travail c’est compliqué de trouver du monde», commente la conductrice. Un brin en colère, l’automobiliste accuse même les pouvoirs publics de faire cela pour «ramasser encore plus d’argent de contravention».

Ce professionnel aimerait bien une mesure «adaptée à son activité»

Alors que la nouvelle voie n’est pas encore entrée en vigueur, Karim, professionnel de l’évènementiel, propose déjà d’amender la mesure de la mairie de Paris. «La voie de covoiturage ne prend pas en compte mes besoins. Déjà lors des JO, nous n’y avions pas accès, alors que j’avais des contrats avec des sites de compétitions professionnels sont indispensables au fonctionnement de la ville, il faut penser à nous avant de penser à ceux qui peuvent théoriquement faire du covoiturage», explique-t-il. Selon lui, «on n’a pas de véritable recul là-dessus», et sa conviction demeure qu’il n’y a pas beaucoup d’usagers du covoiturage à Paris. «Si demain cette voie est accessible à tous les professionnels de la ville, je signe des deux mains», conclut-il.

Cet habitué du covoiturage jubile

«Il ne faut pas les écouter, ce sont des égoïstes», rétorque Ibrahim aux usagers de la route en colère. L’automobiliste aux 367 trajets de covoiturage (des itinéraires du quotidien, de quelques kilomètres), revendique ce mode de transport «pour économiser et parce que c’est bon pour la planète».

«La plupart des gens que je prends n’ont pas les moyens de se payer une voiture et moi je ne peux pas payer mon essence seul», explique le jeune homme. «Donc cette voie c’est du pain béni pour nous. En plus cela va encourager la pratique, c’est une très bonne nouvelle», ajoute-t-il. «Que voulez-vous, ça va servir une cause et en desservir une autre», se plaît à résumer Stéphane, à propos des avis divergents sur la nouvelle mesure.

«C’est une mesure de plus que Paris adopte contre les automobilistes. Il y a eu la ZTL, l’abaissement de la vitesse à 50 km/h sur le Périph’, et maintenant les voies dédiées… ça ne s’arrête jamais ! », s’agace par exemple Philippe Nozière, président de « 40 millions d’automobilistes».

De son côté, la Mairie de Paris de Paris défend farouchement la nouvelle réglementation. «C’est une mesure profondément sociale», a plaidé l’écologiste David Belliard, adjoint à la Maire de Paris, chargé de la transformation de l’espace public. «En considérant qu’un trajet moyen pour aller travailler est de 11 km en Île-de-France, la pratique du covoiturage 20 jours par mois fait économiser 770 euros par an», argumente-t-il pour tenter de faire passer la pilule auprès des automobilistes.