La fête est-elle (déjà) finie chez Moschino ? Dans l’espace du show automne-hiver 2026, le sol est jonché de confettis noirs. Aurait-on loupé quelque chose ? Apparemment non, puisque la première fille s’avance sur le podium vêtue d’un pardessus de laine grise marqué de fils de bâti blancs et dont l’aiguille qui a servi à le coudre est parfois restée plantée dans le tissu. Dessous, son top reprend la forme et la couleur d’un Stockman. « Je suis parti d’un manteau d’homme d’une collection de 1998 que nous avons aux archives et qui affiche ce fil blanc pour rendre visible la construction », nous explique, la veille, dans ses bureaux, Adrian Appiolaza, le directeur artistique. L’univers de Franco Moschino a toujours été spectaculaire et teinté d’ironie, « mais toujours dans l’idée de précision dans la confection d’un vêtement ». En mode comme au cinéma, les collections les plus drôles sont souvent les plus pensées et les plus millimétrées dans leur conception.
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De ce souci de la précision, l’Argentin, passé dix ans chez Loewe (aux côtés de Jonathan Anderson), décline une série d’étonnantes robes de baby doll impeccablement taillées dans un lainage brut semblable à celui des couvertures de chantier. « Je me suis aussi questionné sur le luxe et sa perception, poursuit-il. Comme dit un slogan Moschino des années 1980, “le luxe est relatif”. Ici, les matières paraissant pauvres sont en fait riches et inversement. » Ce vestiaire fun et très bien exécuté truffés de clins d’œil humoristiques, à l’instar de ces robes, complexes assemblages de volants et de pois ou de motifs fleuris psychédéliques (édités avec le fabricant textile anglais Sanderson of London), broches « bijoux » qui sont en fait des photographies de pierres précieuses épinglées au revers, sac « faux paquet de biscuits » développés en collaboration avec l’enseigne américaine Pepperidge Farm, ou cabas « sacs-poubelle » confectionnés en soie enduite. « Ce défilé est une célébration, conclut-il. Le monde n’est pas vraiment à la fête, mais Moschino est une maison festive, c’est donc une célébration plus sombre cette saison. »
Le lendemain matin, une Ferrari est garée devant l’entrée du défilé… Ferrari. Et pas n’importe quelle Ferrari, la Testarossa de 1986 de la série Miami Vice qui avait été repeinte à la demande du réalisateur pour qu’elle soit plus visible en couleur… « blanc cocaïne » ! À l’intérieur, point de Sonny Crockett, ni de Rico Tubbs. Mais un défilé de la ligne de prêt-à-porter de la Scuderia qui fait la part belle aux années 1980 et à ces femmes en vestes épaulées et aux jupes fendues haut sur la cuisse, talons aiguilles et chignons banane. Très vite, les tailleurs gris portés avec des cravates rouges (la couleur de l’écurie), les manteaux de fourrure opulents et les manteaux ceinturés camel très corporate laissent la place aux expérimentations textiles (denim délavé, cuir de couleur patiné, soie brossée, cuir verni effet python passé à la déchiqueteuse) et à une allure plus Miami que Maranello.
Un chemin de pétales de rose rouge formant un cercle accueille dans une demi-lumière les invités du défilé Ferragamo. Un clin d’œil à Yves Saint Laurent (vieillissant) qui en faisait le décor de ses défilés ? Ou à ces mises en lune pour touristes en lune de miel à Bali ? Non, « une référence aux Œillets, la pièce emblématique que montait Pina Bausch en 1982 », explique en coulisses Maximilian Davis, le directeur artistique de la maison florentine, qui poursuit donc son « exploration des liens historiques entre la maison et le monde de la danse », après avoir rendu hommage, la saison dernière, à la danseuse afro-américaine Katherine Dunham, chaussée dans les années 1950 par Salavatore Ferragamo. « Je me suis penché cette fois sur la personnalité de Pina Bausch, sur ses chorégraphies mais aussi sur son style personnel. » Dont on voit l’influence dans cette combinaison moulante de cachemire réchauffée d’un long pardessus d’homme assorti, portée en ouverture de défilé qui se tient dans une quasi-pénombre peu propice à la visibilité du vêtement. S’enchaînent d’élégantes minirobes de soie à col noué, des tailleurs de tweed d’un chic remarquable, des nuisettes, des fourrures et des jupes à double fente ultra-sexy. En backstage, le designer évoque aussi un escarpin à très haut talon en cuir verni noir orné d’une fleur rouge sur la cheville, déniché dans les archives du chausseur du Vieil Hollywood. Les souliers qui soulèvent gracieusement les fameux pétales de rose sont particulièrement réussis, comme ces sandales et mules à talons compensés et découpés en V sur le coup de pied. La top-modèle Mona Tougaard en fourreau noir de résille piqué de franges et de fleurs, ferme la marche, hypnotique sur une musique de James Bond. Le public est envoûté. Mission accomplie, M. Davis.