Perrier, la descente aux enfers du «champagne des eaux de table»
Perrier, l’emblématique eau des terrasses qui ressortent inexorablement aux beaux jours, reste plus que jamais en eaux troubles. Malmenée depuis des mois sur les conditions d’embouteillage de son site de Vergèze au tournant des années 2020 et par les contaminations récurrentes de sa source, la marque phare du pôle eaux («Waters») du géant suisse Nestlé attend une décision cruciale pour son avenir économique. Dans les prochaines semaines, le préfet du Gard doit se prononcer sur la possibilité ou non pour le groupe de continuer à exploiter la source gardoise comme «eau minérale naturelle». Une décision en forme de couperet pour la marque qui a construit son succès sur ces célèbres bulles et sur la qualité de sa source.
Depuis plus d’un an, le géant suisse Nestlé comme d’autres embouteilleurs minéraliers (notamment source Alma), est au cœur d’un scandale concernant des conditions illégales de mise en bouteille de ses eaux minérales. Depuis novembre, une commission parlementaire sur les pratiques dans ces industries tente de faire la lumière sur le sujet. Il leur est d’abord reproché d’avoir utilisé des procédés interdits de filtration de leurs sources (par filtres à charbon ou par ultraviolet), dans le but de respecter les critères de qualité de leurs produits. Une démarche pour éviter tout problème sanitaire... mais proscrite dans le cahier des charges des minéraliers, qui ne tolère une filtration que par des filtres supérieurs à 0,8 micron. Sources Alma et Nestlé - qui a reconnu sa faute — assurent depuis avoir rectifié le tir. Notamment du côté du groupe suisse par un «plan de transformation» de ses usines.
Las. La dégradation de la qualité de la source de Vergèze continue de faire planer une menace existentielle de Perrier comme eau minérale naturelle. En avril, des hydrogéologues mandatés par l’État ont accentué la pression en rendant un «avis défavorable » sur la poursuite de l’exploitation des sources de Perrier. Un signal négatif pour Nestlé, même si celui-ci s’active auprès des autorités pour continuer à garder la précieuse appellation pour sa marque phare, moyennant une filtration plus fine de l’eau puisée à Vergèze. Depuis, le groupe a reconnu avoir détecté de nouvelles anomalies sanitaires, cette fois dans ses bouteilles, confirmant des informations de Franceinfo. Suffisamment pour mettre à l’arrêt (depuis mars) une ligne de production. «L’impact du changement climatique est tel qu’il faut en finir avec ce mythe de la pureté originelle de l’eau, que l’on peut la mettre dans une bouteille sans la toucher», reconnaît un très haut cadre du groupe.
Pollutions microbiologiques
Ces épisodes illustrent la longue descente aux enfers de la marque. En 2024, le groupe avait ainsi été obligé de détruire trois millions de bouteilles Perrier pour cause de contamination, à la demande de l’agence régionale de santé (ARS) Occitanie. De quoi rappeler un des pires moments de l’histoire de la marque : l’affaire du Perrier contaminé au benzène, en 1990. La découverte d’infimes traces de ce solvant dans quelques bouteilles aux États-Unis, suite à une négligence sur un changement de filtre à Vergèze, avait entraîné la destruction de 280 millions de bouteilles. L’affaire avait fragilisé l’entreprise au point de contraindre son propriétaire de l’époque à la céder à Nestlé.