Festival de la BD : les expositions à ne pas manquer à Angoulême
Le soleil est revenu sur la ville d’Angoulême. Sous le ciel bleu, des cohortes de visiteurs, élèves en goguette et festivaliers se dirigent vers les principales expositions de la 52e édition de Festival BD d’Angoulême.
Nichée au cœur du charmant Musée du Papier, la rétrospective Les Herbes folles consacrée à la scénariste lauréate du prix Goscinny 2024 Julie Birmant déploie ses charmes et montre tout le talent du tandem qu’elle forme depuis douze ans avec le dessinateur et compagnon Clément Oubrerie.
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Une histoire du surréalisme
Présente sur place, la scénariste de la saga Pablo ne cache pas sa joie. «Compte tenu de l’espace restreint dont disposaient les scénographes, reconnaît-elle, je trouve incroyable que tout mon travail puisse s’épanouir sans même donner l’impression d’être à l’étroit.» Sobre et colorée, aux murs peints en bleu, jaune et saumon, la scénographie met parfaitement en valeur la virtuosité graphique qui caractérise les auteurs. Et qui brille déjà dans les quatre tomes de la formidable série Pablo, contant les amours tumultueuses du jeune artiste en devenir Pablo Picasso, avec son modèle Fernande Olivier, dite «la belle Fernande». Elle aura partagé la vie du peintre à ses débuts sur la butte bouillonnante des années 1900. L’occasion pour le lecteur de croiser les amis de ce couple. Une poignée de génies: Matisse, Max, Jacob, Apollinaire…D’emblée, le visiteur plonge dans les mondes imaginaires et romanesques de Dali et Gala, récrée magnifiquement par les auteurs. Une grande toile transparente d’un mètre sur deux dévoile la finesse et l’élégance du trait de Clément Oubrerie, relayant le récit passionnant de l’histoire du surréalisme vu à travers le prisme du célèbre peintre espagnol.
Un film également diffusé dans une autre salle raconte les coulisses de la colorisation. «On oublie à quel point la mise est tout un art», souligne la scénariste. Une parenthèse enchantée qui tranche avec la fureur guerrière des Vikings, dont la série manga Vinland saga de Makoto Yukimura explore la complexité et la philosophie, à la Médiathèque. Au service d’une réflexion profondément antimilitariste, la fresque manga exhibe une violence cathartique dont les originaux mettent en valeur la puissance. Les aventures du héros Thorfinn sont mises à l’honneur avec cette exposition immersive, offrant de magnifiques reconstitutions des lieux mythiques de la saga, au coeur de la Scandinavie du XIe siècle.
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Impressionnant drakkar
Ici, la sobriété n’est plus de mise. Dans une atmosphère bleutée, la déambulation s’ouvre sur la figure sculptée d’un impressionnant dragon à la proue d’un drakkar qui file au vent toutes voiles dehors. Le ton est donné. L’ambiance est plus grave. Les planches plus violentes. Le public plus adulte.
Le talent de Makoto Yukimura suscite la fascination du public pour son jeu de trames sophistiqué, et l’expressivité des visages des personnages. Un public de connaisseurs, entre 18 et 30 ans, admire les différentes salles de cette exposition star du festival comptant plus d’une centaine de planches originales qui s’étalent sur vingt ans. «Formidable!» «Incroyable!», «Dément!» sont les expressions qui reviennent le plus au fil du parcours.
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Au Vaisseau Moebius, l’ambiance est plus survoltée. De nombreuses classes d’élèves arpentent les différents décors recréés pour l’événement dédié «aux mille-et-une vies» de Superman. Entre la fuite de la planète Krypton, les cristaux colorés, la forteresse de la solitude où se recueille le super-héros, en passant par la ferme de ses parents adoptifs et le journal où il travaille, le Daily Planet, jeunes et grands de 7 à 77 ans, s’offrent une immersion jubilatoire dans l’univers créé en 1938 par Joe Shuster et Jerry Siegel.
Six ans après Batman, le tout premier super-héros de l’histoire, sorte de Moïse moderne, est célébré en grande pompe avec une scénographie spectaculaire et particulièrement soignée. Deux moments forts évoquent la mort de Superman survenue en 1992 et l’explosion de Krypton faisant de lui un orphelin de l’espace.
Neal Adams, Jack Kirby, Jim Lee, John Byrne, Alex Ross ou Frank Quitely... À travers 57 planches originales et des agrandissements l’exposition révèle le talent des multiples dessinateurs qui se sont attelés à lui donner ses fameuses «mille-et-une vies».
Avenirs possibles
Une fois passée la passerelle au-dessus de la Charente, la Cité de la bande dessinée et ses Chais emblématiques abritent l’exposition Plus loin, la nouvelle science-fiction. Un panorama riche et varié qui présente le travail graphique de 150 auteurs, via plus de 300 originaux. Les pionniers Jean-Claude Mézières et Pierre Christin, créateurs de la série Valérian, côtoient les créations des génies Druillet, Moebius, Enki Bilal et François Schuiten pour revenir aux sources d’un genre qui n’a cessé d’évoluer pour défricher les avenirs possibles.
Cités du futur, mondes virtuels, fin du monde, robots et intelligence artificielle rythment l’itinéraire de visiteurs qui se déplacent comme dans les coursives d’un vaisseau spatial façon Star Trek. Le futur et ses catastrophes annoncées n’ont jamais semblé aussi présent pour nourrir la création d’une jeune génération tournée davantage vers les dystopies climatiques. À Angoulême, la bande dessinée continue de s’exposer dans toute sa vivacité créative.