Anas n’avait que 28 ans, mais effrayait Israël

Benyamin Netanyahou devisait tranquillement, ce dimanche après- midi, à Jérusalem, devant un parterre de journalistes internationaux, leur faisant gober minute après minute chacun de ses mensonges sans qu’aucun d’eux ne dénonce cette mascarade. Une seule de nos consœurs a demandé pourquoi les reporters étrangers ne pouvaient entrer à Gaza. « Pour votre propre sécurité », a rétorqué le premier ministre israélien, en réprimant un sourire avec difficulté. Toutes et tous auraient alors dû se lever et partir. Tout le monde est resté.

À ce moment-là, c’est clair, Benyamin Netanyahou savait qu’ordre avait été donné d’abattre des journalistes palestiniens. Dans la nuit du 10 au 11 août, l’armée israélienne a ciblé un correspondant de la chaîne qatarie Al-Jazeera, Anas Al Sharif, le tuant, ainsi que son confrère Mohamed Qureiqa. Au moins six autres personnes ont trouvé la mort, toutes réfugiées à l’extérieur de l’hôpital al-Shifa. « Anas et ses collègues étaient parmi les dernières voix encore présentes à Gaza, offrant au monde une couverture sans filtre, sur le terrain, des réalités dévastatrices endurées par sa population », a déclaré Al-Jazeera dans un communiqué. Al-Jazeera est bloquée en Israël et des soldats ont perquisitionné ses bureaux en Cisjordanie occupée l’année dernière, ordonnant leur fermeture.

Il n’avait que 28 ans, mais effrayait Israël

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, qui, selon Al-Jazeera, avait été rédigé pour être publié en cas de décès, Anas Al Sharif déplorait les ravages et les destructions causés par la guerre et faisait ses adieux à sa femme, son fils et sa fille. « Je n’ai jamais hésité un seul jour à dire la vérité telle qu’elle est, sans déformation ni falsification. » Il n’avait que 28 ans, mais effrayait Israël. Tel-Aviv, après l’odieuse démonstration de Benyamin Netanyahou, a évidemment voulu « faire un exemple » et a immédiatement revendiqué l’attaque contre Anas Al Sharif, le présentant comme le chef d’une cellule du Hamas. Une allégation qu’Al-Jazeera et notre confrère lui-même avaient précédemment rejetée comme infondée. C’est la première fois depuis le début de la guerre que l’armée israélienne revendique rapidement la responsabilité d’un journaliste tué lors d’une frappe.

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (OHCHR) accuse Israël d’avoir « visé la tente » où se trouvaient les cinq employés de la chaîne Al-Jazeera, ce qui « constitue une grave violation du droit humanitaire international ».

« Je parle de la mort lente de ces gens »

Anas Al Sharif avait commencé à travailler pour Al-Jazeera quelques jours après le début de la guerre. Il était connu pour ses reportages sur les bombardements israéliens dans le nord de Gaza, puis sur la famine qui frappait une grande partie de la population du territoire. Lors d’une émission en juillet, il a pleuré à l’antenne tandis qu’une femme derrière lui s’effondrait de faim. « Je parle de la mort lente de ces gens », avait-il expliqué à ce moment-là. La sienne a été brutale. Benyamin Netanyahou n’est autre qu’un général Sheridan israélien, qui aurait transformé l’aphorisme destiné aux Amérindiens en : « Un bon Palestinien est un Palestinien mort ». Selon le OHCHR, « au moins 242 journalistes palestiniens ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023 ». Israël ne parviendra pourtant pas à faire le black-out sur son génocide. Quand un journaliste palestinien tombe, un autre sort de l’ombre à sa place.