Immobilier : pourquoi les agences, syndics et courtiers en crédit peinent à négocier le virage de l’IA

Beaucoup de paperasses et de données à traiter, des échanges téléphoniques et des réunions à n’en plus finir, l’obligation de répondre rapidement aux clients… sauf à prendre le risque de les voir filer à la concurrence. Dans l’absolu, les entreprises de l’immobilier ont tout à gagner à recourir à l’intelligence artificielle. À la clé : une meilleure relation client grâce à une gestion des process et des besoins plus rigoureuse, bien moins de tâches fastidieuses à des postes où il devient très difficile de recruter et, au final, une productivité accrue. Ce que confirme une étude publiée en novembre 2023 par McKinsey qui pointe « une hausse du résultat d’exploitation net de plus de 10 %, voire plus ».

Certaines sociétés ont bien compris l’ampleur des enjeux. C’est le cas du courtier en ligne Pretto. L’IA est présente d’un bout à l’autre de la chaîne : les prises de rendez-vous avec les clients, la gestion de 1,2 million de documents reçus tous les ans, la sélection des banques les plus à même d’accepter un dossier selon le profil du client ainsi que les meilleurs taux récemment accordés par celles-ci, les synthèses de tous les échanges téléphoniques et mails entre le courtier et le client de manière à retrouver plus facilement les informations, etc. En cas de refus de prêt, pas de réponse sèche ! Un vrai plus dans la relation client, selon le cofondateur de la société, Renaud Pestre. « Nous expliquons pourquoi le projet n’est pas faisable et nous proposons les solutions concrètes qui lui permettraient d’avoir un prêt. » Le tout généré encore par l’IA.

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Sergic s’est également converti à l’outil en début d’année, pour les activités de syndic. Alors que les gestionnaires sont souvent dépassés par la centaine de courriels de copropriétaires qu’ils peuvent recevoir chaque jour, la société leur propose désormais d’utiliser Copilot. Ce logiciel analyse 24 heures/24 tous les mails reçus, les hiérarchise selon le degré d’urgence du problème à traiter et/ou le niveau de mécontentement du copropriétaire, prépare les projets de réponses, alerte sur les courriels restés en souffrance, etc.

Chez Sergic, on considère qu’il doit y avoir une réponse au pire dans les 48 heures. Un syndic qui met une semaine ou 10 jours à répondre, c’est très problématique

Stéphanie Titeca, gestionnaire d’immeuble à Sergic Lille

Plutôt que de passer des heures à essayer de retrouver une résolution votée en assemblée générale, les PV sont balayés en quelques minutes seulement. À la clé, un gain de temps appréciable et une relation plus apaisée avec le copropriétaire en attente d’information et de réaction. « Chez Sergic, on considère qu’il doit y avoir une réponse au pire dans les 48 heures. Un syndic qui met une semaine ou 10 jours à répondre, c’est très problématique », souligne Stéphanie Titeca, gestionnaire d’immeubles à Lille, tout en se félicitant du temps gagné grâce à l’IA.

Pour ces entreprises, les atouts de l’intelligence artificielle ne font guère de doute. Mais beaucoup de leurs concurrents traînent les pieds, appréhendant davantage cette nouvelle technologie comme un luxe que comme un passage obligé. L’immobilier fait pourtant partie des activités qui « contribuent le plus au décrochage de la productivité apparente du travail française par rapport à la tendance pré-Covid », selon une récente note du Conseil national de la productivité.

Un secteur rétif aux nouvelles technologies

« Malheureusement, l’IA n’est pas tellement utilisée. Le secteur a toujours été lent à intégrer les nouvelles technologies », s’inquiète Victoria Safar, la fondatrice de Ventureo Academy, une société qui accompagne les entreprises dans leur mue. Stéphane Scarella, directeur général du Salon immobilier Rent, filiale du Groupe Figaro, est un brin plus optimiste. « On est en retard mais il y a une prise de conscience qu’il est indispensable de se tourner vers cet outil. Les clients qui l’utilisent de plus en plus ne comprendront pas que les sociétés vers lesquelles ils se tournent ne s’en servent pas » explique ce spécialiste des nouvelles technologies qui a décidé de faire de l’IA le thème central de la prochaine édition de Rent. La pression vient aussi de l’interne. « Certains salariés utilisent déjà l’IA, avec, pour leur entreprise, le risque de ne pas savoir où partent les données » confie Corentin Brabant, directeur Innovation de Sergic. Cette société a paré au problème, en montant sans attendre dans le train de la grande révolution de l’intelligence artificielle.