Fabien Galthié : «Il était hors de question de rentrer dans un rapport de force avec Matthieu Jalibert»

Pourquoi avez-vous titularisé Matthieu Jalibert à l’ouverture et non Thomas Ramos comme lors de la tournée novembre ?
Fabien Galthié : Lorsqu’on prend des décisions, on travaille quotidiennement sur l’état de forme des joueurs, leurs compétences par rapport à l’adversaire, les associations. Après le carton rouge de Romain (Ntamack), on a commencé à travailler le soir même. Et Matthieu Jalibert est apparu en 10 comme une évidence, une cohérence, une logique par rapport à notre méthode de travail et d’accompagnement des joueurs. La réponse à la question a été très vite trouvée.

Quelle est la part d’affectif, de confiance dans votre décision ?
Pour tous les joueurs, le challenge est le même : performer, nous rendre la confiance qu’on leur donne et porter le maillot. Sa titularisation fait partie de son chemin. Ce n’est jamais un chemin linéaire. Matthieu, c’est plus de 30 sélections, donc un vécu important avec nous en équipe de France. Avec des états de forme différents, des états psychologiques différents aussi. Le passage qu’a traversé Matthieu cet automne est très intéressant pour nous. Dans notre méthode, nous cherchons à développer les joueurs, les accompagner, leur donner tout ce qu’on le peut en termes de capacité à progresser. Progresser, ce n’est pas uniquement le geste, la tactique, mais aussi la préparation mentale. Et je voudrais mettre en avant nos préparateurs mentaux qui accompagnent nos joueurs au quotidien. Dans la dimension émotionnelle et la charge cognitive liée à la charge du haut niveau. Les joueurs sont attendus tous les week-ends. Tous les moments de vie qu’ils traversent, souvent heureux, parfois moins heureux, on leur apprend à les traverser.

En vous montrant compréhensif ?
Pour nous, il était hors de question de rentrer dans un rapport de force. Le rapport de force est uniquement avec l’adversaire. On ne combat qu’avec l’adversaire, pas avec nos joueurs. À tous les joueurs auxquels on propose une sélection, c’est un rapport de confiance, une main tendue : «on est prêt à vous accompagner parce que vous avez le potentiel». Matthieu est un exemple de vie d’un joueur de haut niveau qui traverse des moments agréables et des moments difficiles, avec des blessures, physiques mais aussi psychologiques. Et c’est la même chose pour tous les joueurs. C’est ce qui est passionnant dans notre fonction.

« Des signaux faibles montraient que c’était bien de donner de l’air à ce joueur, de lui proposer de se régénérer, car le but est toujours d’être mieux. »

Comment avez-vous fait pour ne le perdre en novembre et le relancer ?
La question ne se pose pas. Notre méthode, basée sur l’accompagnement, il était très important d’identifier qu’il y avait des signaux faibles qui montraient que c’était bien de donner de l’air à ce joueur, de lui proposer de se régénérer car le but est toujours d’être mieux. Notre proposition sortir de ce huis clos très particulier à vivre pour se régénérer. C’était partagé. Tout est transparent. Rien n’est caché même s’il faut garder une forme de pudeur. C’était donc une discussion qu’on a voulu rendre spectaculaire, en faire de la polémique. Il n’y en a pas. Il y a des choix que nous assumons. Une méthodologie qui rend les choix simples. Mais il était très important de rester en contact avec Matthieu et son club. C’est au joueur ensuite de ne pas se perdre. De définir un chemin, des priorités. Et de la suivre, ou pas, pour être le meilleur possible. Ce travail a été réalisé pour qu’il revienne. On ne voulait surtout pas perdre un joueur avec un tel potentiel. Des discussions, de la transparence.

Le profil de Jalibert va-t-il modifier l’organisation du jeu ?
Dans notre animation offensive, l’organisation de notre rugby et de notre charnière évolue. Elle impose des positions qui font que, souvent, le demi de mêlée touche plus le ballon que le numéro 10. Le reste, c’est secret-défense...

Quelle est l’influence d’Antoine Dupont auprès de vous ?
J’écoute beaucoup l’ensemble des joueurs, le groupe des six leaders. C’est important d’avoir les retours de tous. L’écoute, le partage, la compréhension sont importants. Je m’attache à garder de la proximité avec le groupe, avec les leaders et avec Antoine. Sur la partie rugby, stratégie, sur la clarté de notre feuille de route, et aussi sur la manière dont on vit. Antoine joue pleinement son rôle de capitaine et je suis à son écoute.

« C’est très difficile de prévoir le scénario des matchs. Je ne peux donc pas vous donner le résultat, mais on se prépare à disputer un grand match. »

Un mot sur le retour de Damian Penaud, titularisé après un seul entraînement collectif.
Tous les ailiers ont des rôles un peu à part, des spécificités qui leur appartiennent. Damian est un finisseur. Il nous apporte le déséquilibre offensif. Mais c’est aussi un bon défenseur. Sans ballon, il sait se placer, il connaît notre système. Il a toujours été bon, souvent très bon. Le temps passe, ça fait un an qu’il n’a pas joué en équipe de France. Je pense qu’il doit avoir très faim.

Que pensez-vous de votre adversaire, l’Angleterre, sans doute revancharde deux ans après l’humiliation subie à Twickenham, 53 à 10 ?
On prépare tous les matchs pour les gagner. Il y a deux ans, ça s’est bien passé, je ne ferai pas plus de commentaires. L’année dernière, le scénario était totalement différent, une victoire arrachée par une pénalité à deux minutes de la fin. C’est très difficile de prévoir le scénario des matchs. Je ne peux donc pas vous donner le résultat, mais on se prépare à disputer un grand match. L’Angleterre est une équipe qui, malgré des résultats qui ne sont pas ceux qu’ils souhaitent, est toujours très, très proche de la victoire. Elle se bat tout le temps et fait toujours partie des meilleures équipes du monde.

Propos recueillis en conférence de presse