«Chanter pour le pays que j’aime si passionnément» : l’artiste iranienne Parastoo Ahmadi défie le régime et chante dévoilée

«Chanter pour le pays que j’aime si passionnément» : l’artiste iranienne Parastoo Ahmadi défie le régime et chante dévoilée

Parastoo Ahmadi chante sans voile islamique et les épaules dénudées, dans un concert partagé sur ses réseaux sociaux le 11 décembre 2024.  Capture d'écran de la vidéo publiée sur le compte Youtube de Parastoo Ahmadi

La chanteuse iranienne a publié mercredi sur sa chaîne Youtube un concert d’une trentaine de minutes dans lequel elle apparaît dévoilée, dans une longue robe noire découvrant ses épaules. Une violation directe de la charia.

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Une nouvelle figure de la résistance en Iran. Fait sans précédent dans l’histoire de la République islamique iranienne, en place depuis 45 ans, une jeune femme est montée sur scène sans hijab, le temps d’un concert d’une trentaine de minutes diffusé sur les réseaux sociaux. Parastoo Ahmadi, 27 ans, a chanté pour protester contre la loi sur la «promotion de la culture de la chasteté et du hijab», qui devait entrer en vigueur vendredi 13 décembre après avoir été adoptée par le Parlement. D’après RFI, sa promulgation a finalement été annulée aujourd’hui par le président lui-même, qui souhaite éviter un déchirement de la société. Une autre proposition de loi devrait être faite par le gouvernement dans les prochains mois.

Mercredi 11 décembre, Parastoo Ahmadi a partagé en ligne une vidéo d’elle dévoilée en train de chanter, saluée par beaucoup comme un «acte de courage incroyable» et un «geste historique». En trois jours, la vidéo a dépassé plus de 1,3 million de vus sur Youtube et a été partagée des dizaines de fois sur Instagram. «Je suis Parastoo, une fille qui veut chanter pour les gens qu’elle aime», écrit la jeune femme en légende de l’extrait pour justifier son geste. «C’est un droit auquel je ne pouvais pas renoncer – chanter pour le pays que j’aime si passionnément».

Défier la République islamique

Parastoo Ahmadi interprète plusieurs célèbres chansons iraniennes, accompagnée de quatre hommes qui semblent être membres de son groupe, dans la lumière tamisée du patio d’un caravansérail traditionnel dont on ne connaît pas le nom et visiblement sans public. Tête et épaules nues, en robe de soirée noire, maquillée, avec autour du cou un collier en forme de carte de l’Iran, elle défie la République islamique qui impose aux femmes de se couvrir la tête et le cou et leur interdit de chanter seule en public depuis 1979. 

Parastoo Ahmadi chante sept morceaux dans ce concert préenregistré à une date et dans un lieu inconnu. L’un d’entre eux est l’emblématique Az Khoone Javanane Vatan («Du sang de la jeunesse de la nation»), chant du mouvement Femme, vie, liberté. Une autre chanson dit notamment qu’«il faut traverser les tempêtes sans tenir compte de sa vie».

Si sa performance de mercredi est le premier concert qu’elle enregistre, Parastoo Ahmadi n’est pas inconnue du public iranien. Née en 1997 à Nowshahr, dans le nord de l’Iran, elle est diplômée en mise en scène de l’université de Sooreh. Elle a commencé sa carrière comme chanteuse en publiant des reprises de chansons au piano sur son compte Instagram qui cumule près de 600.000 abonnés. Des dizaines de milliers de personnes ont d’ailleurs commencé à suivre son compte après la publication de la vidéo mercredi.

Poursuites ouvertes

L’engagement militant de la jeune femme n’est pas nouveau. Quand le pays s’était embrasé en 2022 après la mort de Mahsa Amini, Parastoo Ahmadi avait déjà défié le régime des mollahs en reprenant la ballade Az Khoone Javanane Vatan du mouvement Femme, vie, liberté. Elle avait rapidement dû supprimer la vidéo, contrainte par les autorités qui l’avaient ensuite convoquée et avaient perquisitionné son domicile.

Moins de vingt-quatre heures après la publication de la vidéo mercredi, le pouvoir judiciaire iranien a annoncé l’ouverture d’un procès contre Parastoo Ahmadi et les musiciens qui l’accompagnaient. Sans la nommer, l’agence de presse de la justice iranienne Mizan a dénoncé un «groupe dirigé par une chanteuse» ayant enregistré «de la musique sans respecter les règles légales et religieuses». Les autorités sont «intervenues et ont pris les mesures appropriées, ouvrant des poursuites contre la chanteuse et la production», précise l’agence Mizan.