La colère d’Anouk Grinberg contre les violences sexistes et sexuelles et l'exposition sur Agnès Varda, autre figure féministe du cinéma

"On s’allume comme des bougies". C’est la métaphore utilisée par Anouk Grinberg dans son dernier livre Respect, pour parler de la libération de la parole des femmes confrontées aux violences sexuelles, notamment dans le milieu du cinéma. Enfermée dans un "tombeau" et prise au piège du "silence mortifère" auquel se heurtent les victimes, l’actrice, portée par la parole d’autres femmes, parle, dénonce, confronte et pose, dans son ouvrage et sur les plateaux, l'essentielle question de l’après agression. Elle a évoqué son combat, mercredi 9 avril, dans l'émission Tout Public sur franceinfo. 

"C'est insupportable que les femmes et les personnes vulnérables aient à subir encore et toujours ces instincts de prédateurs sur les lieux de travail, dans les familles, dans le privé". Et s’il est "très important que la justice s'empare de cela", "aucune loi, jamais, ne pourra endiguer ces violences". Selon l’actrice, il n’y a donc qu’une seule solution qui vaille : "Que les hommes se tiennent !".

Victime de viols durant son enfance et après avoir "été tant et tant agressée au cours de [sa] vie", Anouk Grinberg appuie dans son ouvrage sur l’un des nœuds des violences faîtes aux femmes, celui "de la honte, toujours du côté de la victime". Celui forçant au silence. À un "silence que la société, que l'agresseur impose, mais que l'on s'impose aussi à soi (...), qui prolonge le crime". Qui "enterre vivante".

"Écoutez-nous, les hommes ! Écoutez-nous, parce que c'est vous le problème et vous ne parlez pas. Qu'y a-t-il dans vos têtes quand vous agressez ? Moi, je voudrais juste savoir. On est des millions à vouloir le savoir."

Anouk Grinberg

à franceinfo

En insistant sur l’urgence des hommes à comprendre que "leur petit plaisir qui dure quelques minutes, les femmes le supportent leur vie entière, démantibulées", l'actrice questionne le rôle de la société dans l’entretien d’une omerta autour de ces violences de genres. "La violence est une négation. L'omerta est une négation. L'omerta, c'est une horreur et c'est la société qui l'a créée. On le voit sur l'histoire de Cantat, mais on le voit sur tous les hommes politiques qui ont été accusés de violences et puis continuent de nous gouverner." Moralité, selon l'actrice : "On protège toujours l'homme. La société protège toujours l'homme."

De cette société, Anouk Grinberg note cependant une évolution passant notamment par la prise de conscience que "ce n'est pas un divertissement d'humilier" car, "quand on gifle des femmes, quand on les étrangle, quand on les met nues de force, quand on leur fait violence, on ne rit plus". De ces comportements, "la société est aussi coupable" et par extension, tous ceux qui la composent. L’actrice assume avoir "collaboré, à [son] corps défendant à cette culture du viol". "Tout simplement parce qu’[elle] incarnait ces situations, en faisant croire à tout le monde que cela lui faisait plaisir, qu’[elle] y trouvait [son] compte et qu’elle faisait bien [son] métier."

En participant à briser le silence, Anouk Grinberg appelle, par son livre, chacun à faire bloc pour endiguer le fléau des violences sexistes et sexuelles, rappelant qu’"on n'est pas contre les hommes, on voudrait juste créer des alliances avec eux et qu'ils soient et qu'ils prennent la parole, qui prennent leur place dans ce mouvement qui est si vertueux, si humain".

Respect (aux éditions Julliard), d'Anouk Grinberg, disponible en librairie.

Le Paris d'Agnès Varda, en photo au Musée Carnavalet 

Fille d'Agnès Varda, costumière et directrice artistique, Rosalie Varda rejoint Anouk Grinberg dans son analyse de l’industrie du cinéma comme "d’un milieu compliqué". Mais elle salue la chance d'avoir "été élevée par une mère qui [lui] a donné beaucoup d'armes et qui disait toujours que c’était très compliqué de dire non".

Réalisatrice emblématique du XXᵉ siècle, Agnès Varda est moins connue pour sa production photographique, alors même que "de 1950 à 1964 elle gagne sa vie comme photographe parce qu'elle ne la gagnait pas comme cinéaste."

Entre clichés réalisés dans son repaire du 14ᵉ arrondissement, au 86 rue Daguerre, et reportages ou photographies de lieux et d’artistes du Tout-Paris, le Musée Carnavalet propose de déambuler au milieu de 130 tirages originaux, dont 85% n’ont jamais été vus. 

"Je trouve que c'est un regard toujours percutant, toujours bien placé. Elle avait cette qualité d'être au bon moment, là où il fallait."

Rosalie Varda, fille d'Agnès

à franceinfo

Offrant la vision d’"un Paris qui a disparu", des "autobus à plateformes", aux "cracheurs de grenouilles", l’exposition propose également des photos prises par Agnès Varda lors de ses tournages et participera, espère sa fille, à la mise en lumière d’"une photographe non reconnue de son vivant."

Le Paris d'Agnès Varda, au Musée Carnavalet jusqu'au 24 août 2025.

Une émission avec la participation d'Anne Chépeau, journaliste au service culture de franceinfo