La recharge, le principal frein à l’adoption de la voiture électrique

En matière de voitures électriques, les lignes bougent. Alors qu’une grande partie des entreprises étaient réticentes, voici encore quelques années, à équiper leur parc en électrique à cause d’une trop faible autonomie des véhicules, cela n’est plus le cas aujourd’hui. Selon la dernière édition du Baromètre des flottes et de la mobilité publiée le mois dernier par l’Arval Mobility Observatory et réalisé par Ipsos, les principales contraintes portent désormais sur la recharge. En France, 86 % des sociétés sont préoccupées par la difficulté de se recharger. Elles sont 63 % à déclarer que le nombre de bornes de recharge publiques est problématique. En revanche, seulement 9 % d’entre elles observent une réticence de la part de leurs collaborateurs à conduire une voiture électrique, un taux qui grimpe à 15 % en Europe. « Cette étude montre qu’avec des voitures qui offrent désormais plus de 400 km sans être obligé de se recharger, le débat ne porte plus sur l’autonomie, constate Clément Molizon, directeur général de l’Avere. Si la recharge pose autant de questions qu’avant, les réponses se révèlent aujourd’hui bien différentes et nous observons un décalage entre la perception qu’ont les entreprises et leurs collaborateurs et la réalité du terrain. » L’organisme indique qu’il n’y a jamais eu autant de bornes de recharge en France. À fin février 2025, 160 000 bornes publiques étaient disponibles, dont 80 % ont été installées depuis 2021. Le taux de disponibilité a également fortement évolué. « Il était de 93 % à fin février alors que nous étions à 80 % il y a encore quelques semestres », poursuit Clément Molizon. Des bons résultats liés à quelques modifications du mode de calcul, mais surtout à une professionnalisation des acteurs de la recharge et à plus grande réactivité de leur part en cas de panne. Quant au taux d’utilisation, il reste encore extrêmement faible : seulement 21 cessions de recharge par mois par borne. « Il faut néanmoins relativiser cette moyenne. Certaines bornes, comme celles sur les grands axes autoroutiers sont assez utilisées alors que d’autres passent des semaines sans voir une voiture électrique », reconnaît Clément Molizon. Et de rappeler que « 85 % des recharges se font à domicile ou sur le lieu travail ».

Une fiscalité à prendre en compte

Certes. Mais l’étude de l’Arval Mobility Observatory révèle que respectivement 37 % et 33 % des entreprises ne se tournent pas vers l’électrique car aucune borne de recharge n’est disponible sur le lieu de travail ou à domicile. « Dans cette transition énergétique, les inquiétudes sont souvent liées à une méconnaissance du sujet », insiste de son côté Philippe Dos Santos, directeur flottes et électromobilité France chez DKV Mobility. Mettre entre les mains une voiture électrique sans donner la possibilité au collaborateur de se recharger a minima chez lui peut vite devenir problématique. Et coûteux. « Il n’y a aucune maîtrise du coût de l’énergie en itinérance, c’est-à-dire sur les bornes publiques », note Sarah Roussel, présidente de SesamLLD, syndicat des acteurs de la location longue durée. La politique tarifaire des réseaux publics manque encore de transparence et les variables tarifaires sont nombreuses. « Frais de stationnement, prix du kWh qui n’est pas toujours affiché, coût à la prise..., il manque aujourd’hui des outils pour que les gestionnaires de parc puissent connaître à l’avance quel sera le coût d’usage du véhicule électrique comme c’est le cas avec un thermique ou un hybride. Car le sujet le plus important n’est pas la voiture de fonction des cadres supérieurs mais bien les véhicules pour les collaborateurs opérationnels comme les commerciaux ou les techniciens qui sont amenés à se déplacer dans le cadre de leurs missions. Donc, sans une borne sur le lieu de travail ou à domicile qui assure une recharge maîtrisée, le véhicule électrique est économiquement moins intéressant », regrette-t-elle.
Mais l’installation d’une borne à domicile soulève une multitude de questions. À qui appartient-elle ? Qui paye l’énergie ? Que se passe-t-il quand le collaborateur quitte l’entreprise ? Que dit la fiscalité ? Est-ce considéré comme un avantage en nature ? Pour encourager l’usage des véhicules électriques, l’État a prévu des avantages fiscaux pour les salariés qui bénéficient d’une borne de recharge installée ou financée par leur employeur. Ces mesures s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2027. Lorsqu’un employeur met à disposition une borne de recharge sur le site de l’entreprise, l’électricité utilisée par le salarié, y compris pour un usage personnel, ne constitue pas un avantage en nature (AEN). En clair, aucune cotisation sociale ne s’applique. L’installation d’une borne de recharge au domicile du salarié bénéficie également d’un régime favorable, à condition de respecter certaines règles. Si la borne est restituée à l’employeur à la fin du contrat de travail, aucune charge sociale n’est due, même si l’employeur a pris en charge les frais d’achat et d’installation. En revanche, si elle reste chez le collaborateur, une partie du montant pris en charge est considérée comme un avantage en nature et entre dans l’assiette des cotisations. Concrètement, les AEN sont calculés dans la limite de 50 % des frais (valeur plafonnée à 1 043,50 euros) et jusqu’à 75 %, plafonnés à 1 565,20 euros, si la borne a plus de cinq ans. L’entretien, la maintenance ou encore la location d’une borne à domicile, lorsqu’ils sont pris en charge par l’employeur, bénéficient également d’un traitement social allégé : seuls 50 % de ces frais sont soumis à cotisations.

Des solutions techniques mais coûteuses

Concernant le coût de l’électricité, la prise en charge des frais d’électricité par l’employeur, reste intégralement soumise aux cotisations sociales. Les opérateurs de bornes proposent une multitude de prestations pour faciliter la vie des entreprises et des collaborateurs. « Dans le cadre de la mise en place d’une borne chez un collaborateur, nous réalisons une étude de faisabilité à son domicile, explique Philippe Dos Santos. Nous installons ensuite une borne connectée capable de reconnaître la voiture du collaborateur et de remonter sa consommation d’électricité. À partir des données collectées par la borne, nous effectuons les remboursements des kWh consommés ou au forfait selon la négociation entre l’employeur et le collaborateur, directement sur le compte de ce dernier sans passer par l’entreprise. » En cas de départ du salarié, DKV Mobility prend en charge le démontage de la borne « pour par exemple l’installer chez son remplaçant », complète Philippe Dos Santos. La société de services a installé plusieurs dizaines de milliers de bornes dont 70 % au sein des entreprises. Reste que l’installation à domicile coûte encore chère à l’entreprise car elle ne maîtrise absolument pas l’environnement (maison individuelle, habitat collectif, état de l’installation électrique, etc.). Sans compter le coût du turnover au sein de l’entreprise.