Ce concessionnaire autoroutier propose à l’État de baisser le prix… des péages
Dans la grande littérature de l’administration française se trouvent parfois des petites pépites. C’est le cas de plusieurs propositions formulées par le groupe Sanef (concessionnaire autoroutier en charge de 1807 km entre l’A1, l’A2,l’A4, l’A16, l’A26 et l’A29) sur l’avenir du financement des infrastructures routières françaises, publié le 6 juin à l’occasion de la conférence «Ambition France Transports».
Alors que les contrats de concession des principales autoroutes arrivent à échéance entre 2031 et 2036 (90% du réseau concédé), il s’ouvre «une opportunité de repenser le modèle de gestion et de financement du réseau routier structurant à l’horizon 2060», croit dur comme fer la Sanef. Autrement dit, la période est propice à élargir l’influence de la société autoroutière auprès des acteurs étatiques, en témoigne la volonté de la Sanef d’élargir le modèle de la concession aux routes départementales et régionales.
Concrètement, la société propose de revoir le modèle de concession en l’adaptant à un découpage régional et en y intégrant des parties du réseau non concédé (les départementales et nationales), tout en maintenant la gratuité pour les usagers sur ces tronçons... Argument en poche, le recours à des investisseurs privés majoritaires est jugé indispensable dans une optique de maîtrise des dépenses et de la dette publiques.
La Sanef propose à l’État de faire des économies
Selon la Sanef, l’État pourrait faire le choix de percevoir une soulte de 10 milliards d’euros (somme d’argent versée pour compenser une inégalité lors d’un partage ou d’un échange, NDLR) correspondant à la valeur des actifs aujourd’hui non concédés. En échange, le concessionnaire se chargerait de l’entretien et l’exploitation pour la durée du contrat. «Les collectivités territoriales pourraient également bénéficier de soultes pour la mise à disposition de leurs actifs routiers ou devenir actionnaires minoritaires des sociétés concessionnaires», ajoute la Sanef.
Bref, le plus surprenant ne se trouve pas là mais dans une autre proposition résumée dans cette phrase du concessionnaire : « le niveau du péage peut être rendu encore plus acceptable par les usagers, soit par une baisse générale raisonnable par rapport aux montants prévus en 2031, soit par un système de remises adaptées, en trouvant le bon équilibre entre niveau de péage, investissements et durée de concession», écrit la Sanef. Entre les lignes, la société autoroutière propose de baisser le prix du péage pour les usagers.
Comment sont fixés les prix du péage ?
Explications. En France, le prix du péage autoroutier n’est pas fixé librement par les sociétés concessionnaires : il est strictement encadré par l’État. Le tarif payé par l’usager correspond à la contrepartie de la construction, de l’entretien et de l’exploitation du réseau autoroutier par le concessionnaire, selon un contrat de concession signé avec l’État. Ce contrat, et le cahier des charges qui lui est annexé, définissent précisément les règles d’évolution des tarifs.
Chaque année, la hausse des tarifs est calculée en fonction d’une formule réglementaire : pour les sociétés historiques comme la Sanef, elle ne peut être inférieure à 70 % de l’inflation, et peut intégrer un supplément pour financer des investissements complémentaires réalisés à la demande de l’État. Cette évolution est contrôlée par l’administration, qui vérifie la conformité des grilles tarifaires proposées avant toute mise en application. L’État fixe ensuite les tarifs par arrêté.
Aussi, le réseau est découpé en sections de référence, pour lesquelles un taux kilométrique moyen (TKM) est calculé. Ce TKM sert de base pour vérifier que les hausses tarifaires restent conformes au contrat et qu’il n’y a ni distorsion ni optimisation abusive des recettes. Des réductions spécifiques existent par exemple pour les abonnés réguliers et certains véhicules, mais l’essentiel du prix du péage reste déterminé par cet équilibre contractuel et financier entre l’État et le concessionnaire.
Comment faire baisser les prix autoroutiers ?
Suivant ces règles, et selon nos informations, des leviers permettent de travailler l’acceptabilité des tarifs autoroutiers. Le prix d’abord, mais aussi le fait que l’argent laissé au péage par les usagers soit réinvesti dans la qualité des infrastructures routières. C’est le résultat de sondages cité par la Sanef dans son cahier d’acteur de la conférence «Ambition France Transports».
Concernant le premier levier, augmenter le prix du péage serait compliqué, le maintien au prix actuel ne suffisant déjà pas à satisfaire les usagers. Le péage obéit à une fiscalité spécifique (35% à 40% des recettes du péage autoroutier sont prélevés par l’État), conditionné par les infrastructures à financer, ce que l’État investit dans celle-ci et les négociations avec les concessionnaires autoroutiers.
Pour baisser les prix, la Sanef propose donc dans son cahier d’acteur de trouver équilibre entre la durée du financement des infrastructures et le montant du péage : « soit on finance moins de choses sur la même durée de concession, soit le montant relatif aux infrastructures reste stable mais sur une durée plus longue de concession», explique une de nos sources à ce sujet.
Autre piste évoquée par la Sanef pour baisser les prix (toujours dans son cahier d’acteur) : cibler les usagers réguliers ou ceux qui utilisent une voiture propre, les voitures électriques en tête. Avec donc une tarification moins onéreuse pour ces deux types d’usager. En tout état de cause, il faut bien retenir que la Sanef propose à l’État une vision à long terme qui inclurait la baisse du prix des autoroutes...