Guerre en Ukraine : à Rome, l'Europe liste ses priorités pour préparer la reconstruction de l'Ukraine
Alors que la Russie intensifie ses bombardements sur l'Ukraine, des leaders politiques, dirigeants d'entreprises et représentants de la société civile, se projettent sur l'avenir et parlent de la reconstruction du pays durant deux jours, à partir de jeudi 10 juillet. Quelque 5 000 participants, 100 délégations gouvernementales, 40 organisations internationales et 2 000 entreprises sont attendus.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est attendu à Rome pour cette conférence qui réunira une quinzaine de chefs d'Etat et de gouvernement, dont le chancelier allemand Friedrich Merz et le premier ministre polonais Donald Tusk. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen sera également présente. Les Etats-Unis seront, eux, représentés par l'émissaire américain Keith Kellogg.
D'un sommet économique à la reconstruction d'urgence
Historiquement, les premières éditions de cette conférence - de Londres en 2017 à Vilnius en 2020 - étaient axées sur la relance et l'économie du pays. Lancées par le Premier ministre de l'époque, Volodymyr Hroïsman, et l'ancien président Petro Porochenko, la première réunion du genre était centrée sur les réformes économiques de Kiev. Mais l'invasion russe du 24 février 2022 a changé la donne. Ainsi, la conférence de Lugano en Suisse en 2022 a ajouté le volet reconstruction à celui de la relance économique. Les éditions suivantes, Londres 2023, Berlin 2024, et aujourd'hui Rome 2025, se placent dans cette continuité.
La conférence de Rome se concentre sur quatre grands thèmes : le secteur privé, l’avenir de l’Ukraine, les villes et les régions et l'adhésion européenne. Plus spécifiquement, les discussions couvriront une multitude de domaines, allant de la stabilité macroéconomique à la sécurité, en passant par les infrastructures, la relance verte, le logement, l'énergie, le climat, la culture, la santé, l'éducation, la résilience, les questions de genre, l'environnement, les sciences, la technologie et l'innovation... Pour l'Union européenne, les priorités immédiates sont centrées sur les routes, les rues, les immeubles et le secteur du bâtiment en général.
Plus de 500 milliards d'euros sur 10 ans
Sur place, les dégâts sont considérables. Le gouvernement de Kiev a déjà versé plus de 25 milliards d'euros via un fonds créé en 2023 pour indemniser les biens immobiliers détruits. Les régions les plus touchées en termes de destruction de maisons sont Kharkiv (16%), Donetsk (14%), Soumy (8%), Louhansk (7%) et Odessa (2%). Globalement, les villes de Donetsk, Kharkov, Louhansk, Zaporijjia, Kherson et Kiev ont subi environ 72% du total des dégâts. Économiquement, les secteurs des transports, de l'industrie et de l'agriculture sont les plus impactés.
Selon l'ONU, la reconstruction totale pourrait coûter environ 500 milliards d'euros sur 10 ans. Même en ne comptant que les priorités essentielles comme l'emploi, l'éducation, la santé et l'aide aux personnes vulnérables (enfants, personnes âgées, femmes, déplacés, anciens combattants), l'Ukraine ne peut absorber seule ces coûts.
L'Europe en première ligne
L'administration Trump se montrant moins allante dans le soutien à l'Ukraine, l'Europe est perçue comme le principal contributeur. Depuis le début de la guerre en 2022, l'Union européenne et ses Etats membres ont fourni près de 159 milliards d'euros à l'Ukraine, dont 65% sous forme de subventions ou aides en nature et 35% sous forme de prêts. Dans le détail, les aides financières, économiques et humanitaires ont représenté un total de 78 milliards d'euros, selon les données du Conseil de l'Union européenne.
Cependant, la solidarité varie au sein de l'UE. En 2025, en proportion de leur PIB, l'Estonie (2,2%), le Danemark (2,17%), la Lituanie (1,8%), la Lettonie (1,5%) et la Finlande (0,9%) sont les plus généreux. En termes absolus, l'aide française figure parmi les plus élevées de l'UE avec 5 milliards d'euros, mais la France se classe 18e en proportion de son PIB. L'Allemagne contribue à hauteur de 0,4% de son PIB, l'Espagne et l'Italie à hauteur de 0,11%, et la Hongrie de Viktor Orban à seulement 0,03%.
Pour les projets de reconstruction, la France a lancé un fond doté de 200 millions d'euros ainsi qu'un appel à projets. Au terme de cet appel qui a suscité 70 candidatures, dix-sept entreprises ont été sélectionnées par le gouvernement ukrainien. Il s'agit de grandes entreprises parmi lesquelles EDF, Saint-Gobain et General Electric, mais pas seulement puisqu'une majorité d'entre elles (10) sont des PME et ETI. Ces sociétés sont retenues pour 19 projets dans cinq secteurs stratégiques : la santé, l'eau, l'énergie, le déminage et les infrastructures.
L'Alliance européenne des villes et des régions : un levier essentiel
Face à la destruction de milliers d'habitations et de villages ukrainiens, l'Union européenne a créé l'Alliance européenne des villes et des régions pour la reconstruction de l'Ukraine. Cette alliance, qui dépend du Comité européen des Régions (créé en 1994), vise à sensibiliser et mobiliser pour la reconstruction des villes ukrainiennes.
Une étape majeure a été franchie le 15 mai à Bruxelles avec la décision de créer un "guichet unique". Ce dispositif permettra aux municipalités ukrainiennes de nouer plus d'un millier de partenariats à long terme avec leurs homologues européens. Un exemple concret sera signé lors du sommet de Rome : un partenariat entre la ville allemande de Kassel et la ville ukrainienne de Jitomir.
Pour la Première ministre italienne, cette conférence de Rome est un "rendez-vous capital". Lors de la visite du Président Volodymyr Zelensky à Rome le 18 mai, Giorgia Melonia a ainsi réaffirmé que "l'Ukraine n'est pas seule. Et nous serons à ses côtés aussi longtemps que nécessaire". L'objectif du soutien italien est de "mettre l'Ukraine dans les meilleures conditions possibles pour construire une base de négociations pour la paix, une paix qui ne peut pas être une capitulation". Politiquement, Giorgia Meloni souhaite se démarquer à droite de ses homologues hongrois et slovaques, Viktor Orban et Robert Fico, en affichant une position très pro-ukrainienne. Et elle compte faire de cette conférence de Rome un moment marquant du soutien à l'Ukraine.