MMA - KO fantastiques, catastrophes industrielles, nouvelles stars : les Tops et Flops de 2024

Alexandre Herbinet est le spécialiste des sports de combat à RMC sport. Il a fait paraître MMA 2024 L’année de tous les possibles (éd. Talents).


Quel a été le meilleur événement de 2024 ?

Pour moi c’est l’UFC 300. La qualité et la densité de la carte étaient remarquables, il faut le reconnaître. Depuis le premier jusqu’au dernier combat. La carte s’ouvrait tout de même sur Deiveson Figueiredo contre Cody Garbrandt, deux anciens champions ! Il manquait juste un grand combat principal, d’une grosse star à la Conor McGregor, mais Alex Pereira a sauvé l’événement en prenant le combat à la dernière minute. Cet événement a été incroyable de tension du début à la fin, et il y a bien sûr ce moment iconique lorsque Justin Gaethje a été mis KO par Max Holloway à la dernière seconde. Cet instant est l’un des plus iconiques de toute l’histoire de la bagarre. Le co-événement principal entre les deux combattantes chinoises était un petit peu déceptif, mais à ceci près c’est difficile de rivaliser avec cette soirée.

Les décors fabuleux en LED de La sphere, salle de Las Vegas. UFC noche, le 4 septembre 2024. CHRISTIAN PETERSEN / Getty Images via AFP.

Quelle est l’organisation de l’année ?

Toujours l’UFC. Certes il y a des organisations qui essaient de monter de gros événements, comme le PFL avec Baki contre Doumbé à Paris, qui a beaucoup fait parler. Mais le panorama ne change pas. Personne n’arrive à rattraper le retard. On y a cru cette année, lorsque l’UFC a été menacée juridiquement à Las Vegas par une action collective menée par d’anciens combattants, qui estiment avoir été mal payés en raison d’une situation de monopsone. Or l’UFC a réussi à trouver un arrangement monétaire, sans que soit remis en cause son type de contrat, ce qui in fine renforce l’organisation sous sa forme actuelle. Ce n’est pas demain la veille que l’UFC sera concurrencée par une autre organisation.

Ce n’est pas demain la veille que l’UFC sera concurrencée par une autre organisation

Alexandre Herbinet

Quelle organisation règne sur la France ?

J’ai longtemps considéré que c’était Ares qui était la première organisation française, pour la qualité des combattants et les qualités du spectacle, mais je trouve qu’Hexagone a fait énormément de progrès cette année. Je ne dis pas ça parce qu’on les diffuse en exclusivité sur RMC sport ! La qualité de ce qu’ils proposent repose dans leur focus sur les jeunes combattants. Ceux qui ont brillé en amateur signent là-bas. Théo Ulrich, Oualy Tandia, Samba Sima, Allan Landouzy, Paul Dena... en France on a un rapport particulier aux amateurs. Ils brillent et sont dans la lumière beaucoup plus vite qu’ailleurs. De plus, Hexagone propose des soirées dans des coins particuliers comme le théâtre antique d’Orange. Ils vont partout où le MMA n’était pas venu avant, ce qui va bien avec leur nom. Je les mets au niveau d’Ares aujourd’hui.

Quels sont les trois combattants de l’année ?

Le premier c’est Ilia Topuria. Il a mis KO Alexander Volkanovski, ce qui n’avait jamais été fait ; il a mis KO Max Holloway, ce qui n’avait jamais été fait. Personne n’a deux victoires aussi belles que les siennes cette année, et avec la manière qui plus est, contre des combattants de légende.

Le deuxième combattant de l’année c’est clairement Alex Pereira. Pour son activité ; pour son côté «je sauve toutes les cartes en venant combattre dès qu’il y a un problème» ; et pour la manière dont il casse tout le monde. C’est un homme qui ne parle pas beaucoup, et qui a réussi à devenir une superstar parce qu’il dégage dans la cage.

Enfin bien sûr il y a du Dricus du Plessis. Je n’aime trop pas ce combattant techniquement je n’aime pas trop le personnage, mais il a pris la ceinture à Sean Strickland en début d’année. Son style n’est pas très technique mais est spectaculaire, on ne peut pas lui enlever. Plus tard dans l’année il a soumis Israël Adesanya, qui l’une des légendes de la catégorie poids-moyens. Dricus du Plessis a prouvé qu’il n’était pas là pour hasard. Il est installé comme patron de la catégorie.

Quels sont les trois perdants de l’année ?

Malheureusement je dois commencer par un Français ; Benoît Saint-Denis. Il a commencé l’année en étant la star qui monte, et pas qu’en France : dans le monde. Dans une des catégories les plus denses qui existent, les moins de soixante-dix kilos. Il était le nouvel épouvantail que personne ne voulait rencontrer. Sa défaite face à Dustin Poirier puis Renato Moicano, défaite marquante qui plus est, le voici à deux défaites de suite. Dans ce milieu où on oublie tout très vite, c’est significatif. Aux États-Unis on a coutume de dire «vous êtes aussi bon que votre dernier combat». J’espère qu’il va prendre le temps avant de revenir.

Ensuite je mettrai Sean O’Malley. Certes il a une victoire pour le titre cette année, et avait été mis en combat principal à «La sphère» (une salle ultra-spectaculaire à Las Vegas, NDLR) pour son côté grande gueule et spectaculaire. Il était programmé pour terminer l’année comme tête d’affiche de ce sport, le voici en demi-teinte. Il a beaucoup perdu de dynamique.

En dernier des trois je dirai Israël Adesanya. Non seulement parce qu’il a perdu, mais surtout parce qu’il est devenu prenable. Voire très prenable. Son aura décline depuis sa défaite face à Alex Pereira. Il est considéré à raison comme l’un des meilleurs boxeurs de l’UFC puisqu’il vient du Glory, mais a perdu face à Dricus du Plessis dont la technique est souvent moquée.

Jon Jones est un perdant en termes d’image. Le fait de ne pas affronter Tom Aspinall, de l’esquiver, a frustré énormément les fans

Alexandre Herbinet

Je citerai aussi Charles Oliveira, qui devait avoir un combat pour le titre face à Islam Makhachev, mais qui l’a perdue face à Arman Tsarukian. On aurait pu mettre Alexander Volkanovski, mais il a qu’un combat cette année. Allez, un dernier : malgré le fait qu’il ait gagné son seul combat de l’année je pense que Jon Jones est un perdant en termes d’image. Le fait de ne pas affronter Tom Aspinall, de l’esquiver dans ses déclarations, a frustré énormément les fans de l’UFC, dont je rappelle que 70% ne suivaient pas le MMA avant le Covid et donc n’ont jamais vu Jon Jones à son sommet.

Le plus gros flop ?

C’est le rachat du Bellator par le PFL. L’organisation numéro trois va acheter l’organisation numéro deux : on se disait qu’ensemble, ils pourraient concurrencer le numéro un ! Ils avaient des grands noms et des grands moyens. Malheureusement ils n’ont rien fait. Plusieurs combattants se plaignent. Il y a beaucoup de combattants qui protestent, comme Patchy Mix ou Patricio Pitbull, qui sont les anciens du Bellator, à qui le PFL ne donne pas de combat parce qu’il n’y a pas assez de cartes. Ils en sont réduits à protester sur les réseaux sociaux publiquement.

Baisangur Chamsoudinouv, surnommé «Baki», tente un renversement de lutte libre sur Cédric Doumbé. PFL Paris II, le 7 mars 2024. FRANCK FIFE / AFP.

Le meilleur combat de l’année ?

Islam Marrakech contre Dustin Poirier. D’abord pour le niveau global ensuite, pour le fait que Dustin Poirier approuvé qu’il en avait encore sous le pied. Islam Makhachev a prouvé qu’il était le meilleur combattant de la planète. Dans son coin, Khabib Nurmagomedov lui demandait de sécuriser le round, et pourtant Makhachev a persévéré, s’est adapté et a trouvé la solution pour aller finir le combat avant la limite. Magistral.

Le meilleur Français de l’année ?

C’est largement Nassourdine Imavov. Trois combats, trois victoires, contre trois top dix de sa catégorie. Il est dans le top cinq des poids-moyen et dans la discussion pour le titre. Désormais tout le monde le prend au sérieux. On peut dire qu’il a fait une des plus belles années d’un Français à l’UFC, avec Cyril Gane en 2021 ou Benoît Saint-Denis en 2023.

Le meilleur coach français ?

J’ai envie d’en citer deux. Je pense qu’on doit citer en premier Nicolas Ott, en lien avec la question précédente. C’est lui qui récupère Nassourdine Imavov qui vient de quitter le MMA Factory, après une année 2023 compliquée, frustrante, pas dans son meilleur état mental. Nicolas Ott a réussi à le relancer avec des plans de combat toujours très très bien préparés, avec des analyses étaient toujours pertinentes. Il l’a fait gagner et avec la manière. Ses rélefexions post-combat sont les bonnes, les adaptations sont là, le coaching en direct était assez impressionnant.

Nassourdine Imavov a fait une des plus belles années d’un Français à l’UFC, avec Cyril Gane en 2021 ou Benoît Saint-Denis en 2023

Alexandre Herbinet

En deuxième je voudrais tout de même citer Aldric Cassata. Il a encore réussi une très belle année. Manon Fiorot appuie le fait qu’elle doit avoir un combat pour la ceinture puisqu’elle a déchiré Erin Blanchfield ; Axel Sola et Virgile Augen sont tous les deux champions à Ares dans des catégories assez relevées. Il fait un un travail remarquable depuis plusieurs années.

Qui de la préhension ou de la percussion a fait la plus belle année ?

Il y a des lutteurs qui ont tiré leur épingle du jeu comme Merab Dvalishvili face à Sean O’Malley ; mais je pense que c’est quand même une année de percussion. Puisque les deux meilleurs combattants sont Alex Pereira et Ilia Topuria, c’est difficile de ne pas mettre la boxe pieds-poings comme gagnante de l’année ! Ce dont on se souviendra le plus cette année sont ceux qui ont mis des gros KO.

Le plus grand regret ?

C’est un regret compliqué, qu’il faut tout de suite nuancer : je pense que Benoît ne doit pas prendre Dustin Poirier. Il aurait pu dire à l’UFC qu’il était trop mal, trop malade, qu’il avait du mal à faire le poids, qu’il ne pouvait pas assurer son combat. Je dois tout de suite nuancer, parce que c’est une opportunité incroyable à laquelle il est très difficile de dire non. Il est combat principal d’un événement numéroté, s’il avait refusé le combat même pour cause de maladie l’UFC lui en aurait probablement tenu rigueur. Par ailleurs, s’il avait battu Dustin Poirier, c’est lui qui se serait battu pour la ceinture face à Islam Makhachev. Je reconnais que c’est facile à dire.

J’ai aussi un regret très personnel : voir Max Holloway KO. Cela dit, quelques mois plus tôt, en mettant KO Justin Gaetje à la dernière seconde, il signe un grand moment de l’histoire du sport.

Je regrette aussi l’inactivité de Ciryl Gane. Dans sa catégorie, les poids lourds, il y a suffisamment de garçons qui étaient largement à sa portée, et qui auraient pu lui apporter deux victoires de plus relativement facilement. Elles l’auraient largement relancé.

Question bonus : qu’espérer pour 2025 ?

Que la France décroche enfin sa première ceinture incontestée grâce à Manon Fiorot ! Elle le mérite depuis qu’elle a battu Katlyn Chookagian. C’est elle qui aurait dû avoir un combat de ceinture. Elle attend depuis deux ans. C’est une bourreau de travail qui s’entraîne sept jours sur sept. Pour ce sport qui a une image très misogyne, qui a été considéré comme un sport de chiens qui se battent dans une cage, ce serait une revanche incroyable. Nassourdine est aussi capable d’aller décrocher une ceinture : et si en 2025 la France en avait deux ?


MMA 2024 L’année de tous les possibles (éd. Talents). Talents sport.