L’UFC aime les soirées dédiées à un pays. Les nuits au Madison Square Garden sont des célébrations des États-Unis, les soirées à Londres sont dédiées aux Britanniques... Attention : les affaires sont les affaires, l’organisation reine du MMA mondial ne fait pas de cadeau. Récemment, lors de la «noche UFC» dédiée au Mexique, les régionaux de l’étape se sont fait étriller. «Faites mieux» demande le public aux Français. Il sera là en masse pour soutenir ses combattants. Dans le chaudron de Bercy (à partir de 18h, RMC Sport), les Parisiens jouent à chaque fois la gagne au trophée de la meilleure ambiance du monde. Les combattants témoignent qu’ils y ont du mal à entendre les conseils de leur «coin» situé en bord de cage. La ferveur sera là.
Benoît Saint-Denis, sous double pression
L’ancien commando des forces spéciales terre avait réussi une percée fulgurante dans ce sport. Le voilà freiné par une défaite qui le prive d’un combat de ceinture. Perdre en étant malade (staphylocoque) contre la légende Dustin Poirier n’a rien d’infamant, loin de là. D’autant qu’il l’a mangé en lutte dans la première reprise. Il a le niveau des sommets, c’est acquis. Néanmoins, dans une catégorie au niveau effroyablement élevé, une deuxième défaite de rang l’obligerait à une série de plusieurs victoires pour espérer affronter le champion.
Après cet UFC 299, Benoît Saint-Denis a pris une décision radicale en se séparant de son entraîneur historique Daniel Woirin, lequel était là depuis son premier combat professionnel, sur fond de désaccords financiers. Désormais il a structuré une équipe à Bayonne. BSD est sous double pression: gagner face à Renato Moicano dans l’événement principal de la carte, et prouver qu’il peut tenir au plus haut niveau de l’élite sans Daniel Woirin. Quid du niveau de son adversaire ? À ce niveau, il n’y a plus de combat facile. Avantage Benoît, mais il faudra être quasi-parfait.
Le combat : il sera engagé, énervé, furieux, se passera debout et au sol. Les deux combattants vont se tester dans tous les compartiments du jeu. Le MMA à son meilleur, à n’en point douter.
La question : son pari de changer d’entraîneur et de monter une équipe sur mesure va-t-il s’avérer gagnant ?
Nassourdine Imavov à deux marches du sommet
Le taiseux daghestanais est un bon soldat pour l’UFC : il ne refuse pas de combat, contrairement à de nombreux combattants trop calculateurs. Cette stratégie de carrière basée sur l’activité ressemble à son style dans la cage : attaquer, imposer son style tout en mouvement. Elle est en train de payer : l’UFC lui aurait promis un combat pour le titre s’il remportait ses deux prochains combats.
Bien entendu les promesses sont subordonnées aux affaires, mais «Nass» aura bientôt nettoyé toute la catégorie. Une victoire contre Brendan Allen chez soi, une revanche contre Sean Strickland, et il aura peut-être l’opportunité de devenir le premier Français champion incontesté à l’UFC. Son entraîneur, l’excellent et très cérébral Nicolas Ott, y croit.
Le combat : si Nassourdine Imavov réussit à garder la mi-distance, il sera vif.
La question : Nassourdine Imavov doit gagner, et avec la manière. Arrivera-t-il à finir le combat avant la limite ?
Kévin Jousset, la France à conquérir
En septembre 2023, juste avant l’UFC Paris II, le grand public français découvrait qu’un compatriote s’entraînait depuis des années au city Kickboxing d’Auckland, la salle d’Israël Adesanya, Alexander Volkanovski, Kai Kara France et Dan Hooker. Comment est-ce possible ? Il est même un ami de l’ancien champion des poids-moyens ! Kévin Jousset va enfin combattre sur son sol deux ans après son arrivée à l’UFC, auréolé du statut de premier double champion du l'HEX Fight Series, organisation locale.
Son excellente combinaison judo-boxe anglaise devrait lui permettre de battre son adversaire Bryan Battle. Pour ses dernières semaines d’entraînement en France, il est allé au Boxing squad d’Aldric Cassata à Nice. Un entraîneur réputé pour le travail contre la cage. Justement son judo y fait merveille. Ajoutons que Kévin Jousset est particulièrement grand et costaud pour sa catégorie des poids mi-moyens.
Le combat : Kévin «Air» Jousset devrait réussir à justifier son surnom. Précisons que ce n’est pas lui qui va voler.
Le défi : se faire connaître à sa juste valeur au grand public français.
Morgan Charrière doit montrer qu'il n'est pas là que pour le spectacle
Le pensionnaire de l'US Métro Bizot (Paris) est connu du public pour sa chaîne Youtube avec laquelle on suit sa carrière dans ses hauts et ses bas. C’est peut-être le combattant le plus attachant de la carte. Le fait qu'il ait commencé sa carrière très tôt fait oublier qu'il est encore jeune : vingt-huit ans. Jeune et expérimenté ; un cocktail rare dans ce sport. Le fait qu'il se soit beaucoup donné sur ses réseaux sociaux brouille la perception de son niveau sportif. C'est un combattant qui a clairement le niveau UFC : très athlétique, explosif, assez précis, opportuniste, il a un instinct très sûr pour savoir quand accélérer soudainement et terminer son adversaire.
Il est relativement confiant (et nous aussi) pour ce combat-là : le Brésilien Gabriel Miranda avait explosé en vol face à la tornade Benoît Saint-Denis lors de l'UFC Paris I, et se présente ici en recours de dernier moment. Il sera valeureux, mais probablement pas suffisamment prêt pour Morgan Charrière. Une interrogation subsiste quant au niveau du Français : il a sa place dans l'organisation reine, sans nul doute, mais est-il capable d'intégrer le top vingt d'une catégorie (poids plume) très relevée ? Lui y croit. Nous aussi.
Le combat : après quelques échanges de chauffe, il va y avoir une accélération brusque. Soyez prêts, il ne faudra pas cligner les yeux.
L'enjeu : ce n'est probablement pas dans ce combat que nous aurons des réponses. Il faut simplement gagner, et pourquoi pas emporter un troisième bonus en autant de combats.
Oumar Sy, confirmer avant les sommets
L’expression «combattant complet» est souvent galvaudée. Pour Oumar Sy c’est mérité. Il frappe fort, a une lutte au-dessus de la moyenne et un niveau de sol excellent pour sa catégorie. Dans son premier combat à l’UFC, toujours délicat à négocier, il a confirmé avec autorité son statut de météorite en étranglant sans grand problème son opposant anglais Tuco Tokkos. Contre Da Woon Jung (4-3 à l’UFC) à Paris, il peut faire coup double : confirmer son excellent début dans l’organisation reine et avancer vite dans une catégorie (poids mi-lourds) qui se cherche depuis des années. La route est grande ouverte. Même s’il ne faut jamais sous-estimer un adversaire, c’est peut-être le dernier combat «de chauffe» avant les choses sérieuses.
Le combat : Oumar Sy en rouleau compresseur.
L’enjeu : montrer qu’il a largement le niveau pour le top dix de sa catégorie, et qu’il faudra le faire avancer à grands pas.
William Gomis face à du costaud
Le public est dur, parfois injuste. Par ailleurs, c’est toujours bon de le rappeler, ce n’est pas lui qui est dans la cage. Aussi est-ce tentant de le ramener à plus d’humilité quand il réclame bruyamment une finition à William Gomis. Le combattant de Fernand Lopez traîne une réputation de combattant un peu torpide, guère spectaculaire, un peu trop dans la gestion. William Gomis nous l’assure : il est prêt cette fois à terminer son adversaire avant la limite et s’est entraîné pour.
Seulement voilà : son opposant Joanderson Brito est un sacré client. William Gomis est un boxeur pieds-poings classique et appliqué venu du sanda, mais il faudra plus que ça pour franchir cette marche-là. William Gomis a la chance (le mérite) d’avoir resigné un contrat avantageux à l’UFC, et est donc en relative sécurité à ce niveau-là. Il ne lui manque plus qu’une vraie grosse victoire retentissante. C’est l’occasion ou jamais.
La promesse : c’est un combat à quitte ou double ; si William Gomis vainc Joanderson Brito, il sera vraiment considéré comme l’un des futurs grands de sa catégorie. Dans le cas contraire, il se prépare à un long chemin pour monter au classement.
Les bouchées doubles de Nora Cornolle
La combattante entraînée par Johnny Frachey a un parcours comparable à celui de Ciryl Gane chez les hommes : venue tardivement aux sports de combat par la boxe thaï, elle y a surperformé, avant d’enchaîner sur une entrée fracassante dans le MMA. Dans une catégorie très ouverte, où le niveau n’est objectivement guère relevé, elle a une autoroute pour le sommet. Ses trente-quatre ans la laissent de même espérer aller loin s’il n’y a pas de faux pas. Samedi elle a l’opportunité de venger sa seule défaite en carrière contre la Portugaise Jacqueline Calvacanti, elle aussi sur une belle série.
L’objectif : effacer symboliquement sa seule défaite, et montrer qu’elle a les épaules pour monter vite dans sa catégorie.
Taylor Lapilus, pour espérer une dernière course
Le consultant RMC est un combattant expérimenté, respecté par le public et l’organisation. Son retour à l’UFC Paris II est l’un des moments les plus marquants émotionnellement qu’ait vécu le MMA tricolore. Son style intelligent et tactique lui permet encore d’espérer intégrer le top quinze de sa catégorie, mais pour ce faire il a besoin de frapper un grand coup. Vince Morales est quant à lui en négatif (trois victoires contre cinq défaites à l’UFC). Le combat est abordable, mais la défaite est interdite : à trente-deux ans il n’est pas irrémédiablement en retard, mais il ne peut plus perdre de temps. À partir de maintenant toute défaite coûtera terriblement cher.
L’enjeu : en cas de défaite, il deviendra illusoire d’espérer aller chercher le top quinze des poids coq.
Farès Ziam joue son destin à l’UFC
Sur papier le record du Franco-Algérien est bon : 15-4, dont un honorable 5-2 à l’UFC. Malheureusement, il combat dans la catégorie la plus relevée de toute l’organisation, et la plus fournie. Les poids-légers sont extrêmement nombreux, et, partant, nul n’est jamais certain d’y voir son contrat prolongé. Farès Ziam est passé prêt du couperet et a pu rester dans l’organisation reine grâce à la carte de l’UFC Paris I (victoire face à Michal Figlak). Il a fait des progrès énormes, mais devra se montrer plein d’envie et offensif pour rester. Son adversaire, le francophile Matt Frevola est connu pour frapper très fort. C’est lui qui part légèrement favori. Pour gagner il faudra le garder à distance, être propre dans sa boxe anglaise, ramener vite les cannes après les coups de pied. Mais dans l’UFC de 2024, il ne suffit pas de gagner pour rester. Farès Ziam est face à son destin.
L’enjeu : se voir proposer Matt Frevola n’est pas la voie de la facilité. Mais c’est une opportunité : s’il le bat, il s’extirpera de la masse des combattants anonymes des 70kg. Dans le cas contraire, il replongerait dans une zone de turbulences où chaque combat a pour enjeu la survie dans l’organisation. Il n’y a pas loin du Capitole à la roche tarpéienne.