Agriculture : sous les serres espagnoles, un modèle à bout de souffle qui exploite les travailleurs et pollue

Sous les serres d’Almeria s’étend le « potager de l’Europe ». Des milliers d’hectares de plastique blanc où poussent tomates, concombres et poivrons destinés à nos supermarchés. Ici, l’agriculture se pratique sous bâche, dans un désert que l’on irrigue avec force usines de dessalement.

« C’est le modèle dominant, celui de l’exportation en grandes quantités et à bas coût, explique Elsa Abdoun, journaliste à UFC-Que choisir et autrice de l’enquête. Et cela ne concerne pas que cette mer de plastique à Almeria : une bonne part de l’Andalousie fonctionne ainsi. »

Derrière l’abondance des rayons, le coût écologique est colossal : sols épuisés, nappes affaiblies, microplastiques dans la Méditerranée. « Le problème, c’est que même si des efforts sont faits à la marge, on continue d’étendre la surface cultivée », observe la journaliste.

Détruire pour produire

Les chiffres donnent le vertige : plus de 30 000 hectares de serres couvrent aujourd’hui la province, produisant trois millions de tonnes de fruits et légumes exportés chaque année. Pour irriguer ce désert, les exploitants recourent massivement au dessalement, une méthode énergivore mais subventionnée.

Un procédé qui s’inscrit dans un contexte plus large : l’Espagne consacre près de 80 % de ses ressources en eau à l’irrigation, un record sur le Vieux Continent. Ce modèle, loin d’être une exception, illustre, selon Elsa Abdoun, la logique même du système agricole européen, régi par la compétitivité : produire toujours plus, pour toujours moins cher.

Sous les serres, l’exploitation

Sous la chaleur étouffante, des milliers de travailleurs venus du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne récoltent pour quelques euros de l’heure. Beaucoup vivent dans des cabanes sans eau ni électricité, à la lisière des champs, formant de véritables bidonvilles.

« Il y a un important recours à une main-d’œuvre étrangère à bas coût et précaire, explique Elsa Abdoun. Ce qui entraîne, de la part de certains exploitants, des abus : ces travailleurs ne sont bien souvent pas au fait de leurs droits, ou pas en capacité, de par leur situation, à les faire valoir. »

« Consommer français ne suffit pas »

Faut-il alors boycotter ces produits et se rabattre sur des produits français ? Pas forcément. « Ça ne suffit pas de prendre un produit français plutôt qu’italien ou espagnol, tranche la journaliste. Consommer français ne garantit pas que le produit ait été cultivé dans de meilleures conditions. Au contraire, surtout pour les premiers prix : même français, ils ont souvent été produits dans des conditions similaires à celles d’Andalousie. »

Car la différence ne se joue pas à la frontière, mais dans la logique même du système. « Et si on a tendance à dire que l’agriculture française est plus responsable, c’est aussi parce qu’on exporte une partie de nos problèmes », souligne Elsa Abdoun.

Alors, que reste-t-il ? Une évidence : consommer français ne résout pas tout. C’est bien le modèle qu’il faut interroger…

Aux côtés de celles et ceux qui luttent !

L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité

  • En exposant la violence patronale. 
  • En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire. 
  • En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie. 

Vous connaissez d’autres médias qui font ça ?  
Je veux en savoir plus !