C’est dans un hôtel particulier on ne peut plus parisien, l’hôtel Dassault, sur le rond-point des Champs-Élysées, que le joaillier grec Zolotas a choisi de lancer les célébrations de ses 130 ans, lors d’une soirée pour ses fidèles clients français fin septembre. Afin de plonger ses invités dans une ambiance de circonstance, les murs étaient tapissés de reproductions de frises du Parthénon grandeur nature. Majestueuses, elles n’éclipsent pas pour autant les vitrines posées sur des colonnes façon marbre. À l’intérieur, une collection spéciale célébrant l’histoire et le style à part de cette maison née à la fin du XIXe siècle à l’initiative d’Efthymios Zolotas.
Cet artisan joaillier d’Athènes voulait faire rayonner le patrimoine artistique et technique de son pays hérité de l’Antiquité. Son fils, Xénophon Zolotas (qui parallèlement occupe les fonctions de gouverneur de la Banque de Grèce pendant vingt-cinq ans), a fait de ce rêve une réalité. Passionné d’histoire et défenseur de la richesse hellénistique, il s’inspire des bijoux des musées d’Athènes et fait renaître lys, feuilles de lierre, rosettes, serpents, lions, béliers et autres taureaux qui peuplent les récits mythologiques. Renouant avec les gestes ancestraux, les artisans de l’atelier tissent un or 22 carats quasiment pur, le martèlent, le repoussent, le tressent pour créer des bijoux comme de petites œuvres d’art.
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Passer la publicitéIl y a vingt ans, l’entreprise a été reprise par une Française, Marianne Le Clère Papalexis, avec son fils, George Papalexis. Pour cet anniversaire, tous deux se sont plongés dans les archives de la maison et ont construit une collection autour de pièces iconiques aux volumes affinés et d’autres issues des archives, inédites jusqu’alors et fabriquées spécialement. Le tandem, respectivement présidente pour l’une et directeur général et artistique de Zolotas pour l’autre, revient sur l’histoire de cette maison, ses liens avec la France, et l’ambition de cette ligne anniversaire.
LE FIGARO. - Pourquoi célébrer l’anniversaire de Zolotas à Paris ?
MARIANNE LE CLÈRE PAPALEXIS. - Nous le fêterons aussi à Athènes ! Mais c’était important de commencer à Paris, car nous avons des liens très forts avec la France. C’est d’ici qu’est né le rêve d’Efthymios Zolotas, notre fondateur, qui est venu à Paris en 1890 afin de se former dans des ateliers place Vendôme. Son fils, Xénophon Zolotas, était très francophile. Depuis l’ouverture de notre première boutique parisienne, rue du Faubourg-Saint-Honoré, en 1967, la clientèle française nous est très fidèle, et nous suit de génération en génération. Les bijoux et l’amour de la maison se transmettent dans les familles.
GEORGE PAPALEXIS. - Et puis Paris est le centre international de la mode et de la joaillerie, donc être ici est une manière d’affirmer la place de Zolotas sur la scène mondiale. En outre, l’entreprise est aujourd’hui dirigée par deux Franco-Grecs, Marianne et moi.
Racontez-nous comment cette institution grecque se trouve aujourd’hui entre des mains françaises ?
Passer la publicitéM. L. C. P. - C’est l’aventure de ma vie. J’avais 18 ans, je faisais des études d’histoire de l’art à la Sorbonne. J’étais passionnée par l’histoire ancienne de la joaillerie, par la mode. J’ai eu l’opportunité de faire un stage chez Christian Dior, avenue Montaigne. Là, j’ai rencontré des femmes merveilleuses, dont Lola Zolotas, l’épouse de Xénophon Zolotas. En 1974, elle m’a invitée à venir visiter l’entreprise à Athènes, et je ne l’ai plus quittée. Cette année-là, Roland McNamer, dessinateur américain de costumes et de bijoux pour le théâtre, avait été missionné par M. Zolotas pour insuffler un renouveau artistique dans les collections. Une rencontre extraordinaire. J’ai tout appris sur le terrain. Au fil des années, j’ai pris en charge la direction artistique. Et en 2003, j’ai pu investir pour reprendre la maison. Mon fils George a toujours été à mes côtés à l’atelier, dans mes voyages. Il a bien connu Xénophon Zolotas et a grandi dans cette ambiance particulière de la Grèce. Il a partagé ma passion très jeune. Après des études de management, de gemmologie, il est aujourd’hui directeur général et directeur artistique. C’est ainsi que l’aventure se poursuit.
Comment avez-vous construit la collection anniversaire ?
M. L. C. P. - Il y a une continuité dans l’histoire de Zolotas, une pérennité stylistique, que nous voulions souligner avec cet anniversaire. Le bracelet Néméa est d’une grande modernité, par exemple, avec son décor en or perlé, une technique datant de l’Antiquité que nous avons toujours utilisée et qui est aujourd’hui très à la mode. Mais c’est important d’actualiser, de moderniser certains designs. Les bijoux spectaculaires, imposants, outre le prix de l’or qui s’est envolé, sont moins dans l’air du temps. On ne voit plus, comme dans les années 1980, ces femmes, Faubourg-Saint-Honoré, portant fourrure et bijoux. Il faut s’adapter aux évolutions du style de vie.
G. P. - Nous avons retravaillé certaines pièces iconiques des années 1960 et 1970, comme le collier Gold Bars réédité en deux versions, l’une classique, très seventies et imposante, l’autre plus contemporaine et sertie de diamants. Il y a aussi Pylos, dessiné fin 1960 et inspiré de l’époque mycénienne et de la feuille de lierre. Ce collier est une prouesse de gravure. Certains modèles existaient à l’état de gouache ou de prototype mais n’avaient jamais été produits, c’est désormais chose faite.
L’une des spécificités de Zolotas est l’utilisation d’un or très jaune…
Passer la publicitéM. L. C. P. - Le travail de l’or 22 carats est un savoir-faire très particulier qui se transmet dans nos ateliers depuis des décennies. La maison aime particulièrement la pureté et la couleur du métal de cet alliage. Les gens reconnaissent nos bijoux notamment grâce à ce matériau.
G. P. - Cet or 22 carats est une signature, on y retrouve la couleur de la lumière athénienne. Nous travaillons le martelage, la granulation, le filigrane, le tressage du fil d’or, la gravure… En grec antique, cela porte le nom de « chrysotechnie ». Il est primordial de mettre en valeur nos savoir-faire et ce patrimoine artistique qui proviennent de l’Antiquité. Pour moi, les artisans d’alors étaient des demi-dieux ! Quand vous allez dans les musées voir leurs pièces qui ont traversé les siècles, c’est fascinant de constater la perfection avec laquelle elles ont été réalisées. On s’en inspire quotidiennement, mais il y a plein de techniques qu’on ne peut pas reproduire aujourd’hui, ça prendrait trop de temps…