"On sort d'une crise de l'immobilier, mais on risque d'entrer dans une crise du logement", dit Loïc Cantin de la FNAIM
Le Congrès de la FNAIM, qui représente 45 000 professionnels de l'immobilier, vient de se terminer, alors que de nombreuses mesures sont sur pause après la démission forcée du gouvernement. S'il espère encore un assouplissement de la loi frappant les logements classés G, le président de la fédération Loïc Cantin veut rester optimiste pour l'avenir du marché de l'immobilier en France.
franceinfo : Vous comptiez sur plusieurs mesures censées s'appliquer l'an prochain, comme le prêt à taux zéro (PTZ), qui devait être étendu à tout le territoire pour tous types de biens. On dit tant pis pour la réforme ?
Loïc Cantin : On l'espérait parce que Valérie Létard avait porté cette proposition qui était importante, de rétablir le prêt à taux zéro sur la maison individuelle et que ce soit dans l'ancien ou le neuf, permettant un beau fléchage et un accompagnement pour les primo-accédants qui sont largement délaissés dans ce pays depuis trop longtemps.
Une autre mesure qui reste au milieu du gué concerne les passoires thermiques. L'interdiction devait être assouplie pour la location des logements classés G. Que va-t-il se passer le 1ᵉʳ janvier ?
Ça fait deux ans que je martèle, avec les quatre ministres que j'ai connus depuis deux ans, de modifier cette loi climat résilience pour faire en sorte que l'on ne soit pas frappé d'indécence énergétique au 1er janvier. C'est 646 000 logements qui sont loués, classés G qui sont frappés d'indécence. En l'état actuel, la réglementation va exposer un propriétaire à une action judiciaire de ses locataires pour réclamer l'exécution des travaux immédiats et notamment à la suspension du paiement du loyer. Et je vais plus loin : en 2028, c'est 700 000 logements de plus et 1 500 000 logements concernés d'ici à trois ans.
Tous les baux qui ont fait l'objet d'une convention antérieure aujourd'hui sont indécents dès lors qu'ils passent la date fatidique du 1er janvier 2025.
"La loi visait à n'appliquer l'indécence qu'à la reconduction du contrat. Nous, on dit il faut appliquer cette indécence pour tous les baux conclus à compter du 1er janvier 2025."
Loïc Cantinà franceinfo
Un propriétaire qui a conclu il y a 12 ans ne peut être responsable d'une disposition qui n'existait pas et surtout d'un diagnostic de performance énergétique qui n'existait pas au moment où il a contracté.
Pour les candidats à la propriété, les prix sont-ils aujourd'hui descendus au bon niveau ?
Oui, les prix retrouvent un niveau acceptable. Ils n'ont pas encore assez décéléré. La baisse a été plus importante là où les prix avaient le plus augmenté. On commence à restaurer une partie de la capacité d'emprunt des ménages. Et aussi, c'est accompagné de la baisse des taux d'intérêt qui est extrêmement salutaire dans ce contexte pour les ménages. On peut espérer, et je crois que c'est la vision de la Banque centrale européenne, avoir deux ou trois baisses systématiques jusqu'à fin 2025, nous permettant d'espérer des taux même en dessous de 3% à la fin de l'année prochaine.
Le robinet est ouvert pour tout le monde du côté des banques ?
Oui, il n'y a aucune raison. Les banques ont toutes la capacité à pouvoir prêter. Elles savent comment se financer. La question du financement n'est pas une question qui se pose, c'est une question de prise de risque et d'engagement et d'accompagnement.
Le marché de la location et le marché de la construction neuve, deux secteurs grippés jusqu'à présent, proposent-ils aujourd'hui des offres en nombre suffisant ?
Alors là, c'est le problème. On sort d'une crise de l'immobilier, on risque d'avoir une crise du logement. Quand je parle notamment de l'indécence énergétique, on risque d'avoir des logements qui vont être soustraits de la sphère locative. On a 7,3 millions logements locatifs en France. Si on en enlève 1,5 million, vous imaginez la catastrophe. Ces logements seront mis en vente, mais dans tous les cas, le parcours résidentiel des Français s'accompagne d'une offre locative en logement social, en logement privé, qui est un palier intermédiaire à l'accession à la propriété. Mais il faut jouer sur tous les secteurs et c'est là que la politique du logement n'est plus au rendez-vous de ce pays depuis plusieurs années.
Vous dites aux investisseurs, c'est votre phrase : "investissez aujourd'hui, défiscalisez demain", ça marcherait comment ?
Il ne vous a pas échappé qu'au le 31 décembre 2024, le Pinel, c'est fini. Un dispositif qui a permis de porter pendant 40 ans l'investissement locatif à travers une réduction d'impôt. Les caisses de l'État sont vides et les recettes exsangues pour accompagner le marché. Comme nous n'avons pas les recettes, on permet à un Français qui achète aujourd'hui un appartement dans le secteur locatif, neuf ou ancien, de le porter pendant 10 ans. Et 10 ans après, il a 10 années d'exonération d'impôt sur ses revenus locatifs. Ce qui permet à quelqu'un qui approche de la retraite de faire un effort d'épargne pendant les premières années et les 10 années après, où il y a moins de revenus, il a un complément de retraite : imaginez 500 ou 600 euros de loyer non soumis à l'impôt, effectivement.
Mais pendant 10 ans, il faut avoir les épaules solides.
Oui mais c'est une capacité d'épargne qui s'accompagne aussi d'un loyer payé par son locataire. Les Français le savent bien.
Votre seconde proposition parle d'un emprunt qui suivrait l'emprunteur plutôt que le bien ?
Alors la portabilité est une vieille mécanique qui existe depuis tout temps. Moi je l'ai pratiqué en tant que professionnel. La portabilité, ça consiste quoi ? Si vous avez emprunté à un taux de 1%, et que vous êtes obligés de quitter votre ville, plutôt que de vendre et de rembourser votre crédit à 1% et d'être confronté à un taux de 3,5 ou de 4%, vous conservez cet emprunt pour pouvoir continuer à assurer les mêmes mensualités sur le nouveau bien.
Et la transférabilité, c'est si un ménage divorce par exemple et qu'on n'a plus besoin de son emprunt à 1%, on peut le transférer à un tiers. Moi j'ai toujours dit que les banques avaient escompté leurs résultats, avaient adossé leur prise de risque. Et dans tous les cas, elles pouvaient bien évidemment accompagner et mettre en œuvre cette méthode. Mais voilà, je crois qu'il manque de courage politique dans ce pays pour accompagner ces ménages. C'est, je dirai, une façon d'aborder l'ingénierie financière de façon moderne. Je ne lâcherai jamais pendant tout mon mandat et je le répéterai sans arrêt et j'en fais un combat principal.