Naviguer à l’oreille, de Rosie Pinhas-Delpuech: changement de voix

Quand Rosie Pinhas-Delpuech est née à Istanbul, en 1946, il y avait des choses dont les grandes personnes, autour d’elle, ne voulaient plus parler: le nazisme, la guerre, la Shoah. Et des langues, dans lesquelles s’était exprimée la souffrance des martyrs, que certains préféraient oublier: le yiddish, le polonais, le russe, l’allemand. Hitler et sa horde barbare avaient tout sali, tout perverti: jusqu’au sens des mots, jusqu’aux poèmes et aux chansons à boire. Le cinéaste américain Sam Peckinpah l’a admirablement souligné en faisant de la comptine populaire Hänschen klein le thème principal de son film Croix de Fer (1977) - un tableau sauvage de la folie des hommes en armes.

Longtemps, Rosie Pinhas-Delpuech a été scandalisée d’entendre sa mère Greta fredonner en allemand d’innocentes mélodies. Les seuls mots «soldaten» et «marschiren» faisaient défiler dans sa tête des images de wagons de la mort. Il lui a fallu beaucoup de temps pour comprendre - pour entendre même - cette fidélité enfantine…

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