Tour de France femmes : "Si je n'y arrive pas, ce n'est pas la fin du monde"... Pauline Ferrand-Prévôt, ambitieuse et calme face à la pression du classement général

L'attente touche à sa fin. De retour sur la route cette saison après avoir tout gagné dans les autres disciplines du cyclisme depuis sa médaille d'or des Jeux olympiques de Paris en VTT, Pauline Ferrand-Prévôt sera au départ du Tour de France femmes 2025 à Vannes, samedi 26 juillet. Avec son équipe Visma-Lease a bike, la Française de 33 ans a fait du gain de la Grande Boucle un objectif, qu'elle espère accomplir d'ici trois saisons.

A un peu moins de 72 heures du départ, la vainqueure du dernier Paris-Roubaix s'est exprimée mercredi, sur ses ambitions et sa préparation, lors d'une conférence de presse.

Vous n'avez plus couru depuis le 8 mai et votre abandon sur la Vuelta. Pourquoi avoir fait ce choix dans votre préparation ?

Pauline Ferrand-Prévôt : J'ai été malade avant Milan-San Remo [12e, le 22 mars] et Roubaix [le 12 avril]. J'étais fatiguée et j'ai continué, c'était un peu stupide. Pendant la Vuelta, on a pris la décision de se reposer. Quand vous ne faites que vous entraîner, le corps ne guérit jamais [elle était déjà blessée à une cheville]. J'ai eu assez de temps pour prendre ce break et ensuite me préparer. Le Tour, c'est le but principal de ma saison. Je voulais être 100% prête et on y est. Je me sens bien, contente d'être là, enfin !

Êtes-vous nerveuse avant cette échéance ?

Je ne peux pas dire non ! J'ai un peu de pression parce que je veux bien faire mais c'est normal. Je suis plus impatiente que nerveuse, et aussi curieuse de découvrir mes limites.

"Je me suis préparée de la meilleure façon possible. Gagner le Tour, c'est un processus au long terme. J'ai le droit de faire des erreurs cette année, je ne pourrai plus l'an prochain."

Pauline Ferrand-Prévôt

en conférence de presse

Il faut être réaliste parce que c'est ma première course aussi longue depuis dix ans. J'ai dit que je me donnais trois ans, ça me laisse le temps de construire, d'apprendre et de grandir.

Comment avez-vous fait pour progresser en montagne depuis le début de saison ?

Je devais perdre du poids. Je suis plus légère qu'aux classiques où l’on doit grimper pour deux ou trois minutes. Quand j'ai un but, j'aime avoir le poids idéal au moment où il faut. Je n'aime pas être trop maigre pour rien, ce n'est pas sain. Après, évidemment, j'ai bien travaillé en altitude. J'ai aussi acheté un logement en Andorre pour rester en montagne, avoir l'habitude de grimper. Récemment, le stage à Tignes a été la cerise sur le gâteau, où j'ai pu glaner les derniers pourcentages. Avec Marion Bunel [sa coéquipière tricolore], on a fait pas mal de sorties intensives. J'en garderai un souvenir à vie parce qu'on a passé de bons moments, j'ai vraiment apprécié.

Avez-vous reconnu certaines montées prévues sur ce Tour ?

Le col de la Madeleine, deux fois oui [l'arrivée de la 8e et avant-dernière étape, hors-catégorie]. Je connais tous les virages. Je l'ai fait à une bonne vitesse pour prendre mes marques, voir où je peux accélérer, récupérer ou mettre mon tempo. On s'est entraînés spécifiquement car les écarts se compteront en minutes. Je suis curieuse de voir comment tout le monde va récupérer après cela. Il faudra garder des forces pour les deux derniers jours : avant on ne peut pas gagner le Tour, même si on peut le perdre.

Pourquoi ce retour sur route après avoir tout réussi, une fois les Jeux olympiques passés ?

Je me suis posé la question avant les Jeux. Cette période de transition dans l'année post-Jeux n'est jamais agréable. J'ai pris la décision de changer de discipline pour éviter ce coup de blues. Je n'aime pas trop vivre dans le passé et ressasser ce que j'ai fait. Là, c'est totalement différent. Je ne peux pas dire que le VTT m'aide trop sur route, parce que ça va plus vite. Parfois, ça fait peur et j'ai dû m'y habituer. Il faut aussi apprendre à être concentrée dans le peloton, plus qu'en VTT. Il faut accepter et rester calme. On sous-estime beaucoup l'aspect mental du cyclisme sur route.

Pauline Ferrand-Prévôt lors de sa victoire sur la course de VTT des Jeux olympiques de Paris 2024, le 28 juillet 2024 sur la colline d'Elancourt. (EMMANUEL DUNAND / AFP)
Pauline Ferrand-Prévôt lors de sa victoire sur la course de VTT des Jeux olympiques de Paris 2024, le 28 juillet 2024 sur la colline d'Elancourt. (EMMANUEL DUNAND / AFP)

Quel regard portez-vous sur le développement du Tour de France femmes ?

Cela devient de plus en plus populaire et encore plus cette année, juste après le Tour de France masculin avec neuf jours de course. J'espère faire partie de ce développement. Le niveau du peloton a évolué aussi, c'est plus dense avec beaucoup plus de filles de très haut niveau. Avant, il y avait un gros écart : on avait des leaders mais pas d'équipières qui travaillaient spécialement en soutien. Maintenant, chacune a son rôle dans le collectif.

La médaille d'or aux JO en VTT, Paris-Roubaix... Vous brillez dans votre pays. Que représente d’être la coureuse la plus célèbre dans la course la plus célèbre, chez vous ?

C'est aussi pour ça que je suis si pressée. C'est mon pays, c'est spécial : j'aime le fait que l'on puisse traverser la France depuis la Bretagne jusqu'aux Alpes. D'ailleurs, je suis contente que l'on reste en France, qu'on fasse un vrai Tour de France. Si vous demandez aux gens dans la rue ce qu'est le cyclisme, ils vous parleront du Tour. Je me souviens que je voulais être garçon quand j'étais petite pour faire le Tour. C'est pour ça que je suis revenue à la route.

Quelle place a cet objectif de gagner le Tour, par rapport à tous ceux que vous vous êtes fixés avant ?

Les Jeux, c'était devenu une obsession. Si je n'avais pas eu l'or, j'aurais eu l'impression que ma carrière était inachevée. Là, c'est plus un rêve de petite fille. Le Tour, si j'y arrive c'est super, mais si je n'y arrive pas, ce n'est pas la fin du monde. Je me rappelle de ces étés où j'étais sur le canapé, je collectionnais les cartes des coureurs, je notais les vainqueurs dans des petits cahiers... C'était ma passion.